« Hors collection »

  • Dersou Ouzala
  • Tamir aux eaux limpides (La)
  • Julien, la communion du berger
  • Lettres aux arbres
  • 100 Vues du Japon (Les)
  • Légende des Pôles (La)
  • 100 Objets du Japon (Les)
  • Chemins de Halage
  • Vivre branchée
  • Solidream
  • Cap-Vert
  • Voyage en Italique
  • Esprit du chemin (L’)
  • Testament des glaces (Le)
  • Un rêve éveillé
  • Pouyak
  • Œuvres autobiographiques
  • Périple de Beauchesne à la Terre de Feu (1698-1701)
Couverture

Jérôme Garcin, « Le Masque et la Plume » – France Inter, le 20 février 2022 :
« Mon conseil, je le cède très volontiers à une auditrice, qui m’a écrit : “Dans ma librairie de quartier, je tombe sur un pavé de 700 pages avec en couverture une des figures les plus célèbres du cinéma, ce chasseur dont on rêverait d’être l’ami, Dersou Ouzala. Vous qui êtes autant sensible à la littérature qu’au cinéma, savez-vous que cette œuvre de Vladimir Arseniev devenue mythique grâce au film de Kurosawa n’avait jamais été intégralement traduite en français. Je l’ai appris dans la passionnante introduction d’Yves Gauthier, traducteur et maître d’œuvre aux éditions Transboréal de cet ouvrage richement illustré. Je me suis plongée dans le texte et me sont revenues en mémoire les images d’un film qui m’a marquée à vie” – vous n’êtes pas la seule, Agnès. “Quelle amitié, quelle liberté, quelle nature et quelle fin bouleversantes. Peut-être un conseil de lecture pour vos auditeurs ?” Merci en tout cas à vous et c’est donc Dersou Ouzala d’Arseniev, chez Transboréal. »

Jean-Marc Porte, Grands reportages n° 497, février 2022 :
« Le pitch
Un texte majeur de la littérature d’exploration. Une traduction nouvelle et intégrale d’un immense récit/journal romancé publié pour la première fois il y a plus d’un siècle. Une forme de résurrection littéraire qui transfigure nos méconnaissances, voire nos oublis des immensités de la taïga, des forêts et des
sokpi (montagnes…) de l’extrême est de la Russie en de fabuleuses retrouvailles ? Ancré dans les mondes sauvages et quasiment inexplorés de la région de l’Oussouri, au ras des côtes de la mer du Japon, ce texte est un mélange assez furieux de western sibérien, d’ode à l’exploration et à la nature, ours et tigres compris… qui tient tout entier dans le lien d’amitié et de respect entre l’auteur et l’extraordinaire personnage de Dersou Ouzala, ce guide mandchou-toungouse de l’ethnie des Nanaïs qui fut, sans littérature ni trompette, le grand initiateur d’Arseniev durant ses expéditions, des secrets de la forêt à l’art de la survie, de la chasse à l’âme des peuples animiste…
Ce qu’on en pense
Peu d’agences de voyages vous proposeront de vous balader “là-bas”, dans les terres de Dersou Ouzala. Mais entre Vladivostok et Khabarovsk, pourtant, les trois expéditions menées entre 1902 et 1907 par Vladimir Arseniev, capitaine du tsar, officier topographe, grand naturaliste et quasi-ethnologue, ont toujours de quoi faire – beaucoup – voyager. “Les infortunes des pionniers venus de Russie” ? “Comment Dersou tua un tigre” ? “L’hospitalité des Chinois” ? “Un village de vieux-croyants” ? Si nous connaissons tous peu ou prou bien des chapitres de l’épopée américano-canadienne du Grand Nord, nous sommes en général fort ignorants de son vis-à-vis historique et géographique, empli de trappeurs russes, de bandits chinois, de tigres de Sibérie et des peuples ignorés de la haute Mandchourie. Quarante-cinq ans après le film de Kurosawa, cette nouvelle traduction du texte (non caviardée et revue intégralement par Yves Gautier, auteur et traducteur fou de ces mondes russes) sonne comme d’immenses retrouvailles. Ce livre immense est certes une histoire vive d’aventure, de cartographie, de botanique, de faune et d’ethnographie. Mais il narre surtout l’une des plus belles histoires de respect et d’amitiés qui ait lié un explorateur à son guide. C’était, souvenez-vous, Dersou Ouzala… »


