
Le maître de la lumière :
« La Seine est un kaléidoscope. Les images qu’elle fournit au voyageur à vélo sont multiples et toujours changeantes. Après le béton du Val Fourré, j’ai retrouvé la ruralité des champs, des bois et des forêts. Après la ville, la campagne. Après la foule, la solitude. Après des journées de route plate, le relief devient vallonné. Je suis entré dans le Vexin. Ça monte doucement, ça grimpe. Ça fait du bien d’appuyer un peu sur les pédales. La température fraîchit, le vent venu de l’ouest se renforce. Il court dans le lit du fleuve que je vois frissonner, un peu plus bas dans la vallée. De là-haut, je domine le paysage dans lequel un marin breton dirait que les amers ne manquent pas : les deux cheminées de l’usine EDF de Porcheville, les deux tours de la collégiale Notre-Dame, la tour Saint-Maclou et les dix-sept étages de la tour Vega du Val Fourré. Toutes sont dressées vers le ciel. Qu’implorent-elles ?
J’ai retrouvé la campagne. La vraie. Avec ses chants d’oiseaux, son odeur de terre et de champignon, ses villages vides et ses routes désertes, ses champs de luzerne courant à l’infini et ses prairies d’herbe épaisse où ruminent d’aimables vaches normandes. Le silence est revenu. J’avais oublié jusqu’à son existence. Caressée par la brise, la surface de la Seine se couvre de vaguelettes. Jeux de lumière et de reflets sur l’eau qui se trouble l’espace d’un instant.
Ramassé autour de son église du xiie siècle, le village de Vétheuil est blotti au creux d’un des nombreux méandres de la Seine. Sur la rive droite, au bord de la route qui mène à La Roche-Guyon et adossée à une falaise de craie, se trouve une petite maison jaune aux volets verts. C’est là que Claude Monet s’installa avec sa famille à l’automne 1878. L’endroit l’éblouit aussitôt. “C’est une palette chatoyante entre terre, eau et ciel, alliant mille couleurs, du blanc de la craie des falaises au turquoise étincelant du fleuve, en passant par tous les bleus du ciel”, écrivit-il à son ami Eugène Murer dès qu’il arriva sur place. Son enthousiasme fut néanmoins de courte durée. Car les nuages s’accumulaient. Monet avait quitté Paris parce qu’il ne pouvait plus payer son loyer, l’impressionnisme se révélant être un échec. Ses toiles se vendaient peu, l’argent manquait et sa femme Camille était tombée gravement malade. À 32 ans, elle mourut d’un cancer, un an seulement après leur arrivée à Vétheuil. Alors Monet se noie dans le travail. Durant trois années, les plus difficiles de son existence, il peindra ici environ 180 toiles avant de s’installer à Giverny, situé à une quinzaine de kilomètres en aval. Une nouvelle vie allait commencer pour lui et pour son œuvre. »
Naufrage (p. 72-73)
Géants des mers (p. 247-248)
Extrait court
« La Seine est un kaléidoscope. Les images qu’elle fournit au voyageur à vélo sont multiples et toujours changeantes. Après le béton du Val Fourré, j’ai retrouvé la ruralité des champs, des bois et des forêts. Après la ville, la campagne. Après la foule, la solitude. Après des journées de route plate, le relief devient vallonné. Je suis entré dans le Vexin. Ça monte doucement, ça grimpe. Ça fait du bien d’appuyer un peu sur les pédales. La température fraîchit, le vent venu de l’ouest se renforce. Il court dans le lit du fleuve que je vois frissonner, un peu plus bas dans la vallée. De là-haut, je domine le paysage dans lequel un marin breton dirait que les amers ne manquent pas : les deux cheminées de l’usine EDF de Porcheville, les deux tours de la collégiale Notre-Dame, la tour Saint-Maclou et les dix-sept étages de la tour Vega du Val Fourré. Toutes sont dressées vers le ciel. Qu’implorent-elles ?
J’ai retrouvé la campagne. La vraie. Avec ses chants d’oiseaux, son odeur de terre et de champignon, ses villages vides et ses routes désertes, ses champs de luzerne courant à l’infini et ses prairies d’herbe épaisse où ruminent d’aimables vaches normandes. Le silence est revenu. J’avais oublié jusqu’à son existence. Caressée par la brise, la surface de la Seine se couvre de vaguelettes. Jeux de lumière et de reflets sur l’eau qui se trouble l’espace d’un instant.
Ramassé autour de son église du xiie siècle, le village de Vétheuil est blotti au creux d’un des nombreux méandres de la Seine. Sur la rive droite, au bord de la route qui mène à La Roche-Guyon et adossée à une falaise de craie, se trouve une petite maison jaune aux volets verts. C’est là que Claude Monet s’installa avec sa famille à l’automne 1878. L’endroit l’éblouit aussitôt. “C’est une palette chatoyante entre terre, eau et ciel, alliant mille couleurs, du blanc de la craie des falaises au turquoise étincelant du fleuve, en passant par tous les bleus du ciel”, écrivit-il à son ami Eugène Murer dès qu’il arriva sur place. Son enthousiasme fut néanmoins de courte durée. Car les nuages s’accumulaient. Monet avait quitté Paris parce qu’il ne pouvait plus payer son loyer, l’impressionnisme se révélant être un échec. Ses toiles se vendaient peu, l’argent manquait et sa femme Camille était tombée gravement malade. À 32 ans, elle mourut d’un cancer, un an seulement après leur arrivée à Vétheuil. Alors Monet se noie dans le travail. Durant trois années, les plus difficiles de son existence, il peindra ici environ 180 toiles avant de s’installer à Giverny, situé à une quinzaine de kilomètres en aval. Une nouvelle vie allait commencer pour lui et pour son œuvre. »
(p. 209-210)
Naufrage (p. 72-73)
Géants des mers (p. 247-248)
Extrait court