Romance en Fa mineur :
« Il existe un endroit sur terre touché par l’ongle blanc de Dieu : c’est le lac Baïkal, tracé comme un croissant de lune dans les plaines de Sibérie. Si vive est sa splendeur, si bouleversant son éclat, que ses riverains en sont devenus muets. Le coup de foudre, ils le connaissent tous les jours.
C’est à Davcha, petit village en bois au nord-est du lac, qu’avaient choisi de s’installer Sacha et Liouba, après quinze ans d’une vie mouvementée à Moscou. Cardiologue, Sacha avait fini par perdre pied dans la capitale blessée par une hypertension rampante, engloutie dans la fumée noire du progrès. Au cœur gris et malade de la Russie d’Europe, il avait préféré le cœur puissant et céleste de la Sibérie, le Baïkal, où se jettent d’innombrables rivières. Un cœur aimable et transparent, qui bat depuis la nuit des temps. Liouba, quant à elle, avait abandonné sans regret sa carrière de pianiste : les notes n’étaient plus les mêmes, depuis tous les changements. De surcroît, ses amies l’avaient délaissée, avalées par leurs carrières respectives dans de grandes entreprises, ou encore dans les ambassades, aux côtés d’expatriés un peu paumés. L’argent aimante la majorité des êtres : c’est la meilleure nouvelle qui soit, pour une minorité qui comprend la vraie richesse.
Fini le trois pièces exigu sur le bruyant Leningradski Prospekt ! Fini l’ennui des boutiques et des centres commerciaux ! Sacha et Liouba avaient trouvé la maison de leurs rêves dans un hameau idyllique, situé au pied des monts Bargouzinski : une isba comme dans les contes de fées, aux rondins couleur chocolat, avec trois fenêtres ourlées de dentelle, face au lac. Une seule pièce, avec le minimum pour un bonheur optimum : un poêle à bois. Le poêle en Russie est à l’homme ce que le sein est au nourrisson. Une chaleur jouissive. Pourquoi désirer quand on a le feu ? Les deux époux étaient partis avec peu de biens : des livres, de la musique et des vêtements, c’était tout. Sacha avait réussi à vendre ses instruments de travail à ses confrères à l’hôpital no 7 et avait troqué sa trousse médicale pour une belle canne à pêche, dénichée sur le marché d’Irkoutsk.
Le seul objet difficile à mouvoir fut le piano de Liouba? »
Le tire-bouchon (p. 25-29)
Dialogue de phoques (p. 87-89)
Vainqueurs et vaincus (p. 146-150)
« Il existe un endroit sur terre touché par l’ongle blanc de Dieu : c’est le lac Baïkal, tracé comme un croissant de lune dans les plaines de Sibérie. Si vive est sa splendeur, si bouleversant son éclat, que ses riverains en sont devenus muets. Le coup de foudre, ils le connaissent tous les jours.
C’est à Davcha, petit village en bois au nord-est du lac, qu’avaient choisi de s’installer Sacha et Liouba, après quinze ans d’une vie mouvementée à Moscou. Cardiologue, Sacha avait fini par perdre pied dans la capitale blessée par une hypertension rampante, engloutie dans la fumée noire du progrès. Au cœur gris et malade de la Russie d’Europe, il avait préféré le cœur puissant et céleste de la Sibérie, le Baïkal, où se jettent d’innombrables rivières. Un cœur aimable et transparent, qui bat depuis la nuit des temps. Liouba, quant à elle, avait abandonné sans regret sa carrière de pianiste : les notes n’étaient plus les mêmes, depuis tous les changements. De surcroît, ses amies l’avaient délaissée, avalées par leurs carrières respectives dans de grandes entreprises, ou encore dans les ambassades, aux côtés d’expatriés un peu paumés. L’argent aimante la majorité des êtres : c’est la meilleure nouvelle qui soit, pour une minorité qui comprend la vraie richesse.
Fini le trois pièces exigu sur le bruyant Leningradski Prospekt ! Fini l’ennui des boutiques et des centres commerciaux ! Sacha et Liouba avaient trouvé la maison de leurs rêves dans un hameau idyllique, situé au pied des monts Bargouzinski : une isba comme dans les contes de fées, aux rondins couleur chocolat, avec trois fenêtres ourlées de dentelle, face au lac. Une seule pièce, avec le minimum pour un bonheur optimum : un poêle à bois. Le poêle en Russie est à l’homme ce que le sein est au nourrisson. Une chaleur jouissive. Pourquoi désirer quand on a le feu ? Les deux époux étaient partis avec peu de biens : des livres, de la musique et des vêtements, c’était tout. Sacha avait réussi à vendre ses instruments de travail à ses confrères à l’hôpital no 7 et avait troqué sa trousse médicale pour une belle canne à pêche, dénichée sur le marché d’Irkoutsk.
Le seul objet difficile à mouvoir fut le piano de Liouba? »
(p. 11-12)
Le tire-bouchon (p. 25-29)
Dialogue de phoques (p. 87-89)
Vainqueurs et vaincus (p. 146-150)