Un oubli immédiat :
« Car il est une magie de la trace dans la neige, la plus singulière de toutes : son éphémérité. Nous pouvons passer des heures à tracer la face d’une montagne et, en quelques minutes de flocons décidés, elle disparaît. Jusqu’au prochain dessin ou à jamais. J’ai parfois l’impression d’évoluer dans une boule à neige qu’un bienfaiteur au doux nom de cosmos agite plusieurs fois dans l’hiver pour nous offrir les joies du remodelage et de l’art éphémère. D’autres fois plus ambitieuses, je me figure en grizzly du Yellowstone sortant aux prémices d’une tempête afin qu’elle efface amicalement les traces de mon passage. Qu’il est bon de louvoyer entre les montagnes sans que ça se sache, aidé en cela par un ciel complice qui, dès notre passage, remet un peu de blanc sur cette journée dont on en arrive à se demander si elle était réelle. Ici se fraie la seule coquetterie narcissique, celle d’avoir hâte que les cieux retirent l’estampille de mes allées et venues. En effaçant la trace, en soumettant à d’autres le bonheur de goûter à leur tour à la virginité des lieux, c’est comme si de simples cristaux d’eau gelée faisaient de nos vies des chimères délicieuses. Elle est drôle, cette fichue vie : à la fois on souhaite y laisser notre trace, et d’être promptement oublié nous séduit aussi, si ce n’est autant. »
Déployer la carte (p. 21-23)
Un massif de prédilection (p. 27-29)
Ni oisiveté ni utilité (p. 45-47)
« Car il est une magie de la trace dans la neige, la plus singulière de toutes : son éphémérité. Nous pouvons passer des heures à tracer la face d’une montagne et, en quelques minutes de flocons décidés, elle disparaît. Jusqu’au prochain dessin ou à jamais. J’ai parfois l’impression d’évoluer dans une boule à neige qu’un bienfaiteur au doux nom de cosmos agite plusieurs fois dans l’hiver pour nous offrir les joies du remodelage et de l’art éphémère. D’autres fois plus ambitieuses, je me figure en grizzly du Yellowstone sortant aux prémices d’une tempête afin qu’elle efface amicalement les traces de mon passage. Qu’il est bon de louvoyer entre les montagnes sans que ça se sache, aidé en cela par un ciel complice qui, dès notre passage, remet un peu de blanc sur cette journée dont on en arrive à se demander si elle était réelle. Ici se fraie la seule coquetterie narcissique, celle d’avoir hâte que les cieux retirent l’estampille de mes allées et venues. En effaçant la trace, en soumettant à d’autres le bonheur de goûter à leur tour à la virginité des lieux, c’est comme si de simples cristaux d’eau gelée faisaient de nos vies des chimères délicieuses. Elle est drôle, cette fichue vie : à la fois on souhaite y laisser notre trace, et d’être promptement oublié nous séduit aussi, si ce n’est autant. »
(p. 56-57)
Déployer la carte (p. 21-23)
Un massif de prédilection (p. 27-29)
Ni oisiveté ni utilité (p. 45-47)