Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Pierres de rêve :

« L’œil, quant à lui, cède aisément à l’hypnose. Il faut dire que la majesté naturelle de certaines formes y incite. Particulièrement les pierres dites “paysagères”, que les lettrés chinois, dès le VIIIe siècle, appelaient suiseki ou “pierres de rêve”. Il s’agissait parfois de simples cailloux, mais aux formes particulières qui évoquaient soit un animal réel ou mythologique, soit un élément de la nature : rivière, nuage, colline. Les passionnés pouvaient s’endetter, hypothéquer toute leur fortune pour posséder une pierre de rêve, à peine mise en valeur sur un socle de laque ou de bois de rose, à seule fin de passer le reste de leur vie à contempler cette merveille, dans laquelle leur esprit pouvait s’absorber, dériver, se reposer. On comprend une telle extase lorsque l’on voit pour la première fois un marbre graphique d’Italie. Ces paésines rectangulaires et plates sont faites d’aplats géométriques de calcites en alternance avec de l’aragonite de différentes couleurs, allant du beige au crème, en passant par le bleu et le marron. Elles évoquent des mers venant mourir sur des falaises ocre, ou parfois des villes modernes hérissées de gratte-ciel crevant la brume de leurs cimes, ou encore des architectures de cités englouties surgissant des profondeurs. Ces tracés convoquent nos souvenirs les plus enfouis et les font rejaillir dans nos esprits interloqués. Ce sont nos propres Atlantide intérieures qui sont ainsi révélées lors de la contemplation des délicates paésines florentines, guère plus grandes que des cartes postales. Les agates figuratives laissent, elles, deviner parfois des visages ou des formes animales. Ces boules de quartz, à l’origine creuses, emplies de fluides siliceux déposés sous les contraintes de chaleur et de pression telluriques en couches successives et concentriques, jusqu’à les remplir, excitent l’imagination. L’organisation circulaire des zones, ayant eu parfois au sein d’une même agate une croissance jumelle, se prête volontiers à l’anthropomorphisme. Des yeux apparaissent, des oreilles et des lèvres. La plus célèbre d’entre toutes a été baptisée “La Chouette apache”. Cette simple agate a la particularité de laisser voir la silhouette d’une chouette avec ses grands iris et ses oreilles pointues, parfaitement symétriques. Assurée par son propriétaire à hauteur de plusieurs millions d’euros, elle voyage de par le monde, d’exposition en exposition, dans un coffre blindé, surveillée en permanence par deux gardes du corps armés. Une pépite d’or monumentale, appelée “Le Dragon” en raison de sa forme évocatrice, voyage dans les mêmes conditions, mais il s’agit d’or. Celle-ci aurait pu faire rêver de longues heures le garimpeiro rencontré à Icabarú. Si l’heureuse Chouette n’avait pas été immédiatement repérée et adoptée, elle aurait terminé dans l’une de nos vitres, en bouteille ou en miroir, comme tous ses amis grains de sable et de quartz.
L’anthropomorphisme minéral fonctionne comme un réflexe ancestral. J’ai moi-même une collection de pierres ressemblant à s’y méprendre à des parties du corps humain. Tout a commencé avec un fossile que m’a donné ma mère, trouvé par elle il y a fort longtemps dans les environs de Dole. J’étais persuadé, enfant, qu’il s’agissait vraiment d’un “cœur de pierre”, tant la ressemblance était frappante. Des artères de calcaire émergent au sommet d’un nœud ressemblant en tout point à un muscle cardiaque. On aurait dit, vu sa taille, un cœur de chèvre ou de mouton. C’est en me plongeant dans des guides et des encyclopédies dédiés aux fossiles que j’ai appris des années plus tard que je possédais en fait un coquillage fossilisé appelé “cœur de bœuf” ou Granocardium productum. Les artères étaient simplement des terriers fossilisés de vers de vase, dans l’enchevêtrement desquels le bivalve était mort. J’ai ajouté depuis à cette excentricité géologique une main grandeur nature en gypse saccharoïde rouge – assez effrayante, ma foi, puisqu’on dirait qu’elle vient de commettre un crime sanglant – et une cuisse en aragonite lisse provenant d’une grotte de carrière. Ironie du sort, c’est cette cuisse qui, avec d’autres spécimens dans un sac devenu trop lourd, a contribué à me faire chuter dans une descente ; accident à l’origine de mes multiples fractures… du tibia et du péroné ! D’autres que moi l’auraient détruite après coup, sous l’effet de la rage ou par vengeance, mais je l’ai gardée. »
(p. 44-45)

Immensité (p. 64-68)
Traque de météorites (p. 74-78)
Extrait court
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