Des églises en trop, une hérésie ? :
« Où que j’aille en Roumanie, il y a une église en construction. Non pas que l’on détruise les vieilles églises, non, on en ajoute une nouvelle, plus grande, plus haute, ad libitum, ou plutôt ad nauseam. Le record est celui du village de Valea Plopului (à environ 110 kilomètres au nord de Bucarest) où vingt-huit églises (une vingt-neuvième est en travaux) ont été édifiées pour 900 habitants et où les rues sont encore en terre et où commence seulement l’installation de canalisations pour l’eau.
Je m’étonnai de cette vogue, auprès d’un prêtre, en visite sur le chantier de sa nouvelle église à 150 mètres de celle existante, un bâtiment demandant une sérieuse restauration, mais très belle, chaleureuse, intime, imprégnée des odeurs du temps qui passe. Je compris qu’un salaire plus important, en rapport avec la taille de l’édifice en construction, le récompenserait de ses efforts.
Il se construit dix églises nouvelles par mois. C’est énorme. Avec quel argent ? Celui de l’État, celui de paroissiens, celui de collectivités. Je croyais qu’il existait une séparation entre l’Église et l’État. Dans la Constitution de 2003, en son article 29, il est écrit : “Les cultes religieux sont autonomes par rapport à l’État et jouissent de son soutien.” On ne peut être plus ambigu. Les 14 000 prêtres orthodoxes sont payés, pour une part, par la puissance publique : 100 millions d’euros. L’enseignement religieux est au programme des écoles, les prêtres accompagnent les candidats aux élections, de maison en maison, pour les bénir et chercher des voix, ainsi de suite. Je ne m’habitue pas à cette Roumanie.
Un jour où je me promenais dans le centre de Bucarest, vers le monastère Stavropoleos, je vis une agitation qui n’était pas coutumière : de nombreux prêtres et religieuses patientaient avec d’autres personnages sur le pavé. Quelle ne fut pas ma surprise de voir arriver un véhicule luxueux, immatriculé avec les trois lettres BOR (signifiant Église orthodoxe roumaine), faisant fi de cette rue réservée aux piétons, stationnant devant l’église, et en descendre un personnage richement vêtu : le patriarche, c’est-à-dire le chef de l’Église orthodoxe ! Et la petite foule en noir de se précipiter, déjà se courbant, vers l’homme en blanc. Rien de l’idée de pauvreté ne paraissait, ici, avoir droit de cité.
Cette richesse criante n’a rien à voir avec la lutte des gens pour survivre lorsque, officiellement, le salaire mensuel minimum est, en 2017, de 277 euros. »
Dracula, un cliché sanglant (p. 119-120)
Pouvoir conduire en Roumanie, est-ce possible ? (p. 315-316)
Extrait court
« Où que j’aille en Roumanie, il y a une église en construction. Non pas que l’on détruise les vieilles églises, non, on en ajoute une nouvelle, plus grande, plus haute, ad libitum, ou plutôt ad nauseam. Le record est celui du village de Valea Plopului (à environ 110 kilomètres au nord de Bucarest) où vingt-huit églises (une vingt-neuvième est en travaux) ont été édifiées pour 900 habitants et où les rues sont encore en terre et où commence seulement l’installation de canalisations pour l’eau.
Je m’étonnai de cette vogue, auprès d’un prêtre, en visite sur le chantier de sa nouvelle église à 150 mètres de celle existante, un bâtiment demandant une sérieuse restauration, mais très belle, chaleureuse, intime, imprégnée des odeurs du temps qui passe. Je compris qu’un salaire plus important, en rapport avec la taille de l’édifice en construction, le récompenserait de ses efforts.
Il se construit dix églises nouvelles par mois. C’est énorme. Avec quel argent ? Celui de l’État, celui de paroissiens, celui de collectivités. Je croyais qu’il existait une séparation entre l’Église et l’État. Dans la Constitution de 2003, en son article 29, il est écrit : “Les cultes religieux sont autonomes par rapport à l’État et jouissent de son soutien.” On ne peut être plus ambigu. Les 14 000 prêtres orthodoxes sont payés, pour une part, par la puissance publique : 100 millions d’euros. L’enseignement religieux est au programme des écoles, les prêtres accompagnent les candidats aux élections, de maison en maison, pour les bénir et chercher des voix, ainsi de suite. Je ne m’habitue pas à cette Roumanie.
Un jour où je me promenais dans le centre de Bucarest, vers le monastère Stavropoleos, je vis une agitation qui n’était pas coutumière : de nombreux prêtres et religieuses patientaient avec d’autres personnages sur le pavé. Quelle ne fut pas ma surprise de voir arriver un véhicule luxueux, immatriculé avec les trois lettres BOR (signifiant Église orthodoxe roumaine), faisant fi de cette rue réservée aux piétons, stationnant devant l’église, et en descendre un personnage richement vêtu : le patriarche, c’est-à-dire le chef de l’Église orthodoxe ! Et la petite foule en noir de se précipiter, déjà se courbant, vers l’homme en blanc. Rien de l’idée de pauvreté ne paraissait, ici, avoir droit de cité.
Cette richesse criante n’a rien à voir avec la lutte des gens pour survivre lorsque, officiellement, le salaire mensuel minimum est, en 2017, de 277 euros. »
(p. 187-188)
Dracula, un cliché sanglant (p. 119-120)
Pouvoir conduire en Roumanie, est-ce possible ? (p. 315-316)
Extrait court