Erik Orsenna, académicien, le 13 janvier 2022 :
« Vive Transboréal !
Vous dire mon admiration et ma gratitude pour
Dersou. Quel livre magnifique, quelle édition fertile, quelle présentation richissime ! Gloire à Yves Gauthier ! Merci, merci, merci ! Je connais le détroit de Béring mais pas les Nanaïs. J’y cours dès que… Merci. Et chapeau bas. »

Cédric Gras, Le Figaro, le 13 janvier 2022 :
« C’est le chef-d’œuvre du nature writing russe, magistralement porté à l’écran par Akira Kurosawa. Le Dernier des Mohicans version sibérienne. Dersou Ouzala a marqué une génération de spectateurs et ému des milliers de lecteurs. On n’en avait pourtant jusque-là qu’une version tronquée et expurgée de passages contrariants pour l’idéal soviétique. Une censure dont personne n’était au courant en Occident sinon Yves Gauthier. Un siècle après la première parution dans la Russie bolchevique, cet éminent russophone vient d’en ressusciter le texte intégral. Une somme colossale de recherches dont l’homme est coutumier. C’est lui qui avait notamment réuni puis traduit les chroniques formant le best-seller Ermites dans la taïga (Babel).
Pour
Dersou Ouzala, il a fallu remettre la main sur le manuscrit original, quelque part à Vladivostok. Yves Gauthier s’est aussi aidé des carnets de terrain de l’auteur, Vladimir Arseniev. Ce dernier, officier du tsar, noue une profonde amitié avec un homme des bois en 1906, au fin fond de l’Extrême-Orient. Tout les sépare pourtant. L’un est le fruit de cette civilisation qu’achemine un Transsibérien crachant ses premières bouffées noires, l’autre est un chasseur-cueilleur nanaï dont la famille a été décimée par la variole. Le premier cartographie les montagnes se jetant dans la mer du Japon quand le second voit sa taïga ancestrale pillée et son univers s’écrouler. Les peuplades autochtones toungouses y côtoient désormais bandits chinois, réfugiés coréens, vieux-croyants orthodoxes et colons slaves. Deux expéditions durant, Dersou sert de guide à la poignée de cosaques d’un Arseniev en plein éblouissement.
L’histoire est vraie mais le récit romancé. Vladimir Arseniev s’est arrangé avec la chronologie et quelques protagonistes pour mieux se concentrer sur son héros. “Il en va de l’amitié comme de l’amour, elle passe par l’idéalisation de l’autre”, écrit un Yves Gauthier toujours juste, dans sa nécessaire introduction. Arseniev passe sur les tares de Dersou (tabac, puanteur, opium) pour ne mettre en lumière que l’acuité d’un être qui fait corps avec la nature endémique de cette opulente Sibérie asiatique. Dersou lui ouvre littéralement les yeux sur ces montagnes où l’ours à collier côtoie le tigre de l’Amour dans un théâtre grandiose. D’abord moqueuse, la petite troupe de cosaques conçoit bientôt un profond attachement pour cet homme qui considère les animaux comme “des gens” et craint l’esprit d’“Amba”, le tigre…
Rien de subversif
a priori ! Les éditeurs soviétiques ne seront pourtant pas du même avis. Ils opéreront sans ménagement des coupes importantes. Le livre paraît pour la première fois en 1921, après la révolution bolchevique à laquelle Arseniev s’est résigné. L’ex-colonel de l’armée du tsar doit désormais pointer chaque mois à la Sûreté d’État. Il refuse pour autant de fuir vers la Mandchourie voisine, à travers ces forêts qu’il connaît par cœur. Sa loyauté sera mal récompensée et son travail caviardé. Dès 1926, à son grand dam, le texte est radicalement abrégé pour devenir la version que nous avions jusque-là.
