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Interview : Annie Kerouedan

Là où rien n’est jamais certain

Livre concerné : Nakorsaq.

Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez entendu parler du Groenland ? Quelle image aviez-vous alors de ce territoire ?
Lorsque j’avais environ 7 ou 8 ans, j’étais abonnée à une série de livres : Les Enfants du monde. Je lisais et relisais celui sur le petit Esquimau qui me fascinait. Puis j’ai lu Apoutsiaq, Le petit flocon de neige de Paul-Émile Victor. Ce pays m’attirait énormément. Je rêvais d’icebergs, de chiens de traîneau et d’aurores boréales. Ensuite, adulte, j’ai vécu au Danemark. Mes amis danois me parlaient du Groenland comme d’un pays magnifique mais rude avec un climat difficile. Les Groenlandais que je rencontrais à Copenhague me semblaient perdus, malheureux et peu acceptés des Danois. J’ai voulu en savoir davantage et je suis partie sur cette grande île lointaine. C’est le sujet du premier chapitre de mon livre.

Qu’est-ce qui vous a le plus étonné à votre arrivée ?
Quand je suis arrivée à Paamiut sur la côte sud-ouest groenlandaise, j’ai été émerveillée par les icebergs, ces sculptures de glace qui dérivent dans la mer. L’immensité du pays m’a également beaucoup impressionnée, et j’ai immédiatement compris que dans cette nature grandiose et sauvage, j’aurai à affronter l’éloignement et la solitude.

En quoi la vie quotidienne d’une médecin varie-t-elle selon qu’elle se trouve en France, au Danemark ou au Groenland ? Quelle serait la spécificité de la médecine au Groenland ?
Être médecin au Groenland nécessite de pouvoir faire face à toutes les situations dans toutes les spécialités car il n’y a aucun spécialiste sinon à Nuuk, bien sûr joignables mais uniquement par téléphone. Il faut accepter l’isolement et la solitude et savoir déléguer, faute de quoi la somme de travail serait intolérable. Il faut pouvoir gérer, seule, le stress des urgences. Mais ce qui m’a passionnée est l’approche thérapeutique des patients dans leur globalité, tant physique que psychique. Cette approche permet indéniablement de mieux soigner. Je crois que, malheureusement, cette médecine holistique a disparu en France et en Europe.

Partagez-nous votre plus beau souvenir de votre vie (de médecin) au Groenland.
J’ai beaucoup de beaux souvenirs. Ce sont ceux où l’équipe et moi-même avons réussi à sauver la vie de patients en urgence absolue alors que les moyens sont pauvres. Mais je raconte une partie de ces histoires dans mon livre.

Quel livre sur le Groenland nous conseillez-vous ?
Mon livre préféré sur le Groenland est Imaqa, Une aventure au Groenland de Flemming Jensen. L’histoire, moitié fiction moitié autobiographie, se passe dans le fjord d’Uummannaq. Ce livre a été écrit dans les années 1970, mais les choses n’ont pas tellement changé depuis. Imaqa signifie « peut-être Â» en groenlandais. C’est une réponse habituelle aux questions car rien n’est jamais certain dans ce pays.

Questions préparées par Anna-Katharina Lauer


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