Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Théâtre poétique, théâtre politique :

« Les artistes sont responsables du monde. Il est temps de replanter la fleur de l’imagination dont se sont emparés les publicitaires et les monnayeurs. Quoi ? Une peinture est un motif de verre à moutarde ? Un dessin devient le symbole d’une banque ? Un film, une occasion de vendre des voitures ? L’art ne peut pas être au service du monde. Je préfère croire que c’est l’inverse. De même, l’imagination au pouvoir ne peut pas signifier qu’elle sera au service du pouvoir. Car, encore une fois, l’imagination n’est autre que la grande, la meilleure intelligence : celle qui fait sortir du problème présent, qui laisse entrevoir dans ses œuvres d’autres mondes possibles. Qui en est plus capable que les artistes ?
La rue est notre champ de bataille, et la simplicité notre terrain d’entente. Les armes : votre art à vous, à chacun d’entre vous qui me lisez ou m’entendez. Car en vérité je vous le dis : il n’y a pas mieux que l’art qui dit.
Jouons-nous donc dans un théâtre politique ? Un débat plus que public ? Posée sur le pavé, chaque question devient plus ouverte que jamais. Exprimée dans l’agora de chaque grand-place de ville ou de village, toute question devient réflexion nationale, vermisseau-appât lancé aux poissons penseurs que sont les passants à panser, petite pensée voyageuse qui fait son chemin mental chez les spectateurs, autant que son chemin géographique d’un lieu de spectacle à l’autre. Il est donc temps de savoir ce que peut, ce que veut, ce que doit dire le saltimbanque.
Jérôme Savary, avec son Magic Circus dans les années 1970, prétendait déjà que le théâtre de rue est politique, ne fût-ce que par sa forme. Un acte accompli dans la rue est un acte public, une pierre posée pour faire bouger le passant, un souffle dans son oreille qui le fait dévier de son trajet ordinaire. C’est un moins que rien sans doute, qui peut, au décompte final, tout changer. Une prise de parole dans l’espace public n° 1 n’est jamais innocente, a fortiori si elle discourt sur le monde dans lequel nous vivons.
J’en prendrai pour exemple l’interdiction qui m’a été faite à Toronto, au Canada, de jouer un spectacle dans lequel je nommais l’ex-président états-unien George W. Bush. Il était représenté par une aiguille prête à faire exploser un monde-ballon. Cette interdiction qui m’a été faite, cet acte de censure envers de simples objets, loin de leur couper la parole (je jouais ailleurs le lendemain), leur a donné une importance énorme : quoi ? Une aiguille qui fait éclater un ballon aurait donc, puisqu’on me l’interdit, le pouvoir de faire penser ? De rendre conscience ? De lancer une révolution, peut-être ? Des guignols joués dans la rue auraient donc devant un public anonyme la possibilité de changer le monde ? Cette censure m’a gonflé de fierté. Oui, nous avons en main un théâtre politique.
Un autre exemple me vient à l’esprit. En pleine tournée tunisienne, je me suis trouvé devant une situation étonnante. Dans ce pays musulman, un court sketch sur l’évolution darwinienne ne fut absolument pas compris. “Qu’est-ce que tu veux dire avec cette histoire de cellule ?” me demande-t-on. Je réponds :
“Je parle de cellules…
— Oui ?
— De l’évolution…
— De l’évolution ? Quelle évolution ?
— De la création du monde…
— De la création du monde ? Tu veux dire Adam et Ève ?”
Darwin n’existe donc pas de ce côté-ci de la Méditerranée. Il n’a pas le droit d’entrer dans le possible imaginaire. Il n’est pas, et il ne sera jamais, question ici d’évolution.
Qui était le premier ? La poule ou l’œuf ? De notre côté, nous préférons voir l’œuf, c’est-à-dire la cellule, comme premier arrivé sur terre. De cette cellule en naquit une autre, puis deux, trois, un animal, un reptile, un mammifère, l’homme. Et toute l’évolution en découle, qui sans cesse modifie le monde et le fera encore changer. En Tunisie, la poule était là la première. Le Créateur. Un dieu. Ensuite arrive Adam, l’œuf créé par ce dieu. Et ces théories créationnistes vont bien plus loin : de cette façon, le monde a toujours été et sera toujours comme il est. »
(p. 32-35)

Gagner le public, encore et toujours (p. 15-18)
Échanges sur un trottoir (p. 82-85)
Extrait court
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