Que reproche la censure ? Les références aux vieux-croyants orthodoxes, qui voient dans l’homme moderne l’Antéchrist. La mémoire des officiers de l’Ancien Régime, et tant pis si l’auteur lui-même en est un ! La nuit de Noël que rapporte Arseniev – Dersou y qualifie pourtant de “nigaud” le cosaque qui lui raconte que Marie a enfanté le Sauveur ! – et qui est transformé en Nouvel An. Les considérations animistes ne sont pas plus tolérées et la lecture marxiste reste insensible au “communisme primitif” d’un Dersou partageant le produit de sa chasse avec les premiers venus. Elle ne saurait non plus voir l’“usure, l’esclavage, le vol, le pillage, l’homicide, la guerre enfin avec la révolution et leur cortège d’horreurs” que décrit un Arseniev dénonçant par ailleurs l’exploitation mercantile des forêts. “La civilisation fabrique des criminels”, renchérit-il. Ce ne sont pas moins de 370 restaurations, allant du chapitre entier à de prosaïques remarques, qu’il a fallu opérer pour retrouver la véritable plume de Vladimir Arseniev.
Traduite en plusieurs langues, la version
digest a malgré tout connu un retentissement certain et consacré l’œuvre de Vladimir Arseniev. Le livre aurait-il été aussi lu s’il avait été plus épais, chargé de mille observations savantes ? Dersou Ouzala devait survivre à son auteur et passer à la postérité. Dans sa remarquable introduction, Yves Gauthier rend hommage au destin tragique de cet officier impérial qui voyait le bonheur dans “l’intimité avec la nature”. Las, la Guépéou le convoque en 1926 sur dénonciation d’un étudiant qui l’accuse de “propagande hostile” au pouvoir. Peut-être à cause de sa popularité, l’explorateur est finalement relâché. Il s’éteindra en 1930 à Vladivostok, où des milliers de gens afflueront pour ses obsèques. Juste avant, il a confessé ne plus reconnaître cette contrée virginale qu’il parcourait naguère. Que dirait-il aujourd’hui ! Sa mémoire sera salie par une presse aux ordres tandis que ses proches expérimenteront toute la palette de la répression stalinienne. On les accusera de complots imaginaires et de prétendue entente avec l’ennemi japonais. Sa seconde épouse est arrêtée pour contre-révolution, espionnage et sabotage avant d’être fusillée. Sa fille, elle, prend dix ans de goulag pour un prétendu “aménagement de maison close”. Un destin aussi tragique que celui de Dersou Ouzala, assassiné au sud de Khabarovsk pour le fusil flambant neuf que lui avait offert Arseniev…
On peut aujourd’hui se recueillir sur la tombe supposée de ce dernier, quelque part au bord de la route qui mène à Vladivostok. Là-bas, la maison d’Arseniev a été transformée en musée alors que la Russie contemporaine tente la délicate synthèse entre héritage impérial et passé soviétique. L’officier tsariste, précurseur d’un écologisme qui ne disait pas son nom, est rentré en grâce. Justice est aussi rendue à son œuvre et Yves Gauthier ajoute à sa bibliographie déjà fournie une traduction majeure. Lui qui a passé vingt-cinq années en ex-URSS est aujourd’hui l’un des passeurs de ce
nature writing russe, plus discret et démuni que son alter ego américain, mais ô combien puissant ! Une littérature dont Dersou Ouzala est en quelque sorte le fondement.
Au-delà des coupes de tout ordre, Yves Gauthier a aussi rétabli le sabir dans lequel s’exprimait Dersou et qui fait la magie du film d’Akira Kurosawa. La traduction des années 1930 s’était crue obligée de faire parler l’autochtone toungouse comme un Pétersbourgeois. Une aberration. Yves Gauthier lui a redonné son âme : “Mon peuple pense voilà quoi : terre, montagne, forêt, tous des gens !” »


