La Frénésie du windsurf, Petites empoignades avec le vent, les embruns et les vagues
Virginie Troussier
Le windsurf est apparu dans les années 1970. En France, la discipline a connu un développement considérable. En mai 1986, France 3 retransmettait en direct et en national, pour la première fois, l’épreuve de Coupe du monde qui se déroulait à la pointe de la Torche, en Bretagne : 150 000 personnes, emmitouflées dans des cirés, s’étaient donné rendez-vous sur le spot finistérien, bravant les intempéries, pour apercevoir ce qu’il se passait sur l’eau. Les windsurfers allaient se jeter dans une mer en furie, avec un vent de 40 nœuds (75 km/h) en rafales. Les séries de vagues déferlaient, certaines dépassant la hauteur de mât. Les planchistes de l’époque ont senti que quelque chose était en train de se jouer, en direct, sous leurs yeux. Avec les légendes Robby Naish, Bjorn Dunkerbeck, et les Français Thiémé, Teiitéhau, toute une tribu de pratiquants assistait à l’avènement du windsurf.
L’engouement n’a jamais cessé au fil des années. Aujourd’hui le sportif français le plus titré est un windsurfer. Avec 25 titres de champion du monde, Antoine Albeau envisage de battre le record de vitesse à la voile, autrement dit dépasser 65,45 nœuds (121 km/h). La discipline a connu de nombreuses évolutions techniques, du profilage des planches à l’apparition du foil permettant de voler en navigation. Mais au-delà de l’activité sportive, le windsurf s’est avant tout présenté comme un art de vivre. Ne penser que par la mer, connaître le rythme des thermiques et des dépressions, les harmonies qui distinguent les risées des silences. Écouter le vent pulser, au plus vertigineux de sa respiration pour réveiller une alchimie interne. Dans son ouvrage, Virginie Troussier raconte le windsurf comme une grande aventure sensorielle. Fusionner avec les vents et les vagues du monde, sonder leurs personnalités, composer avec la peur, et mobiliser son attention, quand le corps s’engage sur la planche filant au ras de l’eau, se concentre sur la voile accueillant les rafales, avec la sensation incroyable de survoler les flots. Lorsque la planche part ? au planning », dans une propulsion intense, c’est alors la découverte de la vitesse, une extase souveraine, le début d’un abandon à l’océan et d’une addiction à vie.
On ne résiste pas à la passion, on lui donne tout de soi. À travers les îles ventées des Canaries et du Cap-Vert, sur les côtes andalouses et bretonnes, et dans les traces des célèbres windsurfers chasseurs de tempête en Irlande, Virginie Troussier interroge sa fascination. Peut-on dédier sa vie à cette chose impalpable ? Peut-on construire sur une onde ? Peut-on habiter une brise ? En déposant son souffle dans celui du vent, l’autrice explore la beauté de l’éphémère et son désir de légèreté.