Un grand tour à vélo



5. Voir l’Espagne et partir


Première nouvelle : nous sommes lundi et aucune nouvelle fracture n’est à déplorer ! Voilà qui est encourageant, diront les uns, décevants, avanceront les médecins… Pour notre part, nous sommes ravis de clore de jolie façon une semaine de voyage dense physiquement.
Une fois la séquence émotion réalisée au pied du mur de Cerbère, nous nous sommes engouffrés à corps perdu en Espagne, via Port Bou : unanimement, nous prîmes la décision de mettre le cap vers Barcelone où nous a accueillis une charmante famille « d’amis d’amis » que la vigne rapprochait. Une belle manière de briser la glace par ce premier point commun, mais nous en découvrirons d’autres ! Clara est une ravissante jeune femme aux yeux sublimes et au visage de poupée, tandis que Josep-Maria porte beau ses quarante années et promène un regard bienveillant et calme, servi par une belle gueule burinée que trois fils gris sur les tempes égratignent à peine. Tous deux, dans un français châtié, nous parlent un peu d’eux, de leur rencontre, leurs voyages, tout en donnant le bain aux quatre charmants bambins que l’arrivée de deux « franceses » excite beaucoup.
C’est donc le cœur gros que nous les quittons le lendemain matin. Ce cœur ne dégonflera d’ailleurs pas, puisque nous tournons pendant une bonne heure pour sortir de Barcelone. « Entrar en Barcelona, es un infierno, pero salir de Barcelona, es peor que infierno », dira Paco de son espagnol rutilant.
Finalement, nous nous en sortons et égrenons les kilomètres comme un moine les boules de son chapelet. Barcelona, Taragonne, Castellone et Valencia : là-bas, nous faisons la bêtise de demander notre route à un agent de police. Ce dernier nous répond le plus simplement du monde que, pour aller à Alicante, il faut juste prendre la autovia, le périphérique local. Nous : « Même à vélo ? » Lui : « Bien sûr, ce n’est pas un problème, il y a une bande d’arrêt d’urgence ! » Après mûre réflexion, nous n’avons d’autre choix que de nous exécuter la mort dans l’âme, la boule au ventre et les jambes flageolantes.
Après cet épisode usant nerveusement, nous avons le plaisir de retrouver la route des plages qui nous mènera, sur de très longs kilomètres, via Alicante, à Murcia, où Pedro, hôte exquis, nous reçoit comme des princes dans son appartement qu’il partage un jour sur deux avec ses enfants.
Du tourisme et beaucoup de repos pour trente-six heures : demain déjà, nous repartons, direction Grenade. Il nous faudra, comme à notre habitude, remercier et saluer cet ami rencontré par chance, que nous retrouverons, nous l’espérons sincèrement, le plus vite possible, tout en gardant à l’esprit le mot d’Elisabeth Bibesco : « Prolonger les adieux ne vaut jamais grand-chose ; ce n’est pas la présence que l’on prolonge, mais le départ. » Faire vite, mais faire bien, une devise parmi d’autres pour cette année.


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