Corvées éducatives :
« ?J’ai à peine le temps d’en profiter qu’Oyunchimeg dit manquer de combustible. En l’absence de bois, le combustible, c’est un sous-produit de l’élevage, l’argal, l’excrément séché des animaux qui donne, selon l’écrivain touva Galsan Tschinag, un “feu docile et chuchotant”, opposé à celui “impétueux et crépitant du bois de mélèze”.
Me revoilà dehors, cette fois sur les pentes occidentales du canyon. L’argal y a été entassé l’automne précédent en tumulus rectangulaires. Le monstre qu’est le fourneau en dévore des quantités mais nous préserve, grâce à sa cheminée, de sa fumée à l’odeur d’ammoniaque qui pique les yeux. La corvée d’argal est rapide ; je l’effectue néanmoins comme les précédentes, comme si mon existence en dépendait – d’ailleurs, à cette saison, pas de vie sans feu. L’hiver est la saison de l’argal. J’apprends donc à différencier l’argal qui chauffe vite de celui qui se consume lentement, adapté au chauffage ou à la cuisine. Or, la fine fleur de l’argal, c’est la bouse de vache, qui brûle lentement et chauffe fort, à l’inverse du crottin de mouton.
Le sac rempli, j’éprouve l’émotion rapportée dans le récit de voyage au style fleuri du lazariste Évariste Huc : “Le plaisir que procure la trouvaille d’un bel argal est semblable à celui du chasseur, qui découvre avec transport les traces du gibier qu’il poursuit, de l’enfant qui regarde d’un œil pétillant de joie le nid de fauvette qu’il a longtemps cherché, du pêcheur qui voit frétiller, suspendu à sa ligne, un joli poisson.”
Crottin frais ou bouse séchée, neige souillée et bergerie aux rondins de mélèze fendus? bien des éléments constitutifs du campement ne sont pas beaux, quoique j’apprécie l’harmonie qui les entoure. L’objectif de mes journées devient alors de préserver cette harmonie, et les tâches qui me sont confiées prennent de la noblesse. Couronnés par la joie primitive d’engloutir une soupe brûlante et grasse, les “petits gestes quotidiens” n’ont plus rien de petit. »
L’initiation au troupeau (p. 113-116)
Les gens dՈ c̫t̩ (p. 201-204)
L’ancien (p. 167-170)
« ?J’ai à peine le temps d’en profiter qu’Oyunchimeg dit manquer de combustible. En l’absence de bois, le combustible, c’est un sous-produit de l’élevage, l’argal, l’excrément séché des animaux qui donne, selon l’écrivain touva Galsan Tschinag, un “feu docile et chuchotant”, opposé à celui “impétueux et crépitant du bois de mélèze”.
Me revoilà dehors, cette fois sur les pentes occidentales du canyon. L’argal y a été entassé l’automne précédent en tumulus rectangulaires. Le monstre qu’est le fourneau en dévore des quantités mais nous préserve, grâce à sa cheminée, de sa fumée à l’odeur d’ammoniaque qui pique les yeux. La corvée d’argal est rapide ; je l’effectue néanmoins comme les précédentes, comme si mon existence en dépendait – d’ailleurs, à cette saison, pas de vie sans feu. L’hiver est la saison de l’argal. J’apprends donc à différencier l’argal qui chauffe vite de celui qui se consume lentement, adapté au chauffage ou à la cuisine. Or, la fine fleur de l’argal, c’est la bouse de vache, qui brûle lentement et chauffe fort, à l’inverse du crottin de mouton.
Le sac rempli, j’éprouve l’émotion rapportée dans le récit de voyage au style fleuri du lazariste Évariste Huc : “Le plaisir que procure la trouvaille d’un bel argal est semblable à celui du chasseur, qui découvre avec transport les traces du gibier qu’il poursuit, de l’enfant qui regarde d’un œil pétillant de joie le nid de fauvette qu’il a longtemps cherché, du pêcheur qui voit frétiller, suspendu à sa ligne, un joli poisson.”
Crottin frais ou bouse séchée, neige souillée et bergerie aux rondins de mélèze fendus? bien des éléments constitutifs du campement ne sont pas beaux, quoique j’apprécie l’harmonie qui les entoure. L’objectif de mes journées devient alors de préserver cette harmonie, et les tâches qui me sont confiées prennent de la noblesse. Couronnés par la joie primitive d’engloutir une soupe brûlante et grasse, les “petits gestes quotidiens” n’ont plus rien de petit. »
(p. 38-40)
L’initiation au troupeau (p. 113-116)
Les gens dՈ c̫t̩ (p. 201-204)
L’ancien (p. 167-170)