Françoise Ardillier-Carras, La Géographie n° 1577, avril-juin 2020 :
? Une immersion totale, de plusieurs mois, dans l’immensité de la steppe mongole, au point d’en être enivré, c’est ce que relate Marc Alaux, connaisseur de cette région. Ce récit éclaire le quotidien, aujourd’hui, de familles d’éleveurs mongols durant les mois les plus froids, quand le thermomètre descend à -45 °C. Dans un campement d’hiver, la vie sous la yourte avec la famille, l’entretien des animaux, les activités de berger partagées avec son hôte, les relations de voisinage, les petits et les grands moments d’une vie traditionnelle rythmée par les déplacements dans la steppe avec les troupeaux, voilà ce qui fait vivre un récit écrit avec beaucoup de sensibilité. L’auteur ne tombe pas dans les travers d’un “vivre ensemble” galvaudé, il vit chaque instant, rigoureusement intégré aux tâches de la famille qui l’accueille, et il finit par devenir l’un des leurs. Il décrit, avec un sens critique louable, les moments ordinaires de chaque jour. “Le général Hiver a donné toutes ses troupes”, dit-il quand l’inexorable descente du thermomètre inciterait à ne pas mettre un chien dehors, alors qu’il lui faut accompagner les “pattes courtes”, moutons et chèvres, dans les pâturages glacés. Même les -3 °C sous la yourte au réveil n’altèrent pas son enthousiasme pour cette vie nomade.
Seul dans le silence de la steppe, en gardant les troupeaux, il décrit le décor du campement, les paysages, les effets du grand froid sur les hommes et les bêtes, la relation espace-temps, les repères ancestraux de cette immensité, balisée par les détails d’une topographie bien décrite. Marc Alaux est aussi géographe. Il devient en même temps ethnologue et décrypte les liens sociaux et culturels entre ces familles, qui ont vécu le collectivisme soviétique et sont désormais entrées dans un autre schéma relationnel.
Tout, dans ce livre, reflète l’immense attachement porté à ses hôtes, aux habitants de la steppe, avec un regard critique de bon aloi pour souligner les petits travers liés à la (forte) consommation de vodka, par exemple. Mais “voir un Mongol manger de la viande est un spectacle magnifique”, ajoute-t-il en rapportant les us et coutumes alimentaires de ce peuple.
Un ouvrage qui fait honneur à l’esprit de Transboréal et une lecture de grande qualité pour découvrir une réalité, sans faux-semblants ni clichés malheureux. »
Guillaume Chérel, www.lagrandeparade.com, le 18 décembre 2018 :
? Ancien archéologue recyclé dans l’édition, Marc Alaux s’est pris de passion pour la Mongolie il y a une vingtaine d’années. Dans son récit de voyage Sous les yourtes de Mongolie, il racontait son périple dans la steppe qu’il a parcourue à pied sur des milliers de kilomètres, mettant parfois sa santé physique à rude épreuve. Cette fois, c’est sa santé mentale qu’il semble avoir testé en se mettant au service d’une famille d’éleveurs nomades en plein hiver, époque où la température sous ces latitudes frise régulièrement les -40 °C. Car Gotov et sa femme Oyunchimeg n’ont pas ménagé ce grand escogriffe, qui n’a que ses poils sur les jambes pour se protéger du froid. Ils lui ont appris le métier de berger. Et c’est à force de travail partagé et d’abnégation qu’il a su se faire accepter, devenir leur frère français et gagner la confiance du voisinage. Même lorsque les visiteurs avaient trop bu – les Mongols aiment se battre depuis toujours, et il est bien tentant de provoquer un “long nez” de passage à la lutte ou à la boxe.
