Collection « Sillages »

  • Népal
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
De Terra Firma à Avian :

« Réveil lourd. Notre forme d’hier a disparu, et ce n’est que vers 11 heures que tout est prêt. Péniblement, nous suivons la côte du Pourquoi-Pas ?, quittant le fjord Bourgeois pour passer dans le Narrows, un chenal de trois kilomètres de large à peine, qui sépare les îles Pourquoi-Pas ? et Blaiklock. La surface n’est pas mauvaise, mais nous ne sommes vraiment pas en forme. Heureusement, une brise nous parvenant du fond du fjord souffle dans la bonne direction. Nous gréons la voile et le poids qui entaille les épaules diminue légèrement. Nous pouvons à peine croire qu’enfin le vent nous sera favorable ! Peut-être la journée ne sera-t-elle pas complètement perdue ? Même à cette allure, nous allons pouvoir atteindre le camp indiqué sur notre carte. Dans le couloir qu’est le Narrows, le vent s’accélère, un peu en travers de la route. Le traîneau marche seul de plus en plus rapidement, et il faut réagir vite pour le contrôler. Par moments, des rafales le font basculer, et nous nous asseyons à deux pour faire contrepoids. Bientôt l’île Blaiklock est dans notre dos, et nous rentrons dans le fjord Bigourdan par vent arrière. La surface est bonne, les conditions parfaites pour faire de la voile. La vitesse s’est stabilisée à 10-12 km/h, et nous nous laissons tirer, accrochés à l’arrière du traîneau. C’est fantastique, notre rêve se réalise. Sans aucun bruit, sauf celui de la neige qui crisse sous les skis, les kilomètres défilent. Nous pouvons tout regarder de ce paysage que nous aimons tant, tranquillement, l’esprit disponible et le corps au repos. Jérôme se roule une cigarette, je sors la Thermos de chocolat et un casse-croûte. Une main sur le traîneau pour maintenir la direction, nous discutons, fébriles de bonheur et d’émotion.
— Tiens, regarde, cela aurait été sympathique de camper sur cette île !
Mais nous ne pouvons pas nous arrêter. On trouvera bien un autre endroit quelque part avant de quitter le fjord. Il faudrait quand même s’en inquiéter : la prochaine possibilité, l’île Pinero, est à dix kilomètres. À moins de camper sur la glace de mer…
— On y va, c’est trop beau pour s’arrêter ! Tant pis si le vent tombe. On se débrouillera.
Et nous continuons, comme si plus rien ne pouvait nous arrêter.
— Regarde, des phoques, deux au moins !
Une légère correction de direction, et les formes noires grandissent. Endormis sur la glace, ils n’entendent pas le traîneau qui les frôle.
— Tiens, encore un autre là-bas !
— Il ne faut pas trop s’écarter de la route quand même, sinon on va devoir remonter au vent pour atteindre l’île !
Encore une heure de jour, et le sommet en lame de couteau de Pinero nous domine. Au milieu du fjord Laubœuf, il reste treize kilomètres jusqu’à Rothera.
— On campe ou on continue ?
— Il fera nuit en arrivant, non ?
— Oui, mais il y aura la lune, et puis les lumières de la station sont un bon repère.
— Ça va encore faire drôle, notre arrivée : ils ne nous attendent pas. Tu te rends compte, soixante-dix kilomètres en deux jours, à pied. Heureusement que nous sommes partis ensemble de Horseshoe, sinon personne ne nous croirait !
Le traîneau glisse toujours ; le vent souffle, prenant un petit peu plus de travers à mesure que nous approchons de la pointe basse derrière laquelle se trouve la station. Il doit rester cinq kilomètres. La glace lisse et ininterrompue du fjord se détériore, hachée en gros morceaux de brash et débris d’icebergs. Nous guidons le traîneau dans ce dédale d’obstacles, aidés encore par le vent qui, néanmoins, vire de plus en plus. La clarté baisse vite et il faut maintenant se remettre devant sur la corde et tirer pour le dernier kilomètre. La visibilité diminue avec l’apparition du brouillard. Un halo de rayonnement entoure la petite butte sur la pointe de Rothera. La station, hors de vue, n’est pas loin, et le ronronnement des générateurs parvient jusqu’à nous, porté par le vent. On croit même percevoir une odeur ténue de fuel. Après des journées dehors à respirer un air pur, l’odorat est extrêmement sensible à la moindre anomalie…
Un dernier effort pour remonter la congère qui relie la glace de mer à la terre, et notre journée est terminée. Pas seulement la journée, d’ailleurs, mais toute notre randonnée hivernale. Le retour vers Avian sera le prélude à autre chose, les premières notes du printemps, peut-être. Déjà la dureté de l’hiver appartient au passé. Le soleil fait fondre la neige et les oiseaux sont de retour. Un petit groupe de cormorans, volant en formation au-dessus du fjord, le cou tendu vers le sud, m’a communiqué une sensation d’été cet après-midi. »
(p. 141-143)

En route pour la Péninsule (p. 43-44)
Hivernage et préparatifs (p. 77-78)
Extrait court
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