Collection « Voyage en poche »

  • Par le souffle de Sayat-Nova
  • Yamabushi
  • La Seine en roue libre
  • Jours blancs dans le Hardanger
  • Au nom de Magellan
  • Faussaire du Caire (Le)
  • Ivre de steppes
  • Condor et la Momie (Le)
  • Retour à Kyôto
  • Dolomites
  • Consentement d’Alexandre (Le)
  • Une yourte sinon rien
  • La Loire en roue libre
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Au vent des Kerguelen
  • Centaure de l’Arctique (Le)
  • La nuit commence au cap Horn
  • Bons baisers du Baïkal
  • Nanda Devi
  • Confidences cubaines
  • Pyrénées
  • Seule sur le Transsibérien
  • Dans les bras de la Volga
  • Tempête sur l’Aconcagua
  • Évadé de la mer Blanche (L’)
  • Dans la roue du petit prince
  • Girandulata
  • Aborigènes
  • Amours
  • Grande Traversée des Alpes (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Vers Compostelle
  • Pour tout l’or de la forêt
  • Intime Arabie
  • Voleur de mémoire (Le)
  • Une histoire belge
  • Plus Petit des grands voyages (Le)
  • Souvenez-vous du Gelé
  • Nos amours parisiennes
  • Exploration spirituelle de l’Inde (L’)
  • Ernest Hemingway
  • Nomade du Grand Nord
  • Kaliméra
  • Nostalgie du Mékong
  • Invitation à la sieste (L’)
  • Corse
  • Robert Louis Stevenson
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Sagesse de l’herbe
  • Pianiste d’Éthiopie (Le)
  • Exploration de la Sibérie (L’)
  • Une Parisienne dans l’Himalaya
  • Voyage en Mongolie et au Tibet
  • Madère
  • Ambiance Kinshasa
  • Passage du Mékong au Tonkin
  • Sept sultans et un rajah
  • Ermitages d’un jour
  • Unghalak
  • Pèlerin d’Occident
  • Chaos khmer
  • Un parfum de mousson
  • Qat, honneur et volupté
  • Exploration de l’Australie (L’)
  • Pèlerin d’Orient
  • Cette petite île s’appelle Mozambique
  • Des déserts aux prisons d’Orient
  • Dans l’ombre de Gengis Khan
  • Opéra alpin (L’)
  • Révélation dans la taïga
  • Voyage à la mer polaire
Couverture

Patrice Sabater, blog.madeinailleurs.fr, le 3 juin 2025 :
« Un nouvel opus de Fawaz Hussain est toujours un événement. Son dernier ouvrage Par le souffle de Sayat-Nova, publié aux éditions Transboréal, n’est ni tout à fait un récit de voyage ni une œuvre littéraire. L’auteur kurde syrien mêle mémoire, poésie et engagement culturel pour faire ressurgir des profondeurs de l’oubli en Occident, et peut-être aussi en Europe centrale et au Moyen-Orient, la vie d’un troubadour arménien du XVIIIe siècle, Sayat-Nova. Il a choisi cette fois-ci de partir en Arménie et en Géorgie sur les traces de ce poète des pentes du Caucase, ayant chanté en arménien, en géorgien et en azéri. Son voyage le conduira d’Erevan à Tbilissi.
Fawaz Hussain, se définit comme un “Kurde errant”, puisqu’il vient d’ailleurs et partage avec beaucoup d’autres l’exil, entre émerveillement, découvertes et aussi comme tous par des déconvenues. Cet homme chaleureux et de paix prend la route à la découvertes de populations, de figures emblématiques telles, par exemple, Ib’n Arabi, et ici Sayat-Nova, célèbre troubadour et barde arménien. Ses propres blessures, son attachement aux cultures menacées et sa volonté de bâtir des ponts entre les peuples opprimés, notamment kurdes et arméniens, ne sont jamais très loin de ses voyages intérieurs et de ses routes singulières. Il est certes écrivain, mais aussi un peu poète, prompt à entrer en dialogue avec quiconque. À travers la figure du barde, c’est la dignité de la culture, la mémoire des oubliés et la puissance de la langue que Fawaz Hussain désire partager au fil de ses pages. Le livre résonne donc comme un chant à la fraternité, un hommage aux traditions orales et à la poésie.