Benoît Albert, La Géothèque, le 2 janvier 2022 :
« C’est un monument de la littérature russe qui vient d’être réhabilité dans son intégralité. Ce livre d’Arseniev, qui n’existait en français que dans une version largement censurée par le pouvoir soviétique, n’a été publié dans sa totalité en Russie que dans les années 2000, et traduit seulement maintenant par Yves Gauthier dans notre langue.
Nous sommes au début du XXe siècle. Le tsar envoie Arseniev explorer un territoire au nord de Vladivostok. Ce dernier y recense la faune et la flore, il mesure et cartographie un territoire grand comme la moitié de la France. Ses descriptions méticuleuses offrent un merveilleux regard sur une taïga vivante. Mais son exploration n’aurait pu aboutir sans son compagnon de route, Dersou Ouzala, un homme des forêts issu du peuple golde. Dans ce livre, Arseniev se remémore leurs échanges sur cette nature qui évolue mal face à l’arrivée de gangsters des bois qui anéantissent sans vergogne ce qui fait l’équilibre de la forêt. Dersou a un regard sur son territoire qui nous semble tellement contemporain. Il n’ira pas sur le territoire du tigre ou de l’ours, car c’est le leur. Il ne tuera une bête que parce qu’elle lui est nécessaire. Il aidera ces individus qui crèvent de faim, sans aucun intérêt personnel. Il a tout compris, Dersou. Et c’est cette symbiose avec les éléments de la nature qu’évoque avec une rare puissance Vladimir Arseniev.
Ce livre est exceptionnel. Il mérite sa place aux côtés de
Nature d’Emerson ou de Walden de H. D. Thoreau. »

