Je reviendrai :
« Lorsque je me surprends à parler seul ou à Slava, je prends conscience de mon isolement : depuis trois mois et demi, je n’ai pas vu ma famille. En fin de journée, à l’approche d’un repos mérité et du retour à la vie citadine, l’épuisement me rend nostalgique. Je me parle à voix basse pour me motiver ou bien me fâche contre ma conscience lorsque je ne suis pas de son avis. Entre elle et moi, il y a le libre arbitre. Je saisis les moments où je peux la contrer. J’entends toujours ce qu’elle a à me dire, mais j’omets parfois de l’écouter comme durant l’épisode de la tempête noire. Je suis aussi moins attentif à ce que me soufflent les arbres de la taïga. Seule la Lena demeure ma maîtresse, je cède à tous ses caprices.
Ce don de soi est récompensé : le fleuve, même s’il m’effraie parfois, ne me trahit jamais. Il me met chaque jour à l’épreuve afin de me préparer à la partie la plus difficile de l’expédition. Cette phase terminale de 1 500 kilomètres, après la ville de Iakoutsk, qui me conduira dans la région la plus septentrionale de la Sibérie, ne pourra être accomplie que si ma foi ne vacille pas. Cette foi est aujourd’hui alimentée par l’infaillibilité de mon amour pour la Lena et par mes souhaits ardents de ressentir de nouvelles “tristesses de la félicité”. La région du Nord, couverte de toundra et bordée par les monts de Verkhoïansk, va sans doute accentuer l’isolement et la pénibilité de ma progression. Cette dureté croissante m’obligera à puiser en moi des ressources enfouies. Je voyage justement pour connaître mes aptitudes et éprouver mes ressorts les plus secrets. Cette confrontation ne peut se faire que si l’on est engagé seul dans l’aventure. Je n’utilise aucun outil technologique et n’ai pas d’équipe de soutien. Je n’ai que ma foi et mes capacités à me garder en vie. »
Des chiens et des hommes (p. 56-58)
Sauvé par Nikolaï (p. 172-174)
Épilogue (p. 323-325)
« Lorsque je me surprends à parler seul ou à Slava, je prends conscience de mon isolement : depuis trois mois et demi, je n’ai pas vu ma famille. En fin de journée, à l’approche d’un repos mérité et du retour à la vie citadine, l’épuisement me rend nostalgique. Je me parle à voix basse pour me motiver ou bien me fâche contre ma conscience lorsque je ne suis pas de son avis. Entre elle et moi, il y a le libre arbitre. Je saisis les moments où je peux la contrer. J’entends toujours ce qu’elle a à me dire, mais j’omets parfois de l’écouter comme durant l’épisode de la tempête noire. Je suis aussi moins attentif à ce que me soufflent les arbres de la taïga. Seule la Lena demeure ma maîtresse, je cède à tous ses caprices.
Ce don de soi est récompensé : le fleuve, même s’il m’effraie parfois, ne me trahit jamais. Il me met chaque jour à l’épreuve afin de me préparer à la partie la plus difficile de l’expédition. Cette phase terminale de 1 500 kilomètres, après la ville de Iakoutsk, qui me conduira dans la région la plus septentrionale de la Sibérie, ne pourra être accomplie que si ma foi ne vacille pas. Cette foi est aujourd’hui alimentée par l’infaillibilité de mon amour pour la Lena et par mes souhaits ardents de ressentir de nouvelles “tristesses de la félicité”. La région du Nord, couverte de toundra et bordée par les monts de Verkhoïansk, va sans doute accentuer l’isolement et la pénibilité de ma progression. Cette dureté croissante m’obligera à puiser en moi des ressources enfouies. Je voyage justement pour connaître mes aptitudes et éprouver mes ressorts les plus secrets. Cette confrontation ne peut se faire que si l’on est engagé seul dans l’aventure. Je n’utilise aucun outil technologique et n’ai pas d’équipe de soutien. Je n’ai que ma foi et mes capacités à me garder en vie. »
(p. 229)
Des chiens et des hommes (p. 56-58)
Sauvé par Nikolaï (p. 172-174)
Épilogue (p. 323-325)