Le Chant des voiles, Petites pensées sur la navigation hauturière
Christophe Houdaille
Larguer les amarres, hisser les voiles, mouiller l’ancre? ces actes de la vie du marin sont aussi de magnifiques métaphores du voyage. Partir en solitaire affronter pendant des mois la houle australe, les coups de tabac, la veille aux icebergs ou la solitude d’un hivernage, faire corps avec son bateau, s’abandonner en confiance à une voile fixée sur une coque, tout cela symbolise, pour notre monde soucieux de sécurité et de confort, la plus grande liberté qui soit. Naviguer, c’est entretenir une connivence hors du commun avec les éléments, l’océan bien sûr, mais aussi le ciel, berceau du vent ou de la tempête, et la terre, but du voyage ou lieu d’escale. C’est être sensible aux mille et une nuances de la mer, dont les irisations changeantes développent la sensibilité esthétique du marin et dont les humeurs et les caprices l’invitent à une confrontation qui lui permet d’éprouver son audace et sa force et de retrouver sa nature profonde. C’est aussi tisser des liens avec le peuple de la mer, les réconfortants compagnons de voyage que sont les baleines ou les dauphins, l’étrange luminescence des méduses, l’amical ballet des goélands et des albatros. C’est, enfin, entrer dans une communauté d’hommes et de femmes dont les valeurs et les rêves, forgés dans le sel et les embruns, sont un antidote à la société de consommation.