Mais ses véritables adversaires seront le froid autant que les loups, qui accablent les troupeaux, dont les bêtes meurent en nombre au fond des vallons encombrés de poudreuse. Chaque jour, trois mois durant, il a effectué des tâches manuelles : corvée d’eau et de combustible, nettoyage de l’étable et curage de la bergerie, nourrissage des bovins, surveillance du troupeau de brebis et de chèvres? Évidemment, il a vécu l’intimité fraternelle de l’hivernage ainsi que les visites impromptues, les chants, les rituels et les festivités du Nouvel An (la période où l’on boit et se bat) mais aussi ce face-à-face avec lui-même dans la solitude glaciale : qu’est-il venu faire dans cette galère ? “Qu’est-ce que je fais là ?”, demandait l’écrivain Bruce Chatwin. Et si Marc Alaux n’était allé vivre en Mongolie que pour écrire ? Manière de montrer qu’il a vécu loin des demi-mesures? Car la vie dans l’immensité sauvage a toujours été intense mais éprouvante. Avant lui, Jack London, confronté au Grand Nord canadien et américain, en a tiré ses livres les plus connus. L’appel sauvage rend humble. Marc Alaux a relevés des défis, ses photos l’attestent, ses écrits le disent à jamais. Il sait maintenant ce que vivre veut vraiment dire. Ce n’est pas seulement exister. C’est survivre. “Êtes-vous en paix ? Passez-vous bien l’année ?”, demandent les nomades mongols quand ils se croisent. C’est une manière de payer leur dette aux esprits et de montrer leur respect aux aînés. “Reste avec nous encore un mois !”, lui ont proposé ses hôtes ; Marc Alaux a décliné. Il sait bien qu’il n’est ni nomade, ni berger. Il l’a seulement été le temps d’un hiver sous la yourte et dans la steppe, mais il peut dire “J’y étais. J’ai vécu comme un Mongol.” »
Bruno Désormeaux, Carnets d’aventures n° 56, octobre-décembre 2019 :
? Marc Alaux connaît bien la Mongolie pour l’avoir parcourue plusieurs fois, mais là c’est autre chose. Décider de vivre trois mois l’existence d’une famille d’éleveurs mongols, vivant dans la steppe – donc, selon nos critères, isolés et avec un niveau de confort minimal –, et pour corser un peu le sujet choisir les trois mois d’hiver, c’est un sacré défi pour l’Occidental moyen.
Ce livre est le récit de cet hiver mongol avec tous les ingrédients voulus, du froid – check –, du loup – check –, de la yourte – check – et du zud aussi pour faire bonne mesure. Nous sommes entraînés par la qualité du récit à partager la vie de ces hommes et femmes de l’extrême, mais, avec réalisme, l’auteur ne cache pas les carences et les difficultés issues de la rencontre des modes de vie traditionnels avec les apports du monde moderne de plus en plus présent dans l’environnement de la société mongole, sans oublier que les territoires se réduisent et que l’herbe nécessaire aux troupeaux souffre aussi du dérèglement du climat.
C’est un témoignage fort, porté par une belle écriture, où Marc Alaux – qui, pendant des années, a appris patiemment la langue mongole, au cours de nombreux voyages mais également studieusement depuis la France – laisse transparaître à chaque page sa tendresse pour ce peuple et son environnement. Un très beau récit ! »
Éric Blair, www.amazon.fr, le 1er octobre 2019 :
? Le livre fourmille d’annotations, d’anecdotes et de petits récits vivants qui nous font vivre au plus près la vie des nomades. On découvre et apprend un grand nombre de choses, y compris sur l’histoire de la Mongolie, sans que jamais le sentiment de cet apprentissage ne nous pèse. Ici on rit même à certaines saynètes, par exemple je vous laisse deviner ce qui peut se passer lorsqu’on loge un agneau malade la nuit dans la yourte, ou encore où le gamin range le portable de ses parents?
Un livre plaisant donc, mais aussi par certains côtés digne d’un anthropologue, puisque l’auteur met en perspective toute une série de pratiques, dont certaines plus ou moins en voie de disparition, l’exode rural touchant aussi la Mongolie. Le grand fils de la famille fait des études à la ville et ses parents espèrent qu’ensuite il ira à Oulan-Bator.
Reste malgré tout un certain regret, 200 pages c’est trop peu pour rendre compte de cet hivernage, on en redemande. »
Cédric Gras, Long cours n° 11, printemps 2019 :
? Marc Alaux ne dessaoule pas. Avec Ivre de steppes, il remet le couvert dans son pays de prédilection. De ces terres et déserts, il connaît la langue gutturale et la culture nomade. Cette fois, c’est d’un hivernage qu’il s’agit, d’un voyage immobile. Accueilli dans un foyer ordinaire du nord-ouest de la Mongolie, l’auteur découvre l’art de survivre en famille aux terribles -40 °C et au vent glacé. La yourte est le seul refuge. Mais Marc Alaux est corvéable à merci. Chaque matin, conduire le troupeau qui erre sur la carapace de glace. Tout le jour, imiter les gestes de Gotov, le chef du camp guère disert sur la méthode. Trouver à l’occasion d’un thé des explications plus pédagogiques auprès de sa femme, Oyunchimeg. Enfin, soigner à l’occasion le bambin Hatnaa. Dans toutes les yourtes de la région, on se demande bien ce que ce Marc est venu faire dans cette galère. Mais il gagne le respect de tous par son labeur. On finit par lui confier les bêtes et le campement lorsqu’on s’absente. Et c’est seul dans la yourte qu’il goûte son accomplissement. Un livre parfaitement réussi. »
Nathalie Glorion, www.lespassionsdechinouk.com, le 21 février 2019 :
? La Mongolie est un pays qui me fascine, toutes ses steppes désertiques me font rêver. Alors quand Marc Alaux, grand amoureux de ce pays, nous propose le récit de son expérience d’un hiver dans un campement nomade, forcément qu’il me fallait lire ce livre. D’autant plus que l’auteur est très sympathique, et son écriture délicieuse.
