Collection « Voyage en poche »

  • Par le souffle de Sayat-Nova
  • Yamabushi
  • La Seine en roue libre
  • Jours blancs dans le Hardanger
  • Au nom de Magellan
  • Faussaire du Caire (Le)
  • Ivre de steppes
  • Condor et la Momie (Le)
  • Retour à Kyôto
  • Dolomites
  • Consentement d’Alexandre (Le)
  • Une yourte sinon rien
  • La Loire en roue libre
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Au vent des Kerguelen
  • Centaure de l’Arctique (Le)
  • La nuit commence au cap Horn
  • Bons baisers du Baïkal
  • Nanda Devi
  • Confidences cubaines
  • Pyrénées
  • Seule sur le Transsibérien
  • Dans les bras de la Volga
  • Tempête sur l’Aconcagua
  • Évadé de la mer Blanche (L’)
  • Dans la roue du petit prince
  • Girandulata
  • Aborigènes
  • Amours
  • Grande Traversée des Alpes (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Vers Compostelle
  • Pour tout l’or de la forêt
  • Intime Arabie
  • Voleur de mémoire (Le)
  • Une histoire belge
  • Plus Petit des grands voyages (Le)
  • Souvenez-vous du Gelé
  • Nos amours parisiennes
  • Exploration spirituelle de l’Inde (L’)
  • Ernest Hemingway
  • Nomade du Grand Nord
  • Kaliméra
  • Nostalgie du Mékong
  • Invitation à la sieste (L’)
  • Corse
  • Robert Louis Stevenson
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Sagesse de l’herbe
  • Pianiste d’Éthiopie (Le)
  • Exploration de la Sibérie (L’)
  • Une Parisienne dans l’Himalaya
  • Voyage en Mongolie et au Tibet
  • Madère
  • Ambiance Kinshasa
  • Passage du Mékong au Tonkin
  • Sept sultans et un rajah
  • Ermitages d’un jour
  • Unghalak
  • Pèlerin d’Occident
  • Chaos khmer
  • Un parfum de mousson
  • Qat, honneur et volupté
  • Exploration de l’Australie (L’)
  • Pèlerin d’Orient
  • Cette petite île s’appelle Mozambique
  • Des déserts aux prisons d’Orient
  • Dans l’ombre de Gengis Khan
  • Opéra alpin (L’)
  • Révélation dans la taïga
  • Voyage à la mer polaire
Couverture
Tchardjoui sur l’Oxus :

