Des œuvres en lumière

Après avoir parcouru le Moyen-Orient pour en étudier les civilisations, Jean-François Jarrige met son savoir au service de l’intérêt public tout en continuant son travail de chercheur sur le site Mehrgarh, au Baloutchistan.


Il y a apparemment loin entre la plaine écrasée de soleil, aux marches du Balouchistan, et les salles climatisées du musée des Arts asiatiques-Guimet. Loin aussi entre le fouilleur du site néolithique de Mehrgarh, penché sur quelques restes de zébus domestiqués, de coquillages et de lapis-lazulis importés, et le conservateur du premier musée asiatique en Occident. Jean-François Jarrige a su passer d’une carrière d’archéologue à celle de conservateur général du patrimoine, chargé notamment de la rénovation du musée Guimet. De 1963 à 1986, cet élève de Jean-Marie Casal, le spécialiste de la civilisation qui a fleuri dans la vallée de l’Indus au IIe millénaire avant notre ère, fouille année après année au Pakistan. C’est dans ce cadre qu’il rencontre Catherine Klein, du CNRS comme lui, qui est devenue sa femme. Leur but : trouver en bordure de la plaine indo-gangétique des sites qui annonceraient les villes en briques de Harappa et de Mohenjo-daro. « L’enjeu était d’infirmer la thèse du diffusionnisme d’un modèle urbain à partir du Croissant fertile mésopotamien. » En 1977, la découverte de Mehrgarh et de ses sept mètres de débris résultant de l’occupation d’un site où coexistaient la chasse et la domestication, où des produits lointains ornaient les sépultures, allait renouveler la protohistoire du sous-continent indien. Dix ans plus tard, en 1986, Jean-François Jarrige, qui fréquentait déjà assidûment les couloirs, les galeries et la bibliothèque du musée Guimet, se voit confier la tâche de métamorphoser ce musée de spécialistes en musée d’intérêt public. « Le monde avait changé : le Japon était devenu la deuxième puissance économique mondiale, la Chine reniait la Révolution culturelle et des “dragons” surgissaient en Asie du Sud-Est. L’Orient prenait une place politique et économique. »
Pour sortir de l’érudition et de l’exotisme l’établissement fondé par l’industriel lyonnais Émile Guimet, les architectes Henri et Bruno Gaudin l’ont ouvert à la lumière. Sur quatre étages, ses salles présentant 4 000 pièces (soit un dixième des collections) sont organisées en parcours à travers les civilisations qui se sont épanouies de l’Iran au Japon. Le visiteur pourra contempler les sculptures hellénistiques du Gandhara et celles du roi khmer Jayavarman VII, en passant par Shiva Nataraja, le « roi de la danse » et les précieuses peintures bouddhiques découvertes par Paul Pelliot. La scénographie, l’accueil, les réserves, tout a changé. Un espace a été développé pour les expositions temporaires, au nombre de trois par an. Et le succès est au rendez-vous : la fréquentation a triplé depuis l’inauguration. « Le musée n’y a pas perdu sa vocation scientifique : l’UMR 9993, que je dirige, regroupe des activités de recherches dans la vallée de l’Indus et au Balouchistan, en Afghanistan où renaît la Délégation archéologique française (DAFA), à Pendjikent au Tadjikistan, au centre de la Mongolie et au Laos. » La perspective de pouvoir reprendre les fouilles dans la région de Mehrgarh, interrompues à la suite des troubles tribaux, est un sujet de satisfaction pour ce conservateur qui reste avant tout un chercheur.
Musée national des Arts asiatiques-Guimet
6, place d’Iéna
75116 Paris
tél. 01 56 52 53 00
fax 01 56 52 53 54
site www.museeguimet.fr


Portrait rédigé par : Émeric Fisset
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