René Pélissier, Africana Studia n° 25, 2017 :
? Ne négligeons pas le journal des visites dans l’îlot de Moçambique, effectuées par une journaliste de l’AFP qui, basée à Maputo pendant de nombreuses années, se laissa envoûter par le charme décati de l’ancienne capitale, Elle ne prétend pas donner autre chose que des vignettes impressionnistes de la vie d’une société métissée qu’elle aime et connaît de plus en plus intimement, à force de la côtoyer et même de la pénétrer ici ou là. Elle y ajoute les tribulations de la statue de Camôes déboulonnée mais non détruite (sauf un doigt manquant) qu’un ministre poète fit transporter dans la benne du camion-poubelle local pour la remettre sur son piédestal. Elle assiste aussi à la cérémonie d’initiation d’une jeune fiancée. Ce qui lui plaît le plus semble être la tolérance interreligieuse (animistes, hindous, catholiques, musulmans) et le pittoresque des personnages qu’elle rencontre : par exemple, le fils métis de l’avant-dernier consul de France dont, longtemps, le bâtiment consulaire servit de couverture à un trafic d’esclaves vers la Réunion ; le vieux curé portugais qui fréquente les mosquées, etc. Tous se distinguent des nouveaux nantis du Frelimo de Maputo, ou des Indiens nouvellement installés à Nampula qui financent le maintien du temple hindou resté ouvert, sans plus de fidèles locaux. Une retraite privilégiée pour ex-humanitaires fatigués des désastres continentaux ! »
Eustache, eustacheraconte.com, le 13 septembre 2016 :
? Mozambique est une île au nord-est du pays du même nom. Elle en a même longtemps été la capitale, avant que Lourenço do Marques, la future Maputo, ne la détrône en 1898. La journaliste Jordane Bertrand y a passé quatre années, au cours desquelles elle a visité plusieurs fois l’île de Mozambique. Son récit présente, au fil de ses rencontres, les différentes facettes de ce comptoir qui a vu se succéder les Arabes, les Portugais, les Indiens. Chaque chapitre s’organise autour d’une rencontre. Il y a l’ancien médecin français, venu ouvrir une pension sur l’île, qui ne parle que de départ et reste pourtant. Il y a Hafiz, le cheikh d’une des confréries soufies de l’île, un des éléments de la vie politico-religieuse éminemment complexe de cette société insulaire. Hafiz qui se revendique d’un islam africain, local, qui fait face aujourd’hui aux mosquées salafistes financées par les pétromonarchies du Golfe? Il y a Lucio Carrière, petit-fils du dernier consul de France à Mozambique. Les pêcheurs, qui ne sont pas sans rappeler ceux qu’Eugène Dabit décrit à Minorque, partis en pleine nuit pour dix heures éprouvantes.
À travers ces rencontres se dessine une richesse culturelle immense, fruit de siècles de rencontres et de métissages. Malgré l’histoire récente du Mozambique, et notamment les quinze années de guerre civile de 1977 à 1992, période qui ne semble pas vraiment effacée, Mozambique semble relativement épargnée. La tolérance religieuse fait toujours loi dans cette île où le gardien du temple hindou est musulman et où Padre Lopes et Cheikh Amur assistent chacun aux offices de l’autre.
Jordane Bertrand nous offre une invitation au voyage, à la flânerie, au dialogue. C’est un vrai coup de cœur pour ce récit d’une grande douceur, duquel émane un parfum de nostalgie, le temps semblant s’être arrêté à Mozambique depuis que plus rien ne s’y décide et que l’île vit sur sa gloire passée. On a une pensée pour Jean-Christophe Rufin et Asmara et les causes perdues, qui convoquait par moments des sentiments proches. »