
Recommencer :
« Originaire d’un village situé entre Manosque et Avignon, Gaspard Mangeot était, selon l’expression, “monté à la capitale” vers l’âge de 18 ans pour accomplir de brillantes études juridiques et, disait-il, pour “saisir les clés de la France” (je crois qu’il nourrissait alors de hautes ambitions). Dans le stress et l’empressement parisien, tant décriés par les gens de province, le jeune villageois découvrit une manière de vivre excitante et libératrice.
À la fin de sa longue formation, et après quelques années à confirmer sa vocation de tribun, Gaspard Mangeot encouragea plusieurs de ses collègues à fonder ensemble un cabinet d’avocats spécialisé en droit de la famille. Ils louèrent un gigantesque appartement du XVIIIe siècle qui, par une double ironie du sort, se situait dans la rue des Bons-Enfants, près du passage Vérité.
Ayant rendu les derniers honneurs à sa vie maritale, Gaspard Mangeot marcha d’un pas rapide vers son travail, comme si l’attendait une affaire urgente. S’approchant de ses bureaux, il s’arrêta sur la place du Palais-Royal, sortit son téléphone et appela sa secrétaire.
— Dorothée, s’exclama-t-il de sa voix la plus ensoleillée.
— Bonjour, Gaspard, répondit-elle, vous allez bien ?
— Allons déjeuner !
— C’est très gentil, Gaspard, mais j’ai du travail en retard et?
— Seul votre patron décide des priorités ! Il fait beau, il fait chaud, rester dans un bureau serait passible de licenciement !
— Mais le dossier pour la?
— On s’en moque, s’écria-t-il, entre jeunes divorcés, il faut se soutenir !
— Vous êtes vexant.
— Pourquoi ?
— Ne sommes-nous dorénavant que des “divorcés” ?
— C’est une manière de parler. Vous m’avez compris ! Je vous attends dans cinq minutes au Café Saint-Honoré.
Le déjeuner dura deux heures. Gaspard Mangeot en profita pour officialiser entre eux le tutoiement. Dorothée Potiron y consentit à condition qu’ils ne l’employassent jamais devant leurs collègues.
La jeune femme travaillait dans le cabinet d’avocats depuis plus d’un an. Mon ami l’avait recrutée pour des raisons strictement professionnelles. Je le crois d’autant plus que, au même moment, son épouse avait entamé la procédure de divorce et, par là même, avait anéanti chez Gaspard Mangeot toute prétention libidineuse.
La procédure avançant, mon ami fréquenta plusieurs psychologues, lut des traités de développement personnel et suivit des cours de méditation. De son propre aveu, tous ces efforts renforcèrent ses doutes, ses peurs et ses crispations. En revanche, mois après mois, la fréquentation de Dorothée Potiron le réconforta. L’attachement qu’il lui portait s’accrut lorsqu’elle partit avec sa fille pour des vacances estivales qu’il jugea trop longues. À son retour, il comprit que l’amour seul pourrait le guérir. »
La demande (p. 25-27)
La vie romantique (p. 159-161)
Extrait court
« Originaire d’un village situé entre Manosque et Avignon, Gaspard Mangeot était, selon l’expression, “monté à la capitale” vers l’âge de 18 ans pour accomplir de brillantes études juridiques et, disait-il, pour “saisir les clés de la France” (je crois qu’il nourrissait alors de hautes ambitions). Dans le stress et l’empressement parisien, tant décriés par les gens de province, le jeune villageois découvrit une manière de vivre excitante et libératrice.
À la fin de sa longue formation, et après quelques années à confirmer sa vocation de tribun, Gaspard Mangeot encouragea plusieurs de ses collègues à fonder ensemble un cabinet d’avocats spécialisé en droit de la famille. Ils louèrent un gigantesque appartement du XVIIIe siècle qui, par une double ironie du sort, se situait dans la rue des Bons-Enfants, près du passage Vérité.
Ayant rendu les derniers honneurs à sa vie maritale, Gaspard Mangeot marcha d’un pas rapide vers son travail, comme si l’attendait une affaire urgente. S’approchant de ses bureaux, il s’arrêta sur la place du Palais-Royal, sortit son téléphone et appela sa secrétaire.
— Dorothée, s’exclama-t-il de sa voix la plus ensoleillée.
— Bonjour, Gaspard, répondit-elle, vous allez bien ?
— Allons déjeuner !
— C’est très gentil, Gaspard, mais j’ai du travail en retard et?
— Seul votre patron décide des priorités ! Il fait beau, il fait chaud, rester dans un bureau serait passible de licenciement !
— Mais le dossier pour la?
— On s’en moque, s’écria-t-il, entre jeunes divorcés, il faut se soutenir !
— Vous êtes vexant.
— Pourquoi ?
— Ne sommes-nous dorénavant que des “divorcés” ?
— C’est une manière de parler. Vous m’avez compris ! Je vous attends dans cinq minutes au Café Saint-Honoré.
Le déjeuner dura deux heures. Gaspard Mangeot en profita pour officialiser entre eux le tutoiement. Dorothée Potiron y consentit à condition qu’ils ne l’employassent jamais devant leurs collègues.
La jeune femme travaillait dans le cabinet d’avocats depuis plus d’un an. Mon ami l’avait recrutée pour des raisons strictement professionnelles. Je le crois d’autant plus que, au même moment, son épouse avait entamé la procédure de divorce et, par là même, avait anéanti chez Gaspard Mangeot toute prétention libidineuse.
La procédure avançant, mon ami fréquenta plusieurs psychologues, lut des traités de développement personnel et suivit des cours de méditation. De son propre aveu, tous ces efforts renforcèrent ses doutes, ses peurs et ses crispations. En revanche, mois après mois, la fréquentation de Dorothée Potiron le réconforta. L’attachement qu’il lui portait s’accrut lorsqu’elle partit avec sa fille pour des vacances estivales qu’il jugea trop longues. À son retour, il comprit que l’amour seul pourrait le guérir. »
(p. 11-13)
La demande (p. 25-27)
La vie romantique (p. 159-161)
Extrait court