Au village de Boubonitsy sur le plateau du Valdaï, chez Valentin Pajetnov, l’auteur de L’ours est mon maître – district de Toropets, oblast de Tver (Russie)
Année 2015
© Olga Gauthier
Né à Poitiers en 1960, Yves Gauthier a grandi en banlieue parisienne où il s’est orienté vers des études de lettres. D’esprit xénophile, diplômé de russe apprenant aussi les langues anglaise et chinoise, il entreprend de découvrir le monde en commençant par l’Union soviétique dès le début des années 1980. Il n’ira jamais plus loin. Naufragé volontaire, comme lui-même se qualifie volontiers, il y restera plus de vingt ans (Moscou, Rostov-sur-le-Don). De cette expérience, il concevra l’idée que le voyage qu’il affectionne est celui qui s’éternise et donne des racines au déraciné, faisant monter en lui, comme par capillarité, la vraie sève du pays qu’il ? visite ». Une telle intimité, grisante et voulue, entre le voyageur et sa destination passe naturellement par la conquête de la langue, à quoi il n’a jamais cessé de se consacrer. Qu’il ait fait de la traduction son artisanat favori participe assurément de cette philosophie du monde : la traduction aussi est un voyage.
Salarié jamais, franc-tireur toujours, Yves Gauthier a signé depuis trente ans plusieurs dizaines de traductions du russe au profit de différents éditeurs. Sa bibliographie dénote un penchant marqué pour les rives inconnues et la littérature de découverte ou d’exploration (Nikolaï Mikloukho-Maklaï – son ? idole » –, Vladimir Arséniev?). La Sibérie y occupe une place privilégiée avec notamment le Tchouktche Youri Rytkhèou (Unna, L’Étrangère aux yeux bleus, La Bible tchouktche, Le Miroir de l’oubli), les Russes Oleg Ermakov (Pastorale transsibérienne) et Vassili Peskov (Ermites dans la taïga et Des nouvelles d’Agafia). L’appel de la nature sauvage, présent dans tous ces titres, culmine en 2016 dans sa traduction de L’ours est mon maître de Valentin S. Pajetnov.
Traducteur, Yves Gauthier est aussi l’auteur d’une dizaine d’ouvrages inspirés par la Russie, traduire et écrire répondant selon lui d’une égale façon à la question posée en son temps par Baudelaire aux étonnants voyageurs : ? Dites, qu’avez-vous vu ? » Là encore, on retrouve l’Asie russe avec L’Exploration de la Sibérie (1996, avec Antoine Garcia, prix François Millepierres de l’Académie française) ou Le Centaure de l’Arctique (2001). Il a par ailleurs signé plusieurs guides de tourisme et un livre d’architecture, Saint-Pétersbourg (2003), à l’occasion du tricentenaire de la fondation de la ville.
En 1991, la lecture du Rapport secret de Youri Gagarine, déclassifié cette année-là, met Yves Gauthier dans les pas du premier cosmonaute de l’humanité et le pousse à écrire Gagarine ou le rêve russe de l’espace (1998, rééd. 2015). Renouant avec l’art biographique, il exprime ensuite dans Vladimir Vyssotski, Un cri dans le ciel russe (2015, mention meilleure production littéraire à Koszalin, en Pologne) son admiration pour le barde soviétique – grand comédien et acteur aussi – dont les chansons l’avaient, en son temps, poussé à entreprendre l’apprentissage de la langue russe. Et, plus récemment, avec Gaston, L’impossible retour (Paulsen, 2023), l’histoire d’un titi parisien perdu derrière le rideau de fer, dans l’Ukraine soviétique.
Ayant été pendant quinze saisons consécutives, de 1996 à 2010, directeur de croisière sur le réseau fluvial Moscou/Saint-Pétersbourg, Yves Gauthier a tiré de cette expérience un roman de voyage paru en 2008 sous le titre Moscou sauvée des eaux (Actes Sud). Il vit à Blois depuis 2008. C’est là qu’il retrace dans Souvenez-vous du Gelé, Un grognard prisonnier des Russes, l’intrigante figure du mythique Normand Nicolas Savin (2017). Parmi ses grands projets figure l’écriture d’un roman en langue russe pour aller, dit-il, ? jusqu’au bout de l’étreinte ».