« À partir de Kizil-Arvat, la voie longe d’assez près les montagnes qui nous séparent de la Perse ; elle court parallèlement à l’axe de cette chaîne, dans la direction du sud-est. Nous traversons de maigres oasis ; la plus considérable est celle de Ghéok-Tépé. Le train s’arrête devant le camp retranché où Skobelev enferma et réduisit les Turkmènes, il y a sept ans. Petite affaire, en apparence, et qui fit alors peu de bruit dans le monde ; quand on en suit les conséquences dans l’avenir, à commencer par le chemin de fer qui nous porte, on se demande si l’Asie a vu depuis Arbèles une journée plus mémorable, plus décisive pour ses destinées. Le décor du drame est encore debout : un épais rempart de terre battue, muraille impénétrable au boulet, qui abritait dans son quadrilatère irrégulier quarante mille Turcomans, leurs tentes, leurs femmes, leurs troupeaux. Autour de l’enceinte, un fossé vers lequel serpentent des tranchées ; les Russes cheminèrent trois semaines dans ces boyaux, ils y perdirent beaucoup de monde pendant les surprises de nuit. Sur la face occidentale du rempart, la brèche ouverte par la mine de notre ami Ostalopov ; le régiment d’Apchéron s’y élança, musique en tête, dans la nuit du 12 janvier 1881. Les défenseurs se firent hacher dans leur réduit ; on n’a jamais su le compte des ossements anonymes qu’ils y laissèrent. Ce fut le dernier effort de la résistance dans l’Akhal-Téké. Les Turcomans gardèrent de cette nuit une épouvante salutaire ; longtemps après, quand le pacifique railway inaugurait ses gares avec la fanfare du bataillon, les femmes et les enfants s’enfuyaient en poussant des hurlements de terreur ; on avait peine à les persuader que cette musique n’était pas le signal d’un nouveau massacre.
Jusqu’à la dernière heure, l’état-major de l’expédition douta du succès. Skobelev en décida, par son ascendant sur la troupe plus que par des dispositions contestables. Cet homme singulier était avant tout un magnétiseur de foules, un enjôleur d’espérances. Dans toutes les affaires où il commanda, on chercherait vainement une combinaison savante, un de ces mouvements stratégiques qui restent classiques dans les écoles de guerre ; mais il avait le don mystérieux, tout en lui communiquait la folie martiale au soldat. Je relève dans un volume de souvenirs, récemment publié par un des combattants de Ghéok-Tépé, ce témoignage caractéristique : “Sa présence au feu provoquait en nous une excitation particulière de tout le système nerveux.” Oui, tel il devait être au feu, tel il m’apparut toujours dans les entretiens où il racontait ses actions et ses rêves, avec son œil froid et fou, avec quelque chose d’inquiétant et de féminin dans son pouvoir électrique. Tel je revois son fantôme, sur cette brèche du désert d’où s’envola sa fortune, pour monter si vite, si haut, forte en naissant de tout ce qu’on attendait d’elle, éclipsant toutes les autres, attirant et éblouissant tous les regards, planant un moment sous la plus superbe étoile, et brusquement abattue, étranglée dans un accident vulgaire par les passions forcenées de cet instinctif. À peine mort, il a été embaumé dans la légende, on a cru à son génie avec la foi aveugle de l’amour. Qu’en fût-il advenu aux grandes épreuves ? Un oiseau de proie se lève devant nous des ossuaires de Ghéok-Tépé ; il monte dans le soleil, point d’or que l’œil a peine à suivre ; et les chasseurs discutent : est-ce un épervier ? est-ce un aigle ? On ne peut juger, sur ce vol d’un instant dans la lumière. Nos regards le recherchent, il s’est évanoui ; nous ne saurons pas, il a replongé dans le charnier.
Nous arrivons le soir à Achkhabad. C’est aujourd’hui le chef-lieu de tout le territoire transcaspien, on y a transféré de Merv le commandement général et les services administratifs. D’ici, le gouverneur russe tient en respect le roi des rois ; nous touchons le pied des montagnes et la frontière de Perse. Une route carrossable – j’imagine qu’il faut rabattre de ce mot pompeux – conduit par un col à Astrabad et à Téhéran. La petite ville est restée persane d’aspect et de population : des maisons basses, blanches, aux toits en terrasse, dans des jardins d’abricotiers. Achkhabad n’offre aucun intérêt ; mais il faut visiter, à quelques verstes de distance, les ruines d’une ville plus ancienne, Anaou. Une draisine placée sur les rails m’y roule en moins d’une heure. Tout près de la voie, sur un plateau, cette Pompéi du désert dresse son squelette de cité morte, des remparts, des tours, des pans de maisons. Les Turcomans ont passé là un beau jour, ils ont emmené la population en esclavage, la vie a disparu. On ne rencontre pas un être humain dans les décombres. Les parties de la grande mosquée restées debout sont d’un intérêt capital pour l’histoire de la céramique persane ; sur le revêtement de briques émaillées qui couvre la façade, le principal motif de la décoration est directement emprunté à l’art chinois ; de chaque côté de l’arc ogival, un dragon déroule ses replis, tenant dans sa gueule une tulipe jaune. »
(p. 47-50)

Samarcande (p. 62-65)
Samarcande (suite) (p. 94-97)
Extrait court
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