Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
La poésie du clocher :

« C’est peut-être l’imaginaire qui nous donne la meilleure approche de ce qu’est un village. Alors que j’arpentais récemment les allées d’un salon du livre, je tombai en arrêt devant un stand où un ami faisait la promotion de son recueil de photographies consacré à la vallée qu’il habite en Alsace, la vallée de la Bruche. Comme j’en feuilletais un exemplaire avec intérêt, reconnaissant au fil des pages les lieux qu’il avait photographiés et que j’arpente régulièrement, mon ami ouvrit celui qu’il avait devant lui sur une double page, me mettant au défi de déterminer où sa photo avait été prise. Elle montrait une mer de brume, dans des ambiances automnales, au fond d’un vallon, d’où n’émergeait que la pointe d’un clocher. Je réfléchis un instant, convoquai ma mémoire visuelle : “C’est Plaine ?” Il confirma, j’avais deviné, c’était bien de ce village qu’il s’agissait. Le clocher m’avait donné la clé. Carré, circulaire, octogonal, en bâtière, à quatre pentes, à campanile, en bulbe, à flèche, tors, surmonté d’une croix, d’un coq, d’une girouette ou d’un paratonnerre, porteur d’une horloge ou d’un cadran solaire, le clocher signe mieux que tout l’identité du village français. Pas deux clochers qui se ressemblent. Le clocher est un repère, un amer, un phare. Il est le monument clé du village, altier au milieu des habitations comme une poule qui veille sur ses poussins ou un berger sur ses moutons. Jacques Séguéla, le publicitaire chargé de la campagne électorale de François Mitterrand en 1981, l’avait mieux compris que quiconque, en confiant au photographe Patrick de Mervelec la mission de faire poser le futur président devant un village archétypal du paysage français, d’où émerge le modeste clocher d’une église. Ce village existe réellement : il s’agit de Sermages, dans le Morvan, 193 habitants au dernier recensement. La localité est située dans le fief de Mitterrand, à une dizaine de kilomètres de Château-Chinon dont il fut maire, dans un canton de la Nièvre dont il fut également conseiller général jusqu’à son élection. L’affiche sent bon la campagne, les vaches, le monde rural dans ce qu’il a de permanent. Pour la petite histoire, le clocher de l’église, daté du XIIe siècle, fut amputé sur l’affiche d’une partie de sa flèche : il s’agissait d’incarner la douce France, la France profonde, la force tranquille de la France éternelle, pas de se montrer calotin… On était loin, sur cette photo, du socialisme triomphant de l’affiche de 1975, qui mettait en scène Mitterrand sur fond de pylône de ligne à haute tension et de cheminées d’usine. Il est vrai que le programme commun de la gauche, signé par le PS avec le PC, faisait peur. Il s’agissait de rassurer. Le village avec son clocher signifiait cela : même si le pays passait à gauche, même si l’on nationalisait certaines entreprises, même si l’on pactisait avec le diable communiste, le pays garderait ses valeurs, son passé, son identité, le pays durerait au-delà des vicissitudes de l’Histoire.
Un candidat à la présidentielle pourrait-il se permettre aujourd’hui une telle affiche ? Rien n’est moins sûr. Il semble bien que le village ait été quelque peu oublié par l’imaginaire contemporain “branché”. Une exposition de photographies, “Paysages français”, présentée à la fin de 2017 à la BNF et assortie d’un catalogue qui rassemble des centaines d’images, faisait ainsi la part belle au paysage naturel, à la ville et aux entre-zones, en oubliant totalement les villages de notre territoire. Très peu de photos de la campagne. Pas un seul clocher. Pas le moindre paysan. Pas une seule image de patrimoine, même ironique, même humoristique ; pas une seule photographie pour dire la poésie, les doutes, les ambiguïtés, les désarrois, les enthousiasmes de la campagne française et de ses habitants. Comme s’il s’agissait de représentations passéistes, ringardes, trop pittoresques. Le village n’est pas à la mode, il est d’une autre époque, il n’est pas tendance. Ce petit essai se veut donc aussi une défense et illustration de cette entité du paysage français, au-delà de ce qui est dans l’air du temps et qui, demain, sera oublié. Il se propose de réfléchir sur ce composant fondamental de notre pays, même si celui-ci est en perpétuelle mutation. Le village d’aujourd’hui n’est pas celui de Madame Bovary, ni celui de Joachim du Bellay, encore moins celui de la villa romaine, d’où il tire son nom. Il n’empêche qu’il existe toujours, passe les siècles, mue, mute, et même se remue. »
(p. 17-20)

Éloge du potager (p. 42-45)
Réinventer le village (p. 83-87)
Extrait court
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