Un amour de lépidoptère

Amoureux du bombyx du mûrier, Gérard Chavancy en parle comme d’une curieuse fabrique à protéines.


Le coteau de La Mulatière, qui borde la rive droite de la Saône au sud de Lyon, est un sanctuaire pour le bombyx et sa provende, le mûrier. C’est là en effet que Gérard Chavancy, du CNRS, dirige l’Unité nationale séricicole qui relève de l’Institut national de la recherche agronomique. Sur un hectare, on ne dénombre pas moins de soixante variétés de mûrier, du genre Morus, et dans les chambrées où un technicien est toujours d’astreinte, pas moins de soixante-dix souches de vers à soie, dont vingt lignées expérimentales. Ce lieu se double d’un laboratoire où l’on cherche à produire des hybrides résistants et productifs, c’est-à-dire à introduire des gènes de résistance, comme en possèdent les variétés tropicales du bombyx, dans des souches performantes, comme le sont les variétés tempérées. « Ce travail fait l’objet d’un contrat avec l’Inde, grand pays séricicole comme la Chine, le Brésil et le Japon », souligne Gérard Chavancy.
C’est le génie génétique qui a mené au ver à soie ce docteur ès sciences : « La glande séricigène du bombyx, organe accessible et hyperspécialisé ne fonctionnant qu’à certaines périodes du cycle animal, offrait des possibilités d’étude de la différenciation cellulaire. » Depuis les travaux de Pasteur, mandaté de 1865 à 1870 pour secourir la sériciculture cévenole dont les élevages étaient décimés par la pébrine, le bombyx est un animal de laboratoire, comme la drosophile. Via le séquençage complet du génome de ce lépidoptère, commencé en 2000, un programme international vise à identifier les gènes dont les fonctions sont importantes pour étudier d’autres lépidoptères ravageurs des cultures. Toutefois, le rêve de Gérard Chavancy est ailleurs ; il relève du domaine des applications transgéniques. « Nous rêvons de transformer la glande séricigène, constituée d’un sécréteur, d’un réservoir et d’un tube conducteur qui libère en deux à trois jours jusqu’à un kilomètre de bave de 20 microns d’épaisseur – dont le filament est principalement constitué d’une protéine appelée “fibroïne” –, en usine à protéines. De faire en sorte que le bombyx en vienne à produire de la soie d’araignée, plus résistante encore, ou des vaccins et des hormones à usage médical. »
Loin de cette question des OGM, l’Unité nationale séricicole fournit annuellement une centaine d’écoles et d’expositions en œufs, cocons et vers à soie. L’émerveillement pour cet insecte qui se lit dans les yeux de Gérard Chavancy se passe de diplômes et d’applications industrielles ; il se renouvelle depuis quarante-cinq siècles, depuis que le bombyx du mûrier, proche cousin du Bombyx mandarina sauvage, ne peut se nourrir et se reproduire sans l’homme. Le ver à soie, devenu un modèle pour la science, est d’abord un animal domestique modèle.
Unité nationale séricicole (INRA)
25, quai Jean-Jacques-Rousseau
69350 La Mulatière
tél. 04 78 50 41 98
fax 04 78 86 09 57


Portrait rédigé par : Émeric Fisset
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