Ă€ pied Ă  travers la Mongolie (I)

Marc Alaux et Laurent Barroo ont traversé en 2001 la Mongolie d’est en ouest.


9. De Sanghiin-Dalaï à Sant : souvenirs, souvenirs


En cette fin du mois de juin, des souvenirs me reviennent en mémoire. Frappées par les premiers rayons de l’aube, les eaux de la Kherlen, affluent de l’Amour, scintillent près de Tchoïbalsan. Le soleil survole la vaste et monotone steppe de Menen, qui sert de pâturage à des milliers d’antilopes, encore engourdies par le froid nocturne. Ici, une yourte, petite pyramide de feutre et de bois, se dessine. Là, une piste serpente, long ruban de terre damée où, il y a deux mois, nous peinions, lourdement chargés.
Les ondulations de la steppe s’adoucissent déjà puis, à proximité de Baruum-Urt, font place à un vaste plateau aride avoisinant 1 200 mètres d’altitude, où seul apparaît le sommet du volcan éteint Shiliin-Bogd, sur la frontière chinoise. Semblables aux yeux scintillants des Mongoles, de petits lacs reflètent les lueurs du jour. S’engageant au-dessus du Gobi, le soleil n’épargne aucune forme de vie. L’horizon se consume, le minéral remplace le végétal, l’ocre et le gris chassent le vert, le printemps arrive dans un souffle caniculaire.
Aux portes de Saïnchand, les températures estivales dépassent de loin toutes celles du pays. Ici, les plantes xénophiles et halophytes sont parfois les seules à craquer sous les soles de Camelus bactrianus ferus, le chameau de Bactriane.
Il est midi quand le soleil parvient à la verticale de Mandalgovi. Depuis longtemps, nous avons fui, accompagnés d’un cheval de bât, le goudron fondu de la rue principale pour retrouver la sérénité de la steppe de Dundgovi qui, plus à l’ouest, s’essouffle sur les vertes pentes de la province d’Övörkhangaï. L’herbe s’y fait plus fournie, les puits moins rares, le relief se redresse, des falaises apparaissent et, sur la roche, les traces et dessins des hommes du passé.
Tous ces paysages traversés, investis, dévorés, formeront-ils, tels différents fils de couleur tissés, un tapis de valeur, un de ces kilims des anciens Türks, dans l’épaisseur duquel ma mémoire prendra plaisir à s’enfoncer ?


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