Le Cantique de l’ours, Petit plaidoyer pour le frère sauvage de l’homme
Stéphan Carbonnaux
Partir en quête de l’ours, dans les Pyrénées, la Slovénie ou les Balkans qu’il hante par sa présence discrète, c’est bien sûr découvrir un animal à l’intelligence et aux capacités surprenantes, sentir qu’une forêt sans ours n’est pas une vraie forêt, plonger dans une histoire ancestrale qui a hissé le plantigrade du rang de concurrent du chasseur à celui de divinité ou de grand ancêtre. Lou Pè-descaùs, ? le Va-nu-pieds », comme disent les Béarnais, le voilà, le vrai roi sauvage ! Quiconque a vu l’ours n’est plus tout à fait le même et comprend pourquoi l’animal, objet de tabous et protagoniste central de maints rituels, a occupé une place prépondérante dans les cultures rurales, de l’Amérique du Nord au Japon en passant par nos contrées et les immensités sibériennes. Mais, en Europe, depuis sa diabolisation dans la littérature et les arts au Moyen Âge, le paradigme a changé. Le roi n’est plus déchu : le défendre est devenu un combat d’avant-garde, celui de la préservation de vastes territoires sauvages au cœur même de nos sociétés modernes si dévoreuses d’espace et donc de liberté. Marcher dans les pas de l’ours, notre frère sauvage, ouvre des horizons insoupçonnés sur lui et sur nous-mêmes.