La princesse Ana ou l’amour proscrit :
« Nous assistons au spectacle permanent d’une aristocratie géorgienne méprisante. Celle-ci aiguise ses poignards, tend des pièges, multiplie les ruses, aspirant avant tout à la chute de l’intrus. Le barde saigne quand les courtisans le piquent et exprime ses plaintes dans nombre de poèmes. Le sang du Rossignol harassé par tant d’épines tombe goutte à goutte pour arroser la terre jamais rassasiée des souffrances des amoureux. Sayat-Nova a des ennemis partout dans la cour de son roi.
Nous cherchions un refuge pour notre amour
Mais nos pas nous ont menés dans le monde des morts.
Le film est un mélodrame ponctué des chants des troubadours, de scènes idylliques entre les amants constamment épiés. Quand les deux amoureux sont pris en flagrant délit, ils étaient pourtant simplement en train de se parler, c’est le début de la fin. Les poèmes du Rossignol sont saisis et, parmi eux, un qui va inéluctablement déclencher la colère de la famille royale : “Je n’ai pas pu atteindre le chemin secret vers les grenades à pépins de ton sein.” Alors Héraclius II prononce sa sentence : Sayat-Nova est condamné à quitter les deux cours et à entrer dans les ordres. Malgré la gravité de la situation, le barde reste un homme digne, intègre. Il ne verse pas comme beaucoup de ses collègues dans l’obséquiosité et les flatteries. À l’instar de Majnoun loin de Leïla, de Farhad séparé de Shirin, il souffre dans la solitude de sa cellule et ses prières ne vont pas plus haut que les voûtes noircies par la fumée des bougies.
Le cinéaste Kim Arzumanian raconte sans doute tout ce que les Arméniens savent de Sayat-Nova en Arménie et qu’on tente d’oublier en Géorgie. Mon arrivée à Telavi me fournirait-elle de la matière pour mon enquête ? Tomberais-je sur quelqu’un de fiable pour combler les innombrables lacunes concernant la vraie vie de Sayat-Nova ? La veille, en parlant avec Gocha, le fils de Marina m’avait donné l’impression que le barde comptait peu en Géorgie et en Azerbaïdjan. Seules ses chansons en arménien étaient encore chantées en Arménie, ainsi que dans son étonnante diaspora à travers le monde. Sayat-Nova n’avait pas la même aura ici. Les visages ne s’éclairaient pas en entendant les syllabes de son nom de troubadour. Les bouches ne fredonnaient pas systématiquement quelques-unes de ses mélodies les plus connues comme Amen Sazi Mejn Govats, Ashkharums Akh Chim Kasi ou Kani Vur Jan im. »
Le berceau de Harutyun, le futur poète (p. 77-79)
Les acclamations de la postérité (p. 160-161)
Extrait court
« Nous assistons au spectacle permanent d’une aristocratie géorgienne méprisante. Celle-ci aiguise ses poignards, tend des pièges, multiplie les ruses, aspirant avant tout à la chute de l’intrus. Le barde saigne quand les courtisans le piquent et exprime ses plaintes dans nombre de poèmes. Le sang du Rossignol harassé par tant d’épines tombe goutte à goutte pour arroser la terre jamais rassasiée des souffrances des amoureux. Sayat-Nova a des ennemis partout dans la cour de son roi.
Nous cherchions un refuge pour notre amour
Mais nos pas nous ont menés dans le monde des morts.
Le film est un mélodrame ponctué des chants des troubadours, de scènes idylliques entre les amants constamment épiés. Quand les deux amoureux sont pris en flagrant délit, ils étaient pourtant simplement en train de se parler, c’est le début de la fin. Les poèmes du Rossignol sont saisis et, parmi eux, un qui va inéluctablement déclencher la colère de la famille royale : “Je n’ai pas pu atteindre le chemin secret vers les grenades à pépins de ton sein.” Alors Héraclius II prononce sa sentence : Sayat-Nova est condamné à quitter les deux cours et à entrer dans les ordres. Malgré la gravité de la situation, le barde reste un homme digne, intègre. Il ne verse pas comme beaucoup de ses collègues dans l’obséquiosité et les flatteries. À l’instar de Majnoun loin de Leïla, de Farhad séparé de Shirin, il souffre dans la solitude de sa cellule et ses prières ne vont pas plus haut que les voûtes noircies par la fumée des bougies.
Le cinéaste Kim Arzumanian raconte sans doute tout ce que les Arméniens savent de Sayat-Nova en Arménie et qu’on tente d’oublier en Géorgie. Mon arrivée à Telavi me fournirait-elle de la matière pour mon enquête ? Tomberais-je sur quelqu’un de fiable pour combler les innombrables lacunes concernant la vraie vie de Sayat-Nova ? La veille, en parlant avec Gocha, le fils de Marina m’avait donné l’impression que le barde comptait peu en Géorgie et en Azerbaïdjan. Seules ses chansons en arménien étaient encore chantées en Arménie, ainsi que dans son étonnante diaspora à travers le monde. Sayat-Nova n’avait pas la même aura ici. Les visages ne s’éclairaient pas en entendant les syllabes de son nom de troubadour. Les bouches ne fredonnaient pas systématiquement quelques-unes de ses mélodies les plus connues comme Amen Sazi Mejn Govats, Ashkharums Akh Chim Kasi ou Kani Vur Jan im. »
(p. 124-125)
Le berceau de Harutyun, le futur poète (p. 77-79)
Les acclamations de la postérité (p. 160-161)
Extrait court