Un grand tour à vélo



2. À beau voyage, beau bizutage


Départ. Nous nous retrouvons vers 10 h sous une pluie battante pour nous rendre à la messe, songeant que deux ou trois bénédictions ne seraient pas de trop avant un périple d’un an…
Vers midi, nous embrassons, émus, nos familles et filons pour suivre le Rhône. Cette première journée est placée, selon Paco, « sous le signe du liquide » : pluie, larmes et gourdes vides. Nous roulons sans grandes difficultés pendant six heures, entrecoupées de courtes pauses, et faisons connaissance avec… le mal de fesses. Nous qui avions peur de n’avoir plus rien à nous dire une fois partis, cette constatation douloureuse, et commune de surcroît, nous a donné du grain à moudre et l’occasion rêvée de jurer un peu sur nos vélos… et de grimacer une fois que nous en étions descendus. Bilan esthétique de ces élucubrations ésotériques : nous adopterons, pour les 364 prochains jours, une démarche chaloupée de cow-boys de tripots ou de marins de troquets, les jambes arquées et le pas lourd. La nuit est tombée depuis quelques heures quand nous dressons un bivouac charmant dans les vergers qui bordent Tain l’Hermitage, entre la nationale 7 et la ligne TGV, pour une nuit paisible et réparatrice !
Au petit matin, Matthieu a eu la riche idée de se planter royalement dans ses estimations kilométriques : « Avignon, c’est presque, à deux pas. » Paco, pas chien et joueur en diable, appâté par le tableau charmant dressé sur l’étape du soir, a tranché : « Avignon et son pont, ce sera pour ce soir ! » À mesure que les heures s’écoulent et que notre compteur décide de marcher, nous nous apercevons, un peu peureux au départ et franchement rigolards ensuite, qu’Avignon est, en fait, plus à trois pas qu’à deux ! Les villes et les étapes se succèdent : Valence-Montélimar-Pierrelatte-Orange (et son chocolat chaud), Châteauneuf-du-Pape (et sa sublime descente) et, enfin, Avignon, vers 20 h. Au total, nous avons donc passé neuf heures le cul sur la selle, avec les trois quarts du temps un vent de biais ou de face, mais toujours gênant. Et sous la pluie, bien entendu. Cette deuxième journée est aussi à placer sous le signe de l’amitié et sera l’occasion de rendre hommage à Paco qui, non content de soutenir un train d’enfer, a su trouver les mots pour galvaniser un compagnon de route, pas flemmard mais plus lent ! 156 kilomètres donc, récompensés par une soirée délicieuse chez Lionel et Véronique, parents adoptifs de Matthieu. Après un apéritif revigorant et un dîner tonifiant (paracétamol et Chassagne-Montrachet), nous nous écroulons pour une bonne nuit de sommeil.
Aujourd’hui, 9 novembre, réveil à 8 h 30 et ateliers écriture, lecture et réparation : après deux jours de vélo, nous avons déjà subi quelques avaries et avons de menus achats et modifications à apporter à nos montures. L’opération « dégraissage et entretien » ne fait que commencer. Demain, nous filerons vers la Camargue, puis cap au sud, via Sète (et sa plage) ; enfin, ce sera Perpignan. Et derrière, l’Espagne…


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