Collection « Nature nomade »

  • Sagesse de l’herbe
  • Adieu Goulsary
  • Avec les ours
  • Bergère
  • Initiation (L’)
  • Un hiver de coyote
Couverture

Avec les ours
Valentin Pajetnov




Entre Moscou et Saint-Pétersbourg, sur le plateau du Valdaï, trois oursons, orphelins de mère, découvrent la nature sauvage. Pour les y aider, Valentin Pajetnov a bâti une « ferme » unique en son genre, véritable station biologique, destinée aussi bien à recueillir qu’à observer la fratrie. Ici, les petits – le vigoureux Tocha, la fière Katia, l’ingénu Yachka – sont tout d’abord nourris au biberon. Puis viennent les premières sorties vers l’inconnu, les clairières et les sentes forestières, un monde qu’il leur faut apprendre pour, un jour, parvenir à se débrouiller seuls. Dans un récit précis et tendre, Valentin Pajetnov relate la jeunesse de « ses » ours bruns : comment ils interagissent, comment ils grandissent et développent leurs facultés d’adaptation pour devenir, en s’émancipant de lui, les plantigrades que nous savons, si difficiles à approcher, si méconnus des hommes.

Traduit du russe par : Yves Gauthier

Avec une introduction par : Yves Gauthier

« Attention : ours ! Dans le code de la route, on appelle cela un signal de danger : un triangle rouge avec un dessin au milieu – écolier, vache, verglas, chute de pierres. Or là… un ours ! Le panneau est planté au bord de la piste qui mène au village de Boubonitsy, plateau du Valdaï, région de Tver, Russie. Ici, au milieu des bois, Valentin Pajetnov a inventé une méthode de cohabitation entre humains et plantigrades. Étrange paradoxe que d’y voir des hommes montrer à des ours inquiétés par la présence humaine les chemins de leur salut par le retour à la nature sauvage. Le livre qu’on va lire nous fait vivre cette initiation en nous promenant par ces chemins-là.
Homme des bois et grand biologiste, tel est Valentin Pajetnov (1936-2021). Il sort d’une enfance buissonnière par la mauvaise route en fréquentant la gent voyoute ; mais la nostalgie de la forêt le remet sur la bonne voie : pourquoi brigander quand “la nature est là qui t’invite et qui t’aime” ? Cette citation de Lamartine n’est pas saugrenue ici, car le mauvais garçon se gave très tôt des meilleures lectures, et le voilà déjà qui se départit du “mauvais”. Pour toujours.
Avec son âme de Jack London, il répond à l’appel de la forêt et s’établit comme trappeur en Sibérie sur le fleuve Ienisseï, mais la chasse a deux défauts : elle tourmente la conscience et apporte moins de connaissances qu’on ne le croit sur la nature. Il faut donc se mettre aux études. L’homme raccroche son fusil, quitte la Sibérie pour la Russie européenne et prend le chemin de l’école. Instruction générale (brevet du secondaire), puis supérieure (ingénieur des chasses), puis doctorat en biologie à Moscou. Il jette alors son dévolu sur la Réserve forestière naturelle de Russie centrale avec l’ours pour objet d’observation. Il est permis d’ajouter : de contemplation, de méditation, d’admiration.
Son idée est d’une audace inouïe : Valentin remplacera la mère ourse, souvent tuée à la tanière – l’interdiction de cette chasse hivernale n’ayant été prononcée qu’en 2011 –, pour élever une portée d’oursons en courant les bois, les sous-bois, les clairières et les rivières – printemps, été, automne… jusqu’à la tanière hivernale, et retrouvailles l’année d’après. Il veut tout savoir, tout étudier, tout comprendre. Il embrasse la forêt comme personne avant lui.
Une chose est de le vivre, autre chose est de l’écrire. Or, un grand-reporter animalier admiratif de l’homme-ours, Vassili Peskov, incitera Valentin à prendre la plume. Beaucoup de livres importants existent dans le monde parce qu’on a dit “Écris !” à des écrivains qui s’ignoraient. À quoi il convient d’ajouter que la nature est pour ainsi dire par nature un excellent atelier d’écriture en ce qu’elle est à la fois esthétique et dramatique et qu’elle réunit par là même les composants obligés d’un récit. Observation, acuité, subtilité, toutes les qualités qu’elle requiert sont aussi celles d’une plume exigeante.
Avec les ours est le récit des premiers pas. Il est paru à Moscou en 1985 (première traduction française en 1998, éd. Actes Sud), et sera maintes fois réédité. D’autres livres viendront plus tard, finalement auréolés par L’ours est mon maître (Transboréal, 2016), narration autobiographique chef-d’œuvrale où Valentin Pajetnov considère la nature de si près qu’on en sort pénétré comme jamais (l’on n’en sort pas en vérité), et voici venu le moment où l’auteur du présent hommage doit dire je : j’ai traduit du russe en français plusieurs dizaines d’ouvrages, mais à lui seul L’ours est mon maître suffirait à justifier tous mes efforts. Pajetnov a découvert le point de concorde entre les mondes humain et sauvage ; il a découvert le moyen de briser la dépendance des ours vis-à-vis des hommes et de les rendre libres au naturel ; il a trouvé un mode narratif original ; et tout cela avec une simplicité confondante. On connaît la question : quel livre emporteriez-vous sur une île si ?… Ma réponse est L’ours est mon maître. Mais il faut commencer par Avec les ours.
Chose rarissime en Russie, pays tourmenté, Valentin a vécu heureux. Et j’ai toujours regardé son village de Boubonitsy, dédié à l’étude de l’ours, comme une école du bonheur. Même la mort l’a pris sous un ciel magnifique au bord d’un petit lac enchanteur où il aimait à pêcher, tranquille, dès que l’aube y allongeait ses feux couleur d’icône russe. »

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