Collection « Visions »

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Couverture
Des petites îles de la Sonde à la Papouasie occidentale :

« Des villages entourés de murailles de pierre ou de cactus, des maisons au toit de chaume qui s’élèvent haut dans le ciel, des mégalithes impressionnants, des rituels funéraires fastueux et des cavaliers qui s’affrontent chaque année au cours d’une fête violente : voici Sumba, la plus marquante des îles de Nusa Tenggara pour le voyageur qui s’intéresse un tant soit peu aux hommes et à leurs traditions. Située à la croisée des univers malais et mélanésien, Sumba est longtemps restée isolée. Elle fournissait les grands royaumes javanais en bois de santal, esclaves ou chevaux, mais elle ne possédait que de maigres ressources qui n’intéressaient personne. Aujourd’hui, Sumba reste l’une des îles les plus pauvres de l’archipel. Son isolement a permis à la population, surtout dans la région la plus pluvieuse, de préserver en partie ses croyances et ses coutumes ancestrales. C’est sur une plage de cette contrée que j’ai pu assister à une scène extraordinaire. Je marchais sur un sentier bordé de cocotiers lorsque j’entendis des cris en direction de la mer. Je suivis les voix et arrivai dans une petite carrière de pierres. Des dizaines d’hommes cherchaient à en extraire une dalle de plusieurs tonnes avec pour seuls outils du bois et des lianes. Un homme debout sur elle donnait les ordres puis, lorsque tout était en place, les ouvriers la faisaient glisser de quelques mètres en chantant. Le spectacle était d’une force incroyable. Pour un peu, je me serais cru dans une scène d’un film de Cecil B. DeMille ou de Jack Hawkins lors de la construction des pyramides ! Les “forçats” continuèrent ensuite sur la plage, traversant de petites rivières et des lagunes. Une heure plus tard, ils abandonnèrent l’énorme bloc sur un site funéraire face à la mer. Bientôt, un nouveau mégalithe se dressera dans le ciel de Sumba.
Deux groupes de plusieurs centaines de cavaliers se font face. Il flotte quelque chose d’électrique dans l’air. La tension est palpable. Soudain les rato, les prêtres des deux camps, caracolent jusqu’au centre du terrain. Ils échangent quelques paroles rituelles et se jettent deux lances. C’est le signal, la pasola peut commencer. Immédiatement, quelques cavaliers aguerris s’élancent en hurlant vers le groupe adverse. En plein galop, ils lancent leurs javelots de bois et s’échappent rapidement alors qu’une pluie de lances s’abat autour d’eux. La foule survoltée accueille cette première charge par des cris de joie. Les charges se succèdent en vagues rapides. Les insultes, les provocations et les lances fendent l’air. La fièvre monte. Les guerriers, en quête de prestige, prennent toujours plus de risques pour démontrer leur courage et leur science du combat. Soudain, un homme tombe, blessé. On l’évacue et l’affrontement continue, encore plus passionné. La pasola peut être meurtrière. On raconte que les cavaliers blessés ou tués au combat ont auparavant offensé les esprits ou les ancêtres. À l’image de la princesse qui, selon la légende, se sacrifia pour sauver son peuple de la famine, le sang versé ici permet que la terre soit fertilisée. Cette joute équestre n’est donc pas un simple jeu. Si elle permet de résoudre les conflits en faisant appel à la justice divine, elle est aussi le point culminant du nyale, une série de rituels complexes liés à la fertilité des rizières et au succès des récoltes. Ces cérémonies coïncident avec l’apparition des vers marins, les nyale, sur certaines plages, pendant la pleine lune de l’équinoxe de printemps. Ce sont les rato qui prédisent leur arrivée. Le nombre, la forme et la couleur des vers sont autant de présages annonciateurs d’une récolte, bonne ou mauvaise. Les mêmes chamans décident alors de la date des quatre pasola de l’année, pour la joie et la fierté de ce peuple qui n’est pas près de renoncer à ses anciennes valeurs. »
(p. 116-119)

De Sumatra à Bornéo (p. 50-53)
Sulawesi et Bali (p. 100-103)
Extrait court
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