Dans un précédent livre,
Le Rêveur des bords du Tigre (éditions Les Escales), Fawaz Hussain nous avait livré un roman plein de douceur, de douleur et de nostalgie d’un pays perdu dans le cœur de l’exilé et de beaucoup de Kurdes, ici et là-bas? un pays “de l’ombre”, qui n’existe désormais que dans la mémoire. Une terre qui a du mal à se reconnaître elle-même quand elle se regarde pauvre, abandonnée à la méchanceté et à la cupidité des hommes, terre où 4 000 villages sont devenus des ombres ou des fantômes, terre où l’on compte plus de 60 000 morts et disparus. Il renoue avec la mémoire de l’exilé et la violence vécue au quotidien, et l’histoire des peuples opprimés. Il nous avait plongé au plus profond de l’âme kurde en nous faisant découvrir non seulement des personnages autour d’une écriture magnifique et poétique, mais aussi un Orient si riche, plein de lumière, de poésie, de spiritualité et de charme, là où la civilisation est née un jour entre deux fleuves : la Mésopotamie.
C’est avec ce substrat qu’il nous donne à découvrir Sayat-Nova, poète, musicien, moine malgré lui, qui devient sous sa plume une figure arménienne incontournable et fraternelle, symbole d’un monde multiculturel. Le poète n’est pas seulement un symbole de résistance culturelle et de fraternité mais aussi le chantre et le barde de l’amour et de l’espoir. Je préférerais dire? d’une espérance toujours vivante, et au cœur de chaque Arménien.
Un autre repère est à signaler pour comprendre d’où vient l’intérêt pour ce personnage. Ce sont les références cinématographiques (le film
La Couleur de la grenade de Paradjanov), et également des anecdotes historiques et la description de divers lieux : Sanahin, Haghpat, Erevan, Tbilissi?, les paysages enneigés, les chambres d’hôtel glacées, les repas caucasiens très fraternels assurent à ce récit une touche culturelle, spirituelle, et sans doute historico-politique. L’ombre du génocide arménien, le refus toujours actuel de la Turquie de reconnaître ce drame contemporain, la guerre dans le Haut-Karabagh que l’on ne peut oublier. Malgré tout, la poésie vient apporter douceur et baume bienfaisant en nous insufflant le souffle des contes d’amour éternels de Majnoun et Leïla, de Tristan et Iseult?
La force du livre réside dans la manière belle, limpide, fluide et poétique de mêler les instruments traditionnels (
kamantcha, târ?), les légendes amoureuses et la magie du cinéma pour nourrir le portrait d’un homme dont on ne sait pas s’il est en définitive bien réel ou symbolique. Est-il un personnage des légendes et des contes arméniens et azéris ? Est-il un troubadour fantasmé ou ce barde plein de douceur et fervent spirituel qui fut un exemple et une trace dans l’histoire ?
Fawaz Hussain écrit au moment où l’Europe centrale et le Proche-Orient sont en feu. Les drames, les exils, les génocides d’hier reviennent sans cesse pour blesser la poésie et l’amour que l’humanité devrait se donner. Le récit prend une résonance particulière dans le contexte actuel. Le voyage devient résistance poétique contre la violence et la folie des hommes : “Devant la folie généralisée, il nous restait le rêve, la poésie et la beauté.” Et c’est à l’aune de cette violence et de cette de sens que l’écrivain kurde d’origine syrienne parvient à rendre vivants les lieux traversés, en y apportant sa touche de douceur, et d’un humour fin et délicat choisissant le langage du “gazouillis des oiseaux à la tombée du jour”.
