Bassin méditerranéen – Turquie & Chypre :
« Les 1 200 mètres de dénivelé que dressent les 11 kilomètres d’ascension du mont Nemrut ont suffi à foudroyer notre torpeur. Nous savourons la violence que nous inflige la reprise de nos montures après une semaine d’inactivité. Les poumons brûlent, le cœur fibrille, l’endorphine inonde nos vaisseaux, nos muscles libèrent la tension qu’ils tentaient de contenir. L’énergie développée pour retrouver notre lenteur de cyclistes en peine est jouissive. Éole nous gifle, rendant la progression pénible sur l’étroit ruban de route encore libre de glace. Le sommet n’est plus loin et la crête enneigée qui y conduit est une rampe vers le monde des dieux. Les derniers mètres se font à quatre pattes dans la neige que le froid de la fin d’après-midi commence à durcir. Soudain, la surprise arrête notre course pour nous laisser sans voix. Face à nous, Zeus, Hercule et Apollon contemplent l’horizon dont ils n’ont manqué aucune des aurores qu’a connues notre ère. Deux millénaires de gélifraction ont craquelé leurs visages de pierre sans altérer la jeunesse qui en émane. Leurs regards, perdus dans le lointain, sont vides, inexpressifs. Comme si deux mille ans de contemplation les avaient conduits au stade ultime de la méditation, inaccessibles à la moindre émotion. Pas même celle de félicité qui dessine ce discret sourire sur les lèvres du Bouddha. Les dieux grecs du Nemrut auraient-ils devancé les divinités bouddhistes sur la voie du Nirvana ?
Le déclin du soleil embrase le sommet d’où nous embrassons un horizon infini. L’astre lui-même semble plus bas que notre promontoire. Loin en contrebas, les bras tortueux de l’Euphrate livrent leurs derniers scintillements, tranchant l’univers minéral du Taurus pour finir en s’évaporant sur la lointaine ligne de ciel. Le déclin du mercure rappelle les êtres de chair vers des isoplèthes plus clémentes. Le dernier visiteur tente de négocier la descente du sommet par une longue glissade sur les fesses. Nous attendrons que le disque lunaire soit sorti de l’horizon pour abandonner le sommet à la nuit. Le lendemain, l’hiver abaissera pour de longs mois sa herse de neige sur le mont Nemrut. »
Oodnadatta track – Australie-méridionale (p. 56-58)
Kham – Sichuan (p. 119-121)
Taklamakan – Xinjiang (p. 175-177)
« Les 1 200 mètres de dénivelé que dressent les 11 kilomètres d’ascension du mont Nemrut ont suffi à foudroyer notre torpeur. Nous savourons la violence que nous inflige la reprise de nos montures après une semaine d’inactivité. Les poumons brûlent, le cœur fibrille, l’endorphine inonde nos vaisseaux, nos muscles libèrent la tension qu’ils tentaient de contenir. L’énergie développée pour retrouver notre lenteur de cyclistes en peine est jouissive. Éole nous gifle, rendant la progression pénible sur l’étroit ruban de route encore libre de glace. Le sommet n’est plus loin et la crête enneigée qui y conduit est une rampe vers le monde des dieux. Les derniers mètres se font à quatre pattes dans la neige que le froid de la fin d’après-midi commence à durcir. Soudain, la surprise arrête notre course pour nous laisser sans voix. Face à nous, Zeus, Hercule et Apollon contemplent l’horizon dont ils n’ont manqué aucune des aurores qu’a connues notre ère. Deux millénaires de gélifraction ont craquelé leurs visages de pierre sans altérer la jeunesse qui en émane. Leurs regards, perdus dans le lointain, sont vides, inexpressifs. Comme si deux mille ans de contemplation les avaient conduits au stade ultime de la méditation, inaccessibles à la moindre émotion. Pas même celle de félicité qui dessine ce discret sourire sur les lèvres du Bouddha. Les dieux grecs du Nemrut auraient-ils devancé les divinités bouddhistes sur la voie du Nirvana ?
Le déclin du soleil embrase le sommet d’où nous embrassons un horizon infini. L’astre lui-même semble plus bas que notre promontoire. Loin en contrebas, les bras tortueux de l’Euphrate livrent leurs derniers scintillements, tranchant l’univers minéral du Taurus pour finir en s’évaporant sur la lointaine ligne de ciel. Le déclin du mercure rappelle les êtres de chair vers des isoplèthes plus clémentes. Le dernier visiteur tente de négocier la descente du sommet par une longue glissade sur les fesses. Nous attendrons que le disque lunaire soit sorti de l’horizon pour abandonner le sommet à la nuit. Le lendemain, l’hiver abaissera pour de longs mois sa herse de neige sur le mont Nemrut. »
(p. 253-254)
Oodnadatta track – Australie-méridionale (p. 56-58)
Kham – Sichuan (p. 119-121)
Taklamakan – Xinjiang (p. 175-177)