Elena Balzamo, Le Monde des livres n° 23938, le 24 décembre 2021 :
« Dersou Ouzala ? On pense aussitôt au film d’Akira Kurosawa (1975). Or, derrière celui-ci, il y a un livre éponyme, dont paraît une édition réalisée à partir du texte original intégral – une première en langue française. Derrière le livre, il y a d’innombrables carnets de notes, de dessins et de photos, derrière lesquels se cachent des milliers de kilomètres parcourus, d’épreuves surmontées, de rencontres… Et, derrière tout cela enfin, un homme, le Russe Vladimir Arseniev (Saint-Pétersbourg, 1872 – Vladivostok, 1930), au destin hors du commun.
L’appel de la forêt
Après avoir opté pour la carrière militaire, Arseniev ressent rapidement “l’appel de la forêt”. En 1900, le jeune lieutenant obtient une affectation dans l’Extrême-Orient russe, et l’aventure commence. Entre 1902 et 1910, les expéditions qu’il mène en Sibérie orientale, et qui nourriront son récit, apportent leur lot de dangers : “À quatre reprises, j’ai failli mourir de faim. Une fois, nous avons mangé du cuir, une autre fois, des algues et des coquillages… Par trois fois, je me suis noyé, à deux reprises j’ai dû faire face à des attaques de bêtes sauvages (un tigre et un ours). Les neiges profondes ont bien failli avaler le détachement entier”, raconte-t-il dans une lettre. À l’issue de chaque périple, il rédige des rapports, publie des articles, et ses travaux trouvent un écho dans les milieux scientifiques.
Les objectifs de ses voyages sont multiples : scientifiques (il s’agit de cartographier une immense région quasiment inexplorée), administratifs, économiques et militaires. L’État russe ne se contente pas de posséder ces territoires nominalement, il cherche à savoir ce qu’il peut en tirer. Qu’exploitation rime avec saccage, Arseniev le comprendra assez vite et s’en désolera, sans vraiment pouvoir s’y opposer. Le narrateur du livre est davantage un observateur empathique ; le rôle du héros est réservé à Dersou Ouzala, ce chasseur du cru en lequel il voit une émanation de la nature et un porteur du savoir ancestral, et dont la rencontre sera déterminante pour son œuvre.
Rédigé dans les années 1910 – quand l’auteur, affecté à différents postes administratifs, mène une vie plus sédentaire –,
Dersou Ouzala est une grande histoire d’amitié, d’abnégation et de fidélité inébranlable. Malgré l’abîme social qui sépare un officier pétersbourgeois d’un chasseur illettré, Dersou Ouzala, de vingt ans plus âgé que le narrateur, devient son ami et protecteur, une sorte d’esprit tutélaire qui fait le lien entre le monde civilisé et celui de la taïga extrême-orientale.
Véritable héros romanesque
On reconnaît en Dersou Ouzala le “noble sauvage” qu’affectionnaient Fenimore Cooper, Mayne Reid et d’autres romanciers du XIXe siècle dont Arseniev fut, dans sa jeunesse, un lecteur fervent. Mais, dans son cas, placer au centre de la narration un personnage autochtone revêt un rôle plus important : l’introduction de ce chasseur, dépeint en un véritable héros romanesque, permet de structurer l’immense matière érudite, de passer de l’énumération à l’action, de transformer une masse de données factuelles en un récit palpitant. L’expérience vécue n’est pourtant pas escamotée, tout est là : l’exotisme, le danger, les découvertes, mais elle est désormais réorganisée selon les lois non plus de la science, mais de l’art.
Le destin du livre (paru à Vladivostok en deux volumes en 1921 et 1923, imprimé sur du papier journal, le seul disponible) est paradoxal. Au lieu d’être frappé d’interdiction du fait qu’Arseniev, en tant qu’ancien officier de l’armée tsariste, avait été l’objet d’une campagne de dénigrement dans les années 1920, le roman fut “récupéré” par le régime soviétique, fortement expurgé, adapté aux besoins idéologiques : Dersou Ouzala, devenu un “représentant du peuple autochtone” incarnait désormais la culture “socialiste par le contenu et nationale par la forme”, selon la formule consacrée. C’est ce texte mutilé qui circulait et qui servit de base aux multiples adaptations et traductions dans le monde entier.
La traduction d’Yves Gauthier est inspirée. Elle est enrichie d’une belle iconographie – cartes, dessins, photos, manuscrits –, d’un solide appareil critique et une instructive préface, dus au traducteur. Un beau travail éditorial, où l’exactitude scientifique est mise au service du plaisir esthétique. »