La poésie, ici, devient un refuge et un plaidoyer pour la culture, pour la paix et la fraternité en insistant sur le devoir de transmettre sans cesse le sens des mots et les motions du cœur pour sauver la grâce et l’espérance.
Des revues comme
France Arménie, Alakyaz et Encres vagabondes ont souligné la force et l’émouvante douceur de ce texte, et son engagement en faveur des ponts entre les peuples. Il est sans doute urgent aujourd’hui encore, au moment où la montée des identités reviennent avec force au cœur de cette vieille Europe, de penser notre monde de façon différente. Remettre de la poésie, de la profondeur, plus de fraternité et de solidarité entre les peuples dans un univers qui en manque tant. Stefan Zweig, en son temps, avait partagé sa vision de ce monde qui était, et qui n’était plus. Le bruit des bottes et l’ombre brune étaient issus des pires criminels de l’histoire. Les génocidaires, les dictateurs, les destructeurs de la culture et de la beauté viennent apporter un coup fatal à l’héritage culturel, à la poésie et à la vie spirituelle de l’homme contemporain.
Au cœur de ses blessures et de son histoire, Fawaz Hussain, à travers ce beau texte qui fait revivre le souffle de Sayat-Nova, nous oblige à continuer à mettre sous la lumière l’histoire arménienne. Ce livre nous apporte comme au prophète Élie, “une brise légère de fin silence” (I Rois XIX, 9-13) sous les doigts du barde arménien, et se laissant bercer par la langue des oiseaux dont Sayat-Nova a le secret. À lire ! Â»

Anahid Samikyan, Alakyaz n° 136, mars 2025 :
« Partir pour fuir le mal-être du quotidien, quand la guerre et la violence occupent presque entièrement l’espace médiatique et étouffent les esprits. Un souhait, un vœu, un rêve de poésie et de beauté? L’auteur de ce livre est kurde. Sa famille est de Syrie, il vit à Paris et se dit “Kurde errant”. Il raconte avec poésie et humour ce qui l’a poussé à découvrir l’Arménie et la Géorgie : sa proximité avec les Arméniens, parce qu’il a toujours été à leur contact en Syrie, la fraternité de peuples opprimés qui partagent l’attachement à leur langue d’origine, l’amour des rimes et des mélodies, les traditions et l’exil. Enfin, le désir de rechercher sans relâche ce qui unit les hommes et oublier ce qui les divise, alors que les guerres éclatent partout? Un dernier élément, le film de Paradjanov La Couleur de la grenade complète son bagage et le voyageur est prêt à prendre le large pour se mettre sur les pas de Sayat-Nova, notre troubadour qui a parcouru la Trancaucasie au XVIIIe siècle et dont les chants continuent à résonner.
Un second film sur la vie de Sayat-Nova a inspiré Fawaz Hussain ; c’est celui réalisé en 1960 en noir et blanc par Kim Arzumanian, d’après le roman de Hrayr Muradian, qui met l’accent sur la période où le jeune Harutyun était tisserand. Peu de documents retracent la vie de Sayat-Nova. Il existe au Matenadaran un livre copié de sa main dont le colophon donne des indications sur ses parents d’origine très modeste. Né en 1712 en Géorgie ou à Sanahin (son lieu de naissance n’est pas certain), Sayat-Nova a vécu plusieurs vies : tisserand, fameux troubadour à la cour des rois de Géorgie, exilé après être tombé en disgrâce, devenu moine, il est le plus grand compositeur de musique populaire à travers le Caucase de son temps. Il compose ses poèmes et ses odes en arménien, en géorgien et en turc-azéri ; il joue du
kamancha, du târ et du chuguri (luth géorgien).