C’est toujours un plaisir de se plonger dans un récit de chez Transboréal, et encore une fois, avec Ivre de steppes, je ne suis pas déçue.
Ici, Marc ne nous emmène pas en vadrouille à travers les steppes mongoles comme il a pu le faire dans son premier livre Sous les yourtes de Mongolie, mais il nous fait partager le quotidien d’une famille nomade. C’est une expérience très intéressante et enrichissante qu’il a vécue et nous raconte avec une écriture précise et très agréable à lire.
Une expérience pas forcément comprise par les locaux, qui se demandent pourquoi un Européen vient subir le froid extrême volontairement, c’est pour cela qu’il leur a expliqué qu’il était là pour écrire un livre, même si, au départ, ce n’était pas le cas : cela évite les questions. Marc aime la Mongolie jusqu’au plus profond de lui et il voulait vivre cette expérience pour en apprendre encore plus. Pendant tout son séjour, il s’est montré volontaire et n’a rechigné à effectuer aucune tâche, même les plus ingrates.
J’ai appris beaucoup de choses pendant ma lecture et particulièrement la place des femmes dans la société mongole. J’ai aussi été surprise de découvrir que, finalement, ce n’est pas parce qu’on vit dans un endroit isolé que l’on est seul. Les voisins sont omniprésents et, tous les jours, il y a du passage. Entre les nombreux voisins et les membres de la famille, pas d’intimité sous la yourte. Le seul moyen d’être seul, c’est de partir mener le troupeau dans les pâturages. Ici, les amoureux de la solitude sont servis.
Avec sa belle écriture, Marc Alaux nous raconte son séjour, trois mois à apprendre et partager, trois mois d’où l’on revient changé. Le récit est agrémenté de nombreuses notes (regroupées en fin d’ouvrage) qui permettent, si on le souhaite, d’approfondir le sujet sans entraver la lecture. Le livre est assorti d’un joli carnet photographique et chaque début de chapitre est orné de symboles mongols.
À chaque fois que je lis un récit de voyage, je ne peux m’empêcher de me demander si j’aurais envie de vivre cette expérience : là, malgré l’enrichissement que cela doit être de vivre avec ces nomades, il me faudrait ma propre yourte parce qu’entre les rots, les pets, le téléphone, la TV non-stop, je ne pourrais pas). Je crois que je passerais mon temps dans les pâturages mêmes par -30 °C?
Alors, si vous aimez la Mongolie (ou pas), si vous avez envie de voyage, n’hésitez pas à lire ce récit, dépaysement glacial garanti. »
Matthieu Delaunay, www.causeur.fr, le 11 janvier 2019 :
? Le loup des steppes, épisode deux.
Dehors, -20 °C. Dedans, le café fume dans la tasse et, derrière la fenêtre, le fleuve Saint-Laurent se contracte de glace. Moins 20 °C, une température printanière pour Marc Alaux, arpenteur des congères mongoles dont la lecture du dernier livre, Ivre de steppes, coule comme du lait de jument, même de l’autre côté de l’Atlantique. Comme à son habitude, l’auteur a l’élégance de ne pas rendre ses textes aussi âpres que ses expériences. Pour savoir ce qui peut ressortir de trois mois d’hiver passés avec les éleveurs de l’ouest du pays, comptez quelques heures de lecture, tambour battant. Dans le sixième opus de son opéra mongol, le zèbre décide d’arrêter les allers-retours pour tenter de maintenir sa flamme en s’asseyant un peu sous la yourte. Pour cela, il devra travailler dur, manger peu, demander moins et ne s’attendre à rien.
Ce récit de voyage est assurément un grand livre, sans doute le plus réussi de Marc Alaux, parce qu’il y met beaucoup de lui-même : de la force, du courage, de l’humour, de la connaissance et de la sensibilité en même temps qu’il place au premier plan ce pourquoi il est venu, ceux pour qui il est venu, ses hôtes, les Mongols. Il est probable que, parmi les écrivains-voyageurs actuels, Marc Alaux soit le plus authentique, pour la simple et bonne raison que c’est le plus désintéressé. Dix ans de ninjutsu et des milliers de kilomètres de steppes ont raboté à l’os l’ego de ce Spartiate à lunettes qui n’a définitivement rien à vendre et tout à partager.
