Collection « Visions »

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Couverture
Le Karakoram :

« Les expéditions à skis sur les glaciers géants du Karakoram procurent d’intenses sensations. Les grands espaces vierges, plats et silencieux, de Snow Lake ou du glacier de Biafo rappellent les calmes immensités d’un désert paisible et rude, propice à une évasion de l’esprit vers des horizons lointains. La verticalité des parois élancées s’y oppose, murs abrupts qui réveillent en moi des pulsions d’alpiniste. Je m’amuse à tracer du regard d’élégantes lignes d’ascensions imaginaires sur d’interminables éperons de granit ciselés de corniches où jamais personne n’a planté un piolet. Les effets physiologiques de l’altitude, conjugués à la limpidité de l’air, à la morsure du froid et à l’immensité des lieux, entraînent la griserie des hauts sommets, ce bonheur de toucher le ciel et de se marier à un environnement inhumain en l’apprivoisant au fil des jours. La faible pente des glaciers annihile les angoisses liées au risque de chutes et au danger d’avalanches. L’itinérance sur ces fleuves de glace plongés dans une solitude totale, l’obligation d’avancer par tout temps avec cartes, GPS et boussoles, se rapproche de la navigation océanique. À l’instar du marin menant son bateau plein de victuailles sur l’onde bleue, nous glissons sur une mer blanche avec nos pulkas chargées de matériel et de nourriture. Nos tentes sont les cabines de ces frêles esquifs. Nous jetons l’ancre à l’envi, le glacier n’offrant que des places de premier choix pour camper. L’extraordinaire sentiment de liberté que procure notre autonomie est la suprême saveur de ces expériences de vie aux franges du monde connu.
Je ne recherche pas l’exploit dans mes aventures, je n’ai rien d’un sportif ni d’un conquérant. Les montagnes m’attirent pour leur extrême pureté, pour la beauté de leurs lignes, pour l’énergie qui s’en dégage. J’ai trouvé dans le Karakoram une puissance naturelle colossale, irradiante. Les efforts que l’on doit fournir pour s’élever dans cet environnement intimidant sont paradoxalement inférieurs à la force qu’on en retire ; la balance est globalement positive pour le corps. Je reviens ainsi en forme d’un séjour de deux semaines sur les grands glaciers, malgré le froid et l’altitude. L’émerveillement est la meilleure nourriture de l’homme, et la nature en est une source toujours renouvelée. Quand je foule la neige vierge des douces ondulations du plateau d’Hispar, je ne désire pas arriver au plus vite au col. Au neuvième jour de notre raid, je voudrais que le temps passe encore plus lentement. Je m’arrête pour regarder mes amis avancer sur cette planète brillante, fragiles silhouettes colorées qui suivent les courbes souples de la trace. Les sommets tranchants de l’Hispar Mustagh se dressent à plus de 7 000 m dans le ciel intense au-dessus d’eux. Le vent a sculpté les parois de neige qui nous entourent de fines draperies, ornant les moindres arêtes, couloirs et éperons de ciselures blanches féeriques. Le col est à portée de main, longue ligne d’horizon fluctuante sur laquelle semble flotter la tour géante du Baintha Brakk, qui culmine à 7 285 m. Il faut compter trois heures pour le rejoindre, cent quatre-vingts minutes qui ne sont rien à l’échelle d’une vie, mais qui suffisent à distiller ces précieuses gouttes d’éternité qui enivrent l’évocation des souvenirs. »
(p. 92 & 94)

Le Karakoram (p. 74-75)
Le Karakoram (p. 104-105)
Extrait court
Extraits d’articles
L’ascension du Nanga Parbat
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