Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Parmi le public :

« À l’intérieur de la salle, une sociologie variée se distribue du parterre au poulailler. Une large palette d’attitudes aussi, dont il faut avouer qu’elles ne s’accordent pas toujours avec la discrétion qu’on est en droit d’attendre en ces lieux. Classique : votre voisine de derrière – celle-là même dont les genoux s’enfoncent entre vos épaules tandis que, stoïque, vous restez impassible à votre mauvaise place d’amphithéâtre, qui semble avoir été conçue pour un peuple de Lilliputiens aujourd’hui disparu –, qui a sorti ses plus beaux bijoux pour l’occasion, agite à chaque mouvement la bimbeloterie qui agrémente ses poignets, accompagnant la mort d’Isolde d’un cliquètement de maracas qui donne à la scène un faux air de samba brésilienne d’un merveilleux effet ; votre voisin de droite, qui a usurpé l’accoudoir commun et appuie d’un air méditatif sa tête sur sa main gauche, fait résonner contre vos oreilles le cliquetis implacable de la trotteuse de sa montre pendant la sérénade de Don Giovanni ; celui de gauche, tout juste sorti d’un sanatorium, expectore en un acte un mois de toux accumulée, entraînant avec lui la moitié de l’assistance, qui manifeste ainsi la sympathie que lui inspirent les malheurs de Violetta agonisant de tuberculose sur la scène. Plus rare, mais néanmoins vécu : au beau milieu de Billy Budd, un spectateur décide inopinément de compter et recompter toutes les pièces de son porte-monnaie ; un autre vous asphyxie et vous bouche la vue en posant ses pieds déchaussés sur le garde-corps dès le premier acte de Parsifal ; un obligeant compatriote traduit en temps réel à son invité américain chaque surtitre de Turandot – rappelons que l’œuvre dure plus de deux heures…
Oui, souvent, à l’opéra, l’enfer, c’est les autres ; pourtant, sans eux, l’intensité de l’émotion ressentie diminuerait d’autant. Rien de plus triste qu’une salle aux trois-quarts vide, et rien de plus fervent que la communion d’une foule, dans laquelle ses propres sentiments se réfléchissent et se décuplent. Percevoir la présence attentive de mille autres dans le noir, sentir qu’ils sont saisis du même frisson au même moment, suspendre avec eux son souffle avant le crépitement des bravos, voir une salle debout applaudir pendant dix minutes, être emporté par l’enthousiasme collectif donne à ses impressions intimes une force qu’elles n’ont pas lorsqu’on écoute un opéra dans son salon. L’expression du dépit, avouons-le, s’autorise aussi du nombre ; rien de plus revigorant, de plus cruel et de plus lâche que la complicité des rieurs, car il vous vient le courage de huer quand on hue autour de vous.
L’imprévisibilité de la réception, qui fait partie du charme des premières, était jusqu’au début du XXe siècle partiellement conjurée par la claque, cette institution organisée autour du “chevalier du lustre” qui, placé au centre de la salle, régnait sur une troupe de tapageurs, de chatouilleurs, de connaisseurs, de pleureurs, de chauffeurs et de bisseurs chargés d’exprimer avec ostentation les sentiments, les avis et les approbations spécifiques qui leur avaient été stipulés avant la représentation. Cette corporation avait ses grades : le plus haut, conféré aux soldats sûrs, était celui des intimes, dotés d’une place gratuite ; les lavables payaient un quart du prix, et étaient parfois tentés de laver leur billet en le revendant au prix fort à l’entrée ; les solitaires enfin payaient demi-tarif et devaient parfois s’acquitter d’une caution. La rémunération de ces prestations mercenaires était dûment répertoriée en fonction du service rendu : les “applaudissements vigoureux”, les “gros rires” et les “expressions horrifiées”, rarement prodigués et demandant peu de peine, étaient rétribués 5 francs à la fin du XIXe siècle ; les “grognements” valaient 12,50 francs tandis que les “applaudissements répétés”, les “cris” et les “murmures alarmants”, plus fatigants ou plus subtils à doser sans doute, enrichissaient les claqueurs de 15 francs bien sonnés. Cela n’empêcha pas les vociférations odieuses de la salle lors de la création de Pelléas et Mélisande, ni l’accueil glacial que reçut celle de Benvenuto Cellini. »
(p. 50-53)

Le goût du merveilleux (p. 16-19)
Un lieu symbolique (p. 24-27)
Extrait court
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