Collection « Visions »

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Couverture
Kongsfjord et Smeerenburg :

« Un claquement sec perce le silence. Rien de visible, la rupture n’est large que de quelques millimètres. La glace en amont poursuit sa poussée, contraint la faille à s’écarter au passage d’une barre rocheuse et à ouvrir une crevasse de trente mètres de profondeur. Je reste captivé par le conflit interne qui déchire ces géants. Des bataillons entiers de séracs, immobiles tels des soldats, attendent l’heure où ils seront à leur tour appelés sur le front. Nul n’en reviendra. Tous seront brisés, abattus, sacrifiés, et retourneront à la mer comme un corps retourne à la terre. Aucune souffrance pourtant n’émane de ce chaos. Ce qui pour les vivants est violence n’est que respiration pour les éléments. Une respiration si puissante que son souffle impose un respect ébahi, comme celui qu’inspirerait un pouvoir suprême et intouchable. Soudain, un pan de glace s’effondre. De la plage, je vois jaillir une gerbe d’écume, immédiatement suivie par une déflagration qui fait vibrer les montagnes. Une vague frangée d’écume se soulève, soulève des morceaux de glace qu’elle éclabousse à son passage, puis s’enfonce lentement dans les profondeurs. Mais je ne l’oublie pas. Je l’attends. Je sais que la vague reviendra. À l’approche de la côte elle lèvera la surface de la mer et, libérant son écharpe d’écume, elle gonflera, chuintera, se cambrera pour se donner au rivage dans le choc d’une effusion passionnelle. Une longue pellicule d’eau, douce et poétique, caressera alors mes pieds.
On croit que l’Arctique est silencieux. C’est sans compter les débris de glace qui flottent par milliers et pétillent en fondant au contact de l’eau ; c’est sans compter les bourguignons qui, sous l’effet de la houle, clapotent chaque fois que leur masse heurte la surface ; c’est sans compter aussi les icebergs ruisselant au soleil en filets d’eau translucides. Craquements, effervescences, bulles qui éclatent, glaces qui frottent, se renversent ou dégouttent animent la mer de bruits et de mille scintillements. Or, passés les crépitements et les coruscations du pack, me voici, à terre, condamné à l’immobilité. Comment frayer ma voie à travers une glace si dense ? Je ne crains pas les icebergs, bien loin, au Spitzberg, d’être aussi hauts et menaçants que leurs homologues du Groenland. Ce qui n’empêche pas les visiteurs qui ont pu naviguer en baie du Roi d’affabuler sur l’un de ces colosses errants qui aurait attenté à leur vie. L’iceberg n’est pas plus à redouter que la tempête, qui se voit venir en observant le ciel et frappe les rives avec franchise. Le pack, en revanche, est imprévisible. C’est un rets sournois qui circule, enveloppe et enferme. Demain ou après-demain il encombrera d’autres rivages, mais c’est aujourd’hui que je veux avancer. Alors, quand j’aurai perdu patience, lorsqu’une intuition me fera comprendre qu’il est temps d’aller plus loin, j’embarquerai pour forcer le passage. Je me laisserai prendre dans les mailles de glace et m’obstinerai à les déchirer. »
(p. 82-85)

Le Spitzberg (archipel du Svalbard) (p. 8-9)
La côte Est (p. 110-113)
Extrait court
Extraits d’articles
Morses au Spitzberg
Ours blanc
Phoques au Spitzberg
Renne au Spitzberg
L’exploration du Spitzberg
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