Missions australes

Gilles Foubert, ancien commandant du navire océanographique et ravitailleur Marion-Dufresne II, éprouve la nostalgie du Grand Sud.


Il filtre un éternel enthousiasme dans la voix du commandant Gilles Foubert quand il évoque son métier. « Je suis né à Rennes et j’ai passé mon enfance dans la baie du Mont-Saint-Michel. Pourtant, il n’y avait pas de marins dans ma famille. C’est pourquoi entrer dans la marine marchande et y faire carrière ne m’est jamais apparu comme banal. » Il y a maintenant trente-deux ans qu’après sa formation à l’ENMM du Havre Gilles Foubert est entré aux Messageries maritimes qui, par le jeu des fusions, sont devenues la CMA-CGM. Il y a loin de son premier embarquement d’élève-officier polyvalent à bord d’un pétrolier ou de ses postes de lieutenant puis de second et enfin de chef mécanicien sur des porte-conteneurs, principalement à destination de l’Asie, à son commandement du Marion-Dufresne II, jusque dans les eaux de la Convergence antarctique. « Ce navire est le 4x4 des mers australes et une véritable Rolls scientifique. Il est un extraordinaire outil logistique et océanographique. Le commander, comme je l’ai fait durant trois ans, est une forme de consécration. »
Le Marion-Dufresne II, affrété par les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) pour des missions de ravitaillement logistique et par l’Institut polaire Paul-Émile Victor (l’ancien IFRTP) pour des missions océanographiques, étale formidablement la houle des Cinquantièmes hurlants. Long de 120 m, plutôt râblé, il peut embarquer 2 500 tonnes de fret et loger, outre des laboratoires de recherche, jusqu’à cent soixante personnes dans son château. Il dispose aussi d’une plate-forme de décollage pour ses deux hélicoptères embarqués. C’est par ailleurs le navire le plus performant au monde en matière de carottage des fonds océaniques. Il peut en effet forer jusqu’à des profondeurs de 10 000 mètres ! Mais sa spécificité est surtout d’être l’un des derniers vrais ravitailleurs, de ces navires sans lesquels les îles qui ne disposent pas de piste d’atterrissage ne pourraient tout bonnement pas être habitées. Trois à cinq fois par an, principalement durant le court été austral, le Marion-Dufresne II appareille en effet de la Réunion pour ses rotations logistiques. En dépit des mouillages rendus souvent précaires par la météo, ce qui ne gâche pas l’émotion des passagers ou des futurs hivernants à la passerelle, mais inquiète parfois leur capitaine, Gilles Foubert se souvient de la base de Crozet et de son vallon couvert de manchots royaux, de l’archipel des Kerguelen dont on contourne par le sud les falaises accores durant une douzaine d’heures pour entrer enfin dans la baie du Morbihan et mouiller face à Port-aux-Français ; il se souvient aussi de la station perdue sous les pentes embrumées du volcan de la Nouvelle-Amsterdam avec son débarcadère battu par les flots, et enfin du mouillage épisodique devant l’entrée de la caldeira effondrée de Saint-Paul. Et les craintes dans tout cela ? « De heurter l’hélice avec un growler lorsqu’on descend vers le pack antarctique. Et puis, aux Kerguelen, d’avoir dû étaler un coup de chien de force 12 pendant douze heures à la cape face à la côte ouest, inhospitalière. Mais heureusement je n’ai jamais eu ni incendie, ni mort, ni blessé à déplorer. J’ai vraiment connu trois années d’un indicible bonheur à la timonerie du Marion. »
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Portrait rédigé par : Émeric Fisset
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