L’écho du barde du Caucase :
« Là, entre le Tigre et l’Euphrate où j’avais vu le jour, nous partagions tout avec les Arméniens. Nous avions tout en commun avec eux : l’air, l’eau, le pain, nos rêves brisés et en particulier l’amertume laissée par nos échecs répétés et notre lourd passé. Après les chamboulements qui avaient suivi la Première Guerre mondiale et la chute de l’Empire ottoman, notre ville avait surgi d’un champ de blé. C’était plutôt un simple bourg, avec des maisons en terre séchée au soleil, deux artères est-ouest et une rue commerçante. Nous, les anciens sujets de la Sublime Porte, cherchions un coin pour y replanter au plus vite nos racines violemment arrachées au sol de nos ancêtres et qui se desséchaient à vue d’œil. Les Kurdes arrivaient des environs, des montagnes et des plateaux du nord, désormais situés de l’autre côté de la frontière. Mon arrière-grand-père était mort et enterré à une dizaine de kilomètres de notre ville, mais il était à présent dans un autre pays dont nous séparaient les barbelés et les champs de mines de la récente république de Turquie. Quant aux Arméniens, ils débarquaient d’un peu plus loin, de leurs terres millénaires où le Tigre et l’Euphrate prennent leur source. Après le Medz Ygdern de 1915, la grande catastrophe, formule pudique utilisée en Arménie pour désigner le génocide dont furent victimes les Arméniens de l’Empire ottoman, il leur était interdit, eux les survivants, de retrouver leurs biens et leurs églises et de cultiver leurs jardins. Comme les autres chrétiens, catholiques ou syriaques, ils s’étaient établis sur la rive ouest du fleuve et nous sur la rive est. »
Le berceau de Harutyun, le futur poète (p. 77-79)
La princesse Ana ou l’amour proscrit (p. 124-125)
Les acclamations de la postérité (p. 160-161)
« Là, entre le Tigre et l’Euphrate où j’avais vu le jour, nous partagions tout avec les Arméniens. Nous avions tout en commun avec eux : l’air, l’eau, le pain, nos rêves brisés et en particulier l’amertume laissée par nos échecs répétés et notre lourd passé. Après les chamboulements qui avaient suivi la Première Guerre mondiale et la chute de l’Empire ottoman, notre ville avait surgi d’un champ de blé. C’était plutôt un simple bourg, avec des maisons en terre séchée au soleil, deux artères est-ouest et une rue commerçante. Nous, les anciens sujets de la Sublime Porte, cherchions un coin pour y replanter au plus vite nos racines violemment arrachées au sol de nos ancêtres et qui se desséchaient à vue d’œil. Les Kurdes arrivaient des environs, des montagnes et des plateaux du nord, désormais situés de l’autre côté de la frontière. Mon arrière-grand-père était mort et enterré à une dizaine de kilomètres de notre ville, mais il était à présent dans un autre pays dont nous séparaient les barbelés et les champs de mines de la récente république de Turquie. Quant aux Arméniens, ils débarquaient d’un peu plus loin, de leurs terres millénaires où le Tigre et l’Euphrate prennent leur source. Après le Medz Ygdern de 1915, la grande catastrophe, formule pudique utilisée en Arménie pour désigner le génocide dont furent victimes les Arméniens de l’Empire ottoman, il leur était interdit, eux les survivants, de retrouver leurs biens et leurs églises et de cultiver leurs jardins. Comme les autres chrétiens, catholiques ou syriaques, ils s’étaient établis sur la rive ouest du fleuve et nous sur la rive est. »
(p. 42-43)
Le berceau de Harutyun, le futur poète (p. 77-79)
La princesse Ana ou l’amour proscrit (p. 124-125)
Les acclamations de la postérité (p. 160-161)