La conquête de l’Ouest



En l’espace de trente ans, la Silicon Valley est devenue le nouvel eldorado des États-Unis. Spécialisé dans le domaine de l’électronique, ce pôle technologique situé sur la faille de San Andreas a attiré environ un million et demi d’ingénieurs informaticiens venus d’Inde, d’Iran, de Chine ou de France, créant la plus grande concentration de richesses de la planète. L’Ouest américain est coutumier du fait car, depuis le rattachement tardif à l’Union, l’histoire de cette région est une succession de vagues migratoires, qui l’enrichissent d’apports multiples.
À la création des treize États d’Amérique à la fin du XVIIIe siècle, l’« Ouest » désigne l’immense territoire qui s’étend au-delà du massif des Appalaches. Les conditions d’existence sur le littoral Est, liées à une agriculture médiocre, encouragent la migration vers les terres plus fertiles de l’Ouest. Depuis le Mississippi et le Missouri, les pionniers forment des convois et empruntent les deux seules routes : la piste de l’Oregon, au nord, et celle de Santa Fe, au sud. À mesure qu’ils prennent possession des terres, l’ethnocide des Indiens se systématise : on estime que la population indienne qui comptait entre 3 et 10 millions de personnes au XVIe siècle s’effondra à 250 000 au début du XXe siècle. Quand le Mexique cède la Californie aux États-Unis en 1848, cette région ne possède plus que 14 000 habitants, dont 6 000 Indiens. Quelques jours plus tard, on découvre de l’or au nord de San Francisco, ce qui déclenche une ruée et le déferlement de 400 000 colons en dix ans. L’Homestead Act, qui permet aux colons de posséder les terres qu’ils cultivent, ainsi que la jonction des lignes ferroviaires Est-Ouest, intensifient dans la décennie suivante ce mouvement migratoire. Partout, on entend que les jeunes n’ont qu’à aller vers ce fameux Far West pour « grandir avec le pays ». L’économie florissante emploie volontiers des Chinois pour construire le chemin de fer, et donne du travail à la communauté noire qui fuit les États du sud ou aux réfugiés de pays en guerre.
Aujourd’hui, parcourir les quatre-vingt-quatre quartiers de Los Angeles, c’est entre autres reprendre la liste des derniers conflits : Orange County rappelle la guerre du Vietnam (1954-1975), Koreatown la guerre de Corée (1950-1953), Westwood la chute du chah d’Iran (1979) et la partie russe de West Hollywood, le premier entrebâillement du rideau de fer (1972). La formidable mosaïque des peuples se poursuit avec la présence croissante d’Hispaniques venus de toute l’Amérique latine et qui représente 45 % de la population de Los Angeles. Plus que leur brassage, la juxtaposition des peuples se perpétue dans l’Ouest américain. Les États côtiers de l’Oregon et de Washington profitent à leur tour de cette ambiance de prospérité économique sur des fondements multiculturels. Que ce soit pour y trouver de l’or, du pétrole, des terres fertiles, le monde du cinéma ou les nouvelles technologies, l’attrait du Far West est intact.

Par Emmanuel Béjanin & Béatrice Luzzatto-Béjanin
Texte extrait du livre : Route des Amériques (La), Visions d’un tandem en voyage de noces
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