Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
L’inspiration du large :

« Pour l’exilé volontaire, la solitude est le fruit d’une quête, la recherche d’un ailleurs idéal. Ils sont plus nombreux qu’on l’imagine à quitter leur terre natale, leur horizon immédiat pour l’inconnu. Si la plupart, que l’on rencontre au détour d’un mouillage insulaire, font ce choix dans l’anonymat le plus total, d’autres par leurs actions, leur renom ou les œuvres qu’ils ont laissées sont devenus célèbres. Il en va ainsi de navigateurs assoiffés d’ancrages insolites et lointains en Polynésie ou en Géorgie du Sud : Alain Gerbault, Thor Heyerdahl, Bernard Moitessier, Tom Neale ou Jérôme Poncet ; d’écrivains tels que Robert Louis Stevenson ou Jack London ; d’un “auteur de chansons”, comme se définissait lui-même Jacques Brel, et d’artistes en quête de renouveau. Ils partent dans le sillage des romans de Melville, matelot déserteur épris de la beauté et de la sauvagerie des Marquises, sont d’authentiques aventuriers ou rêvent d’un “paradis”, fuient une société qui ne leur convient plus. Tous écriront des récits, des romans, des chansons, de la poésie. Certains ne feront que passer, d’autres poseront leur sac à terre pour longtemps, voire jusqu’à leur mort. Le petit cimetière d’Atuona abrite côte à côte Brel et Gauguin, mais “gémir n’est pas de mise, aux Marquises”…
Lorsque Gauguin, dont l’enfance a été bercée par les voyages et la vie au Pérou, la jeunesse par les circumnavigations comme pilotin ou matelot, rêve, après l’influence sur sa palette de son séjour en Martinique, de partir loin, à Madagascar peut-être, et finalement encore plus loin, à Tahiti, il a tout juste 40 ans. Il tarde à se faire reconnaître dans le monde des arts et embarque “pour être tranquille, pour être débarrassé de l’influence de la civilisation”, des carcans intellectuels, et par attrait viscéral pour les îles. Il éprouve le besoin de se “retremper dans la nature vierge, de ne voir que des sauvages, de vivre leur vie”. Son premier séjour, de 1891 à 1893, marquera un tournant majeur dans son œuvre ; et son retour, après quelques années à Paris, à Tahiti qu’il quitte en 1901 pour un ultime voyage à bord de La Croix du Sud et pour vivre à Hiva Oa dans les Marquises, se traduira, au-delà du caractère ethnographique de ses peintures, par “un dernier feu d’enthousiasme” bénéfique à son imagination, écrit-il à son ami Charles Morice, et par un pas en avant phénoménal dans l’histoire de l’art moderne. Il faudra attendre sa mort et de nombreuses années pour que ses pairs, la critique et le public le sacralisent. Qu’en aurait-il été d’ailleurs si Victor Segalen, jeune médecin de marine affecté en Polynésie, n’avait pas déclaré dans son hommage à Gauguin que “nul voyageur désormais ne peut se vanter d’avoir pleinement vu le pays de ces îles et les vivants de ces îles, qui n’en a point reçu, des toiles de Gauguin, la révélation et l’exégèse”.
Sans aller jusqu’aux antipodes, l’île est une source d’inspiration privilégiée pour beaucoup d’artistes. D’un Didier Squiban qui laisse filer ses doigts dans des improvisations prodigieuses sur son piano de Molène, comme autant d’îlots hérissés au-dessus des flots tumultueux, à un Gabriel Yared qui prolonge des mélodies alanguies, échos des bois d’Amour, des Soupirs, des Regrets de l’Île-aux-Moines qu’il a fini par fuir, dérangé par les effets Larsen d’une antenne toute-puissante ; d’un Alechinsky venu décliner en autant d’abstractions saisissantes les aiguilles de Port-Coton à Belle-Île, sur les pas d’un Claude Monet qui quitta l’île un siècle plus tôt avec trente-neuf tableaux sous le bras, brossés en moins de trois mois dans la sauvagerie d’une mer expressive pour l’impressionniste qu’il était, à une Geneviève Asse qui nourrit son bleu de la transparence d’acier du golfe du Morbihan, flottement estampé de l’âme ; d’une Sarah Bernhardt, extravagante comédienne errant dans les falaises dramatiques de la pointe des Poulains à un Bernard Giraudeau, silencieux et discret lors d’un tournage dans la douceur d’une fin d’été sur une île du golfe du Morbihan où le demi-mot est de mise : ils sont nombreux à venir saisir qui la tranquillité, qui la lumière, qui la beauté, qui la force créatrice dans les îles.
Et que dire des écrivains qui y puisent leur inspiration ? Ils s’y installent, écrivent là, pas nécessairement de la littérature insulaire, ou rêvent d’être sur une île et la mettent au centre de leur œuvre. Ce n’est ni pour la facilité qu’ils viennent, car tout est un peu compliqué sur une île, ni pour l’anonymat, car tout le monde vous y repère. Non. C’est pour la résonance que peut avoir la nature sur l’esprit créatif ; c’est parce que le temps s’arrête, et avec lui tout sentiment de pression ; c’est parce que l’isolement est favorable à l’œuvre, que l’île est tout à la fois terre, air, mer et lumière, et que la liberté n’y est entravée par aucune mode. »
(p. 65-69)

Au rythme insulaire (p. 28-31)
Mille formes d’habitat (p. 46-51)
Extrait court
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