Le livre de Fawaz Hussain est d’abord un récit de voyage dont les étapes sont les lieux emblématiques où Sayat-Nova a vécu. Le voyage commence à Erevan avec la visite du Matenadaran, le musée Paradjanov pour retrouver des traces du poète et le mémorial de Dzidzernagabert où l’auteur se rappelle les récits du génocide par les Arméniens en Syrie. Sanahin est la première étape des lieux de vie de Sayat-Nova. On sait qu’il y vécut de 1712 à 1719.
Remarqué pour ses talents de musicien et de poète, Sayat-Nova devient
achugh à la cour du roi Héraclius II, chantant l’amour, la beauté de la femme aimée et l’amitié. Mais tombé en disgrâce pour avoir aimé la sœur du roi, il est banni par deux fois et doit s’exiler d’abord sur les bords de la mer Caspienne puis au monastère de Haghpat. Là, devenu le moine Der Stepanos, il vit en retrait jusqu’à sa mort en 1795, assassiné par les soldats du shah pour ne pas avoir accepté d’abjurer sa foi. L’étape suivante du voyage est la résidence royale de Telavi qui a accueilli Sayat-Nova au sommet de son art et Tbilissi où se trouve sa tombe.
Partir à la recherche des traces de Sayat-Nova en Arménie et en Géorgie était aussi pour l’auteur l’occasion de méditer sur la fureur du monde, de créer des ponts entre hier et aujourd’hui, entre les peuples et leurs cultures, ce que faisait aussi Sayat-Nova. Cette approche du voyage permet de voir le monde au-delà de soi ; c’est ce qui rend ce récit vivant et sensible en redonnant vie à Sayat-Nova, “ange déchu, (l’)archétype du poète foudroyé au sommet de son art et de son inspiration” (p. 128). Â»


Édouard Pehlivanian, France Arménie, mars 2025 :
« L’auteur, qui a déjà à son actif une quinzaine de romans, suit un appel : il doit se lancer sur les pas du barde arménien Sayat Nova (XVIIIe siècle). Il visitera ses différents lieux de vie dans un parcours qui va l’aider à apporter une réponse à son propre désarroi. Il est lui-même kurde de Mésopotamie transplanté en Suède. Sa vie n’est pas brillante : séparé de sa femme suédoise et de sa fille, il se morfond seul dans son logement à écouter à la télé des informations en boucle sur la guerre en Ukraine et se sent à des années-lumière des va-t-en-guerre de ce début du troisième millénaire. Il a en tête le film de Sergueï Paradjanov La Couleur de la grenade et le Sayat-Nova en noir et blanc de Kim Arzoumanian. Il conçoit son voyage comme une thérapie : “Devant la folie généralisée, il nous restait le rêve, la poésie et la beauté? Ensemble, le poète et moi nous allions nous entendre à merveille. Je n’avais nullement besoin de me convertir à son christianisme apostolique? Je resterai tel que le bon Dieu m’avait fait, c’est-à-dire un musulman doutant de tout.” L’affinité spirituelle de l’auteur n’ira pas jusqu’à une identification complète. La première étape de son voyage est Sanahin où le jeune poète a arpenté l’ensemble monastique et reçu ses leçons en arménien et en géorgien. À 12 ans, on l’initie au métier de tisserand ; à 17 ans il envisage de devenir barde. C’est à 30 ans qu’il maîtrise son art et devient ménestrel dans les cours royales de Telavi et Tiflis. La période heureuse se termine lorsqu’il s’éprend de la princesse royale Ana. “Nous cherchions un refuge pour notre amour mais nos pas nous ont menés dans le monde des morts.” Cette idylle de la part d’un ménestrel sans fortune ni titre de noblesse attise la colère du roi Héraclius II qui le chasse et le fait entrer dans les ordres au monastère de Haghpat où il devient le moine Stépanos. Il sera victime comme d’autres religieux d’une attaque par la Perse en 1795, une plaque dans l’église arménienne Saint-Georges de Tiflis précise que le poète a trouvé son “dernier refuge” dans la cour de l’édifice. Â»

Michel Bolasell, www.marenostrum.pm, le 18 février 2025 :
« Il existe, dans nombre de cultures, des poètes errants qui partent à la découverte de territoires en émaillant leur parcours de chants et de poésies. On connaît mieux nos troubadours, auteurs de récits épiques ou des chansons de geste qui agrémentaient diverses cours du Moyen Âge, dont la présence ne se limitait d’ailleurs pas à l’Hexagone.