Élise Lépine, www.lepoint.fr, le 22 décembre 2021 :
« Si l’entourage de Vladimir Arseniev regarde parfois d’un œil perplexe ce Dersou Ouzala, dont les manières rudimentaires et l’apparence rustique les déroutent, Arseniev est bouleversé par les leçons que lui apprend son ami. Le récit de leur compagnonnage, qui durera quatre ans, est un sublime concentré d’aventures dignes d’un western, de nature writing mêlant botanique, ethnographie, cartographie, étude de la faune, et de grands moments de poésie et de lyrisme, porté par une très belle langue.
Écrit entre 1921 et 1926,
Dersou Ouzala sera néanmoins très tôt expurgé d’une bonne partie de son volume. Sans demander l’avis de son auteur, les autorités russes en suppriment les deux tiers. Officiellement, le texte pèche par des “longueurs”, qui sont en réalité les passages les plus lyriques et les plus philosophiques du livre. Officieusement, Dersou Ouzala dérange par la critique que le texte fait de la cupidité des colons qui saccagent la nature et ses habitants humains ou animaux, au nom d’un progrès qui mène la Sibérie à sa perte.
Il faut attendre 2007, et le travail minutieux de philologues russes, pour reconstituer la version originale du
Dersou Ouzala. “Ils ont travaillé principalement sur la base de deux sources majeures : l’édition originale de 1921-1923, et les épreuves d’une nouvelle édition envisagée à la fin des années 1920, mais déjà expurgée, annotée à la main par Arseniev lui-même sous forme d’inserts manuscrits. Au total, les textologues ont opéré 370 restaurations”, raconte Yves Gauthier, qui offre enfin une traduction française du texte intégral (les éditions Payot-Rivages avaient publié la version digest en 1939). Cette très belle édition est complétée d’une longue préface, qui retrace l’aventure du texte et la vie mouvementée de Vladimir Arseniev, et d’une série d’illustrations, d’images d’archives et de photographies pour certaines inédites.
Il était temps de mettre en lumière l’immense
Dersou Ouzala : “Le livre est actuel par le danger qu’il dénonce du saccage de la nature du fait de l’avidité humaine. Disparition de la faune, surexploitation des ressources, feux de forêt, acculturation des indigènes… J’avais souvent l’impression de traduire le journal !” se souvient encore son traducteur. Une méditation fondamentale, ode à la nature et à l’amitié, mêlant passé, présent et avenir dans un très grand geste littéraire. »

Rachel Kohler, www.tamera.fr, le 24 novembre 2021 :
« “Maintenant, je n’avais plus peur de rien. Je ne craignais ni les honghoutse, ni les bêtes sauvages, ni la neige épaisse, ni les inondations. Dersou était avec moi. Sur ces pensées, je m’endormis comme une souche. […] Peut-être est-ce là ce qu’on appelle des ‘âmes sœurs’.” (Vladimir Arseniev)
Les éditions Transboréal nous offrent, en cet automne, la traduction intégrale des expéditions scientifiques en Oussouri conduites par le capitaine Vladimir Arseniev en 1902, 1906 et 1907 :
Dersou Ouzala. Difficile de ne pas être saisi de vertige au seuil de la présentation de cet ouvrage monumental !
Au long de son récit, V. Arseniev nous introduit dans les secrets de ses terres d’exploration, aux confins de la Chine : la nature y est sauvage, et inconnue des autorités ; il faut cartographier et décrire. Progresser en empruntant des pistes fluviales, en défricher des terrestres, affronter tigres et ours, guetter les tempêtes, traverser les glaces et contourner les reliefs, comprendre les peuples qui y pêchent et cultivent, rencontrer les solitaires qui arpentent ces lieux redoutables, souffrir parfois de la faim, écrire chaque jour… L’aventure est foisonnante et rude pour le militaire-savant et ses cosaques, déjà grandiose en soi.
Mais le récit est aussi celui d’une amitié inattendue et improbable. Dans l’univers captivant et exigeant de la taïga, où abonde le danger, se tisse un lien littéralement in-ouï entre le capitaine et un chasseur golde, Dersou Ouzala. Sa connaissance de la nature, appuyée sur une observation éprouvée et vigilante de tout ce qui l’entoure, sa compréhension intuitive des êtres qui y vivent, sa foi animiste, sa simplicité généreuse et souvent joyeuse font de Dersou, pour le capitaine Arseniev, un guide magnifique et, au-delà, un ami attachant et inoubliable. »


Maxime Gorki, lettre à Arseniev, le le 24 janvier 1928 :
« J’ai lu votre livre avec un immense plaisir. Sans parler de sa valeur scientifique – qui est indubitable et considérable –, je suis subjugué par sa force expressive. Vous avez réussi à faire la synthèse de Brehm et de Cooper. Croyez-moi, ce n’est pas un mince compliment ! Votre Golde est magistral, encore plus vivant à mes yeux que le trappeur du Lac Ontario [de Cooper], encore plus littéraire. De tout cœur je vous en félicite. »

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