Il en rafraîchit d’autant notre ère viciée, pleine d’aventuriers fantoches et adeptes des photos engageantes pour solliciter les “j’aime” et les financements. De voyageurs, il y a ceux-ci, émus d’un rien et surtout d’eux-mêmes, qui partagent leurs platitudes en 5G ; et celui-là, qui part munit d’un carnet, de bottes fourrées et d’un livre, Les Misérables.
Ivre de steppes montre que Marc Alaux est un voyageur admirable et un écrivain (encore) trop peu connu, car il y a tout de ce qu’on attend d’un livre de voyage : beaucoup de style, du danger, des trognes fantastiques, des histoires abracadabrantesques, des loups et des chiens, des mioches aux joues rouges de froid qui savent vivre seuls et jouer du couteau, des femmes qui tiennent toujours tout, des yourtes éternelles mais à l’intérieur desquelles rugissent les téléviseurs, de la glace sur les moteurs qu’il faut faire sauter au chalumeau, de la peur un peu, de la joie souvent, des chants, des danses et de la musique enfin.
Gageons que ce livre fasse date et devienne la Bible de tous les apprentis aventuriers en attente de départs.
Souhaitons qu’ils s’inspirent de ces pages pour mieux mûrir les leurs. »
Jean-Louis Gouraud, La Revue n° 81, janvier-février 2019 :
? L’aventurier se transforme en ethnologue. De son expérience, Marc Alaux va tirer un livre, Ivre de steppes, qu’il qualifie en postface de “modeste chronique hivernale” mais qui aurait très bien pu trouver sa place dans la célèbre collection “Terre humaine” fondée en 1954 par Jean Malaurie, dans laquelle furent publiées, entre autres, les œuvres majeures de Claude Lévi-Strauss, Georges Balandier et Wilfred Thesiger.
En une trentaine de petits chapitres très vivants, il nous fait partager son expérience, entendre et comprendre ces nomades, qui sont peut-être les derniers non seulement dans la région, où l’exode rural va bon train, mais dans le monde.
Le partage des tâches entre les femmes et les hommes, les jeunes et les vieux, l’art de cohabiter avec le bétail, comment s’alimenter sans fruits et sans légumes, l’influence de la religion, la maîtrise d’un temps qui s’écoule avec lenteur : Marc Alaux a bien travaillé ; il nous renseigne sur tout cela. Son exil en terre de glace n’était donc pas un simple caprice de riche.
Le désir de se retirer du monde, au moins pour un temps, est fréquent, et très répandu chez les jeunes cadres dynamiques formés dans les meilleures écoles de management occidentales. Fuir l’agitation, retrouver des sensations primitives, renouer avec une nature supposée bienfaitrice : les motivations sont diverses.
Chez Sylvain Tesson, qui a construit sa notoriété sur une expérience de ce genre (Dans les forêts de Sibérie, Gallimard, 2011), l’idée était plutôt de mettre fin à une course incessante qui dissimulait en fait la crainte d’une confrontation avec soi-même. Il s’agissait donc là d’une sorte de recueillement, d’introspection. C’est exactement l’inverse chez Marc Alaux : ce qui l’intéresse, ce ne sont pas ses petites misères et ses grands tracas. Ce sont les autres : comment ils pensent, comment ils vivent. C’est tout l’intérêt, toute la richesse de son aventure. »
Nicole Dubois-Tartacap, auteur, le 8 novembre 2015 :
? Quelques mots, au moment où je referme votre livre après l’avoir lu d’une traite chez moi, dans le bus, en marchant, au café? pour vous dire combien vos steppes mongoles m’ont enchantée. J’ai aimé votre style, votre humour, votre évocation très vivante des paysages, des habitants et de leurs coutumes, votre manière de nous immerger dans le quotidien de ces éleveurs nomades et dans votre quotidien à vous, Français embarqué dans une drôle d’aventure, avec ce regard dedans-dehors bienveillant et lucide, qui parvient à rendre familiers et à faire aimer un pays et un peuple dont, pour ma part, je ne savais rien. Nous aurons l’occasion d’en parler, mais je voulais vous dire, au moment où j’en suis encore imprégnée, le plaisir que j’ai eu à vous suivre dans votre ivresse des steppes. »