Qu’il s’agisse des
payadores, trouvères itinérants dans la pampa argentine qui seront plus tard à l’origine du tango, ou des starets – sorte de thaumaturges ou de prophètes dans l’ancienne Russie –, ce genre de personnages charismatiques a essaimé dans divers continents. Jusque et y compris en Orient par le biais de bardes qui perpétuaient une tradition millénaire en déclamant partout où ils passaient de vibrantes poésies.
L’un de ces derniers, fuyant les troupes d’un shah de Perse pour la capitale de la Géorgie, s’appelait Sayat-Nova, et c’est à sa découverte que nous invite l’écrivain kurde Fawaz Hussain en mettant littéralement ses pas dans les siens. Pour dépasser le cadre de la biographie classique et obéir aux hauts faits du barde arménien, ce dernier n’avait d’autre option que de se rendre sur place. À la mi-décembre 2023 précisément, peu importait la proximité d’un conflit entre la Russie et l’Ukraine : “Selon le barde arménien, je n’avais pas le droit de me laisser charrier par des événements insignifiants tel un caillou dans le lit d’une rivière ballotté par un torrent impétueux. Je devais de toute urgence le rejoindre dans le silence millénaire de l’ensemble monastique de Sanahin et de Haghpat. Là-bas, cernés par les montagnes du nord de l’Arménie, nous aurions de longues conversations sur tout ce qui n’allait pas pour moi ici-bas. Et puis, si je me montrais digne de sa confiance, ‘chaque homme ne vaut que par ce que vaut son cœur’, il organiserait en ma faveur de multiples circonstances heureuses. Il ferait tout cela uniquement par solidarité entre nos deux peuples opprimés, les Arméniens et les Kurdes, ses rescapés et mes oubliés de l’histoire, et parce que nous avions en commun la passion des rimes, des mélodies et des nuages qui passent.”
Telle est la raison d’être du voyage de l’auteur qui, après s’être longuement penché sur l’histoire de l’Arménie, nous livre celle de son héros troubadour. Après une éducation au monastère de Sanahin, Sayat-Nova est confié vers sa douzième année à un maître artisan afin d’apprendre le métier de tisserand. Orienté plus tard dans la musique pour devenir barde professionnel, il maîtrisera trois instruments dont celui qu’il préfère, le
kamancha. Devenu ménestrel dans les cours royales de Géorgie puis de Telavi – l’actuelle Tbilissi —, où il tombera amoureux de la princesse Ana, son destin basculera en raison de prétendants jaloux qui voyaient d’un mauvais œil le penchant d’une princesse pour un baladin arménien. Frappé par la disgrâce royale, il sera condamné à devenir le moine Stepanos pour qui la poésie comme l’amour ne seront qu’un pâle souvenir, comme souligné dans la préface de Gérard Chaliand : “Dans ce témoignage unique, en langue française, Fawaz Hussain nous communique la profonde nostalgie des amours d’autrefois, toutes destinées à finir de façon tragique : Majnoun et Leïla, Tristan et Iseult. Amère évocation que les heures fugitives du bonheur menacé.”
C’est en partant sur les traces de ce barde-poète, transitant du froid d’une chambre d’hôtel en hiver au repas cuisiné avec amour par ses hôtesses caucasiennes, que l’auteur évoquera les temps forts de son existence.
