Dimanche 20 juin, seizième jour :
« Nous approchions de Forty Mile. J’étais soucieux de ne manquer ni le village désert – nous avions cherché les vestiges de Fort Reliance, la veille, sans apercevoir la moindre trace du site historique –, ni l’abordage (Ah ! l’arrivée à l’île Stewart !). Aussi proposai-je à Joëlle : “Il y a un slough, sur la carte, qui devrait nous amener juste derrière le village. On va le prendre. Le courant y sera sûrement moins vif.” Le slough était large d’une dizaine de mètres et coulait lentement, très lentement, entre deux rideaux d’arbres. Trop lentement, et nous en comprîmes la raison quand l’étrave du canoë heurta un barrage d’arbres, de troncs et de branches entremêlés. L’enchevêtrement paraissait infranchissable. Pas même moyen de faire glisser le canoë sur l’obstacle !
“On n’a plus qu’à faire demi-tour !” constata Joëlle. Je ne m’avouais pas vaincu. Je nous avais embarqués dans ce bras, il ne serait pas dit que je ne nous en ferais pas sortir ! Question d’orgueil ! “Je vais essayer de dégager les plus gros troncs”, répliquai-je en sautant sur la rive. Je saisis une longue branche en guise de perche et poussai de toutes mes forces sur l’obstacle. Le barrage bougeait. Faiblement, mais il bougeait. Je fis une nouvelle tentative : sans plus de succès. L’obstacle ne céderait pas si facilement.
“Va falloir que j’entre dans l’eau. Pas d’autre solution.
— Ça ne va pas ! C’est aussi simple de revenir en arrière !”
Je fis la sourde oreille et me déshabillai. L’eau était glaciale. Mes pieds s’enfonçaient dans la vase. Un à un, j’extirpai les branchages et poussai les troncs, ahanant sous l’effort. Au bout d’un quart d’heure de furieuse activité – on aurait dit un remake de l’African Queen ! –, le barrage céda. Nous pouvions passer. Joëlle me récupéra sur la berge, tremblant et bleu de froid. Elle frictionna avec une serviette qu’elle avait préparée ce que les moustiques avaient bien voulu laisser de moi.
“Bravo, homme fort et intrépide ! Les écuries d’Augias, c’était une partie de plaisir à côté de cela, gouailla-t-elle, mais tu ne penses pas que si on avait fait demi-tour?
— Aller de l’avant ! Comme le fleuve !” coupai-je avec une certaine grandiloquence. »
Samedi 5 juin 1982, premier jour sur le fleuve (p. 14-20)
Lundi 5 juillet, trente et unième jour (p. 183-188)
Samedi 21 août, soixante-dix-huitième jour (p. 393-397)
« Nous approchions de Forty Mile. J’étais soucieux de ne manquer ni le village désert – nous avions cherché les vestiges de Fort Reliance, la veille, sans apercevoir la moindre trace du site historique –, ni l’abordage (Ah ! l’arrivée à l’île Stewart !). Aussi proposai-je à Joëlle : “Il y a un slough, sur la carte, qui devrait nous amener juste derrière le village. On va le prendre. Le courant y sera sûrement moins vif.” Le slough était large d’une dizaine de mètres et coulait lentement, très lentement, entre deux rideaux d’arbres. Trop lentement, et nous en comprîmes la raison quand l’étrave du canoë heurta un barrage d’arbres, de troncs et de branches entremêlés. L’enchevêtrement paraissait infranchissable. Pas même moyen de faire glisser le canoë sur l’obstacle !
“On n’a plus qu’à faire demi-tour !” constata Joëlle. Je ne m’avouais pas vaincu. Je nous avais embarqués dans ce bras, il ne serait pas dit que je ne nous en ferais pas sortir ! Question d’orgueil ! “Je vais essayer de dégager les plus gros troncs”, répliquai-je en sautant sur la rive. Je saisis une longue branche en guise de perche et poussai de toutes mes forces sur l’obstacle. Le barrage bougeait. Faiblement, mais il bougeait. Je fis une nouvelle tentative : sans plus de succès. L’obstacle ne céderait pas si facilement.
“Va falloir que j’entre dans l’eau. Pas d’autre solution.
— Ça ne va pas ! C’est aussi simple de revenir en arrière !”
Je fis la sourde oreille et me déshabillai. L’eau était glaciale. Mes pieds s’enfonçaient dans la vase. Un à un, j’extirpai les branchages et poussai les troncs, ahanant sous l’effort. Au bout d’un quart d’heure de furieuse activité – on aurait dit un remake de l’African Queen ! –, le barrage céda. Nous pouvions passer. Joëlle me récupéra sur la berge, tremblant et bleu de froid. Elle frictionna avec une serviette qu’elle avait préparée ce que les moustiques avaient bien voulu laisser de moi.
“Bravo, homme fort et intrépide ! Les écuries d’Augias, c’était une partie de plaisir à côté de cela, gouailla-t-elle, mais tu ne penses pas que si on avait fait demi-tour?
— Aller de l’avant ! Comme le fleuve !” coupai-je avec une certaine grandiloquence. »
(p. 95-96)
Samedi 5 juin 1982, premier jour sur le fleuve (p. 14-20)
Lundi 5 juillet, trente et unième jour (p. 183-188)
Samedi 21 août, soixante-dix-huitième jour (p. 393-397)