Un grand tour à vélo



6. Portrait sur la route : Élise, à Séville comme à la maison


« Salut ! Bienvenue ! Venez, j’ai des amis à vous présenter ! » C’est un peu ça, Élise : une fraîcheur naturelle, un goût du partage et un absolu désintérêt pour nos accoutrements de vagabonds, crottés, graisseux et délavés…
En une heure, on est bien avec Élise et comme on interroge ses amies pour connaître son secret, la réponse est cinglante, limpide : « Elle est comme ça tout le temps, c’est une fille authentique. » À bien la regarder se comporter avec nous, se mouvoir dans les rues de Séville et trinquer avec des compagnons d’une soirée, ses amies disent vraie. Élise ne triche pas, elle se contente d’être et, au fond, c’est l’essentiel.
Née en 1989, l’infante passe des jours, des années, heureuse dans le cocon roannais, à quelques encablures de Lyon où ses parents exercent leur profession, « leur vocation, plutôt », rectifie l’intéressée : la médecine. Et si les chiens ne font pas des chats, les médecins, en revanche, peuvent bien faire des juristes ! Pour Élise, rien de choquant à cela puisque « l’avocat est le médecin des gens bien portants physiquement », assure-t-elle dans un sourire, à l’aise dans l’alcôve qui lui tient lieu de chambre.
À l’aise en toutes circonstances, c’est ce qui semble caractériser notre hôte et, pour un peu que l’on pense qu’il y a une relation entre les géographies mentale et physique, on en est sûr. Élise a un regard, un visage rieur sous une chevelure brune, bouclée et fournie, les pommettes rondes et un sourire craquant. Pas besoin de séduire, le naturel parle pour elle.
C’est sans doute pour cela qu’elle se régale à jouer au théâtre « pas forcément pour monter sur scène », mais davantage pour les semaines, les mois passés à bûcher son texte, voir évoluer son personnage, « toujours des garces, je ne sais pas pourquoi… » À bien y réfléchir, nous non plus.
Car Élise est à l’opposé du personnage qu’elle a incarné il y a quelques mois dans la pièce de Tchekhov. Plutôt « généreuse, simple et disponible », c’est encore ses amies qui le disent, « la pépite », selon Marie, n’est pas tellement du genre à louvoyer, à user de supercheries pour arriver à ses fins. C’est ce qui la motive dans ses études : être au plus près des gens pour les écouter au moins, les aider si elle le peut. Alors, elle veut être avocate dans le droit social « humainement hyper fort et intellectuellement très stimulant… Et puis, tu as vraiment le sentiment d’aider. J’aime bien les gens. » On s’en était douté. Élise est tout sauf une misanthrope. Si les gens l’intéressent, ce n’est pas vraiment pour les rencontres mais parce qu’elle considère « qu’on a toujours à apprendre, même des cons ». Vaste programme.
Les gens donc, c’est ce qui la fait se lever le matin « avec une énorme tasse de café ». Parler, partager, encore et toujours. Lorsqu'on ose le chapitre du sport, elle répond, ingénue : « Quelle horreur ! Pour quoi faire ? » Elle a bien fait du tennis, vaguement, mais c’était plus pour les yeux du prof, que pour les échanges sur le court. Alors, plutôt que de taper dans la balle, elle tape la discussion avec le beau maître des balles jaunes et s’en tient là.
Pas de sport, mais beaucoup de musique. Du piano. Depuis des années, elle explore Bach, parce que c’est « l’harmonie avec un grand “H”. Bach, c’est les fondations, la maison, alors que Chopin ce serait les moulures, les détails. » Élise, une fille tournée vers l’essentiel ?
De là à considérer que c’est pour cela que dans vingt ans, elle se verrait bien avec des enfants et si possible mariée, il n’y a qu’un pas. Infranchissable aujourd’hui, mais elle en est sûre : « Dans vingt ans, je serai maman, je me vois bien avoir une vie peinarde, posée. Les voyages, c’est bien, Erasmus j’adore, mais je me vois bien tranquille avec mes enfants. Une vie plus faite de gens que d’actions. »
De la mesure, donc, dans ses projets de vie, ce qui détonne avec sa vitalité débordante. Layla, Fanny et Lola, ses camarades de nuits blanches, ne l’ont « jamais couchée avant 5 h du matin. » Mesurée et entière, posée et fofolle, dilettante mais maligne en diable, une belle vivacité d’esprit, un excellent sens de la formule et pleine d’espérance pour « l’Après ». Songeuse, elle avoue qu’elle aimerait bien qu’on dise d’elle qu’elle était drôle et qu'on a pris plaisir à vivre en sa compagnie. Si nous n’étions pas si timides, nous lui dirions que ce fut le cas pour nous aussi, et que deux jours avec elle étaient de sacrées vacances.


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