Dans le souci de mieux situer l’action dans son cadre géographique et historique, ce dernier dépeint avec acuité les contours du passage sur terre du poète errant et convoque les événements historiques et les bouleversements politiques de son temps. D’Erevan à Tbilissi, en passant par Sanahin, Haghpat et Alaverdi, la figure de Sayat-Nova ressurgit ainsi comme par magie de la mémoire des habitants, dans des lieux chargés d’histoire et même sur les étagères des couvents.
Un hommage que Fawaz Hussain se devait de lui rendre à sa manière, comme il l’exprime dans les ultimes lignes de l’ouvrage : “Ayant le choix entre le kurde, l’arabe et le français, je n’ai pas tergiversé longtemps. Comme Sayat-Nova avait tant chanté l’amour du Rossignol pour la Rose, j’allais le célébrer dans la langue qui ressemble au gazouillis des oiseaux à la tombée du jour, dans un jardin plein d’arbres fruitiers.” Â»


Cécile Oumhani, www.encres-vagabondes.com, le 10 janvier 2025 :
« Livre après livre, Fawaz Hussain convie ses lecteurs à la découverte de terres et de cultures souvent méconnues. Qu’il s’agisse de sa Mésopotamie natale, de son Kurdistan syrien ou des espaces intérieurs de son exil, il réserve à ses lectrices et ses lecteurs de beaux voyages à travers les pages.
Il place au centre de son dernier opus le troubadour Sayat-Nova, figure majeure de la poésie arménienne, né à Tiflis en Géorgie en 1712 et mort en Haghpat en Arménie en 1795. Il écrivit en arménien, en géorgien et en azéri. Ses traducteurs en français Élisabeth Mouradian et Serge Venturini soulignent que “trois siècles après son œuvre, celui qui écrivit en plusieurs langues demeure toujours un pont entre les peuples du Caucase, où il est toujours chanté et aimé de tous”.
Par le souffle de Sayat-Nova n’est pas une biographie. L’auteur narre ici son propre “voyage en Arménie et en Géorgie” en quête des traces de Sayat-Nova. Il y entrecroise son expérience en plein XXIe siècle avec les bribes d’un passé qu’il cherche avec passion. Puisant aussi dans des références cinématographiques, il nous parle de La Couleur de la grenade, film que Sergueï Paradjanov consacra à Sayat-Nova en 1969, sans oublier celui de Kim Arzumanian en 1960.
Le récit de Fawaz Hussain est à la fois très vivant et imprégné d’émotion, au fil de ses découvertes en Arménie et en Géorgie. C’est un parcours étonnant que celui de ce barde du XVIIIe siècle, d’abord éduqué dans un monastère, devenu ensuite tisserand, avant de jouer du
kamancha dans plusieurs cours royales. Une malheureuse histoire d’amour mettra fin à son ascension. Tombé en disgrâce, il deviendra moine sous le nom de Stepanos. Ce qui reste mystérieux et enfoui dans un lointain passé ajoute à l’intensité de ce que l’auteur en exhume.
Fawaz Hussain est parti en Arménie et en Géorgie après le début de la guerre en Ukraine, ce qui confère à son récit une tonalité particulière. Le souci de rapprocher les cultures, de faire ressortir l’humain qui nous tisse, d’où que nous venions, traverse aussi ce livre. Il évoque le génocide arménien à travers l’histoire de Vartan, sauvé en plein massacre, grâce à une Bédouine de Deir-ez-Zor, alors qu’il était encore enfant. Fawaz Hussain est porté par le souci de garder vives les cultures et leurs littératures, de les partager pour une meilleure connaissance des uns et des autres. Tout en parlant de l’Arménie et de la Géorgie d’aujourd’hui, du froid d’une chambre d’hôtel en hiver, du repas cuisiné avec amour par ses hôtesses caucasiennes, il sait évoquer le
Shah Nameh ou les amours de Majnoun et Leila, parentes de celles de Tristan et Yseult. Un livre captivant, préfacé par Gérard Chaliand. Â»

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