
Chemins de traverse :
« Je chéris la nature depuis l’enfance. J’ai toujours eu le sentiment d’être chez moi en forêt. J’ai grandi dans un foyer sans télévision, dans le Gâtinais, duquel, une fois mes devoirs faits, je m’échappais librement pour remonter à pied les rivières ou m’égarer à vélo dans les bois morvandiaux durant les vacances. J’y construisais des cabanes, suivais la piste des chevreuils et capturais des lézards pour les contempler avant de les libérer. Parfois, au grand dam de ma mère, je ramenais à la maison une araignée qui, pour moi, valait plus qu’un joyau, ou je sauvais du piétinement un groupe de chenilles égarées au milieu du chemin. Je les installais dans mon vivarium et relâchais plus tard les papillons sortis de leur cocon. Mon frère et ma sœur trouvaient probablement étrange de s’enticher ainsi des petites bêtes et de la nature, mais ils supportaient mes lubies avec indulgence.
Jeune adulte, j’ai continué d’user mes souliers sur les chemins de randonnée, mais plus haut, dans les Alpes, à travers le Giffre et le Chablais, au fil d’échappées dans les bois et d’escapades en montagne, à la rencontre de la faune et de la flore de cette vaste et belle région. Des fugues hors du temps qui reprirent de plus belle lorsque je rencontrai mon amie et partenaire de randonnée, qui deviendrait mon épouse. Après quelques soirées au bord de l’océan et des week-ends pyrénéens, nous entreprîmes des randonnées autonomes, du Morvan en été aux chemins de Compostelle l’hiver? Après notre fameux séjour périlleux dans la steppe, j’ai suivi un enseignement en secourisme afin d’effectuer les bons gestes quand l’aventure tourne au vinaigre. Puis, ma femme et moi avons monté des expéditions pour de petits groupes en Asie, à travers la Mongolie bien sûr mais aussi sur le plateau tibétain et au sein des jungles himalayennes. J’ai organisé d’autres stages de survie aux quatre coins du monde, du Jura au Mustang en passant par les îles désertes de la mer de Sulu et du golfe de Panamá. J’ai vécu avec les Khasi du Meghalaya et les Mishmi de l’Arunachal Pradesh, en Inde, les Hadzabe de Tanzanie et les Gurung du Népal? Au fil des années, j’ai formé des centaines de “naufragés volontaires” à un nouveau rapport à la nature. Ils y tracent désormais leur chemin comme s’il s’agissait d’un jardin ; ils en récoltent les fleurs, les fruits et changent ainsi leur nature humaine.
Partout, l’immersion dans la nature m’a comblé et a récompensé mes efforts. Il y a de la joie à suivre la trace éphémère d’un lynx dans la neige, à observer le plastron saphir et émeraude d’un barbu géant sous les frondaisons ou la technique des chauves-souris pour uriner dans leur sommeil sans se souiller, à croiser le regard d’un loup qui vous suit puis se fond dans la taïga, à se ravir du rituel de chevaux sauvages au bord d’un lac – l’étalon s’assure qu’il n’y a aucun danger, appelle chaque femelle et son poulain puis vérifie que les jeunes mâles ne sont pas laissés pour compte?
Mais il faut n’avoir jamais pris les chemins de traverse pour penser que l’aventure est uniquement constituée de moments privilégiés vécus dans un jardin d’Éden où tout flatte le regard et communie avec l’âme. La réalité est évidemment différente. »
Construire un feu (p. 62-64)
Naître une seconde fois (p. 75-77)
Extrait court
« Je chéris la nature depuis l’enfance. J’ai toujours eu le sentiment d’être chez moi en forêt. J’ai grandi dans un foyer sans télévision, dans le Gâtinais, duquel, une fois mes devoirs faits, je m’échappais librement pour remonter à pied les rivières ou m’égarer à vélo dans les bois morvandiaux durant les vacances. J’y construisais des cabanes, suivais la piste des chevreuils et capturais des lézards pour les contempler avant de les libérer. Parfois, au grand dam de ma mère, je ramenais à la maison une araignée qui, pour moi, valait plus qu’un joyau, ou je sauvais du piétinement un groupe de chenilles égarées au milieu du chemin. Je les installais dans mon vivarium et relâchais plus tard les papillons sortis de leur cocon. Mon frère et ma sœur trouvaient probablement étrange de s’enticher ainsi des petites bêtes et de la nature, mais ils supportaient mes lubies avec indulgence.
Jeune adulte, j’ai continué d’user mes souliers sur les chemins de randonnée, mais plus haut, dans les Alpes, à travers le Giffre et le Chablais, au fil d’échappées dans les bois et d’escapades en montagne, à la rencontre de la faune et de la flore de cette vaste et belle région. Des fugues hors du temps qui reprirent de plus belle lorsque je rencontrai mon amie et partenaire de randonnée, qui deviendrait mon épouse. Après quelques soirées au bord de l’océan et des week-ends pyrénéens, nous entreprîmes des randonnées autonomes, du Morvan en été aux chemins de Compostelle l’hiver? Après notre fameux séjour périlleux dans la steppe, j’ai suivi un enseignement en secourisme afin d’effectuer les bons gestes quand l’aventure tourne au vinaigre. Puis, ma femme et moi avons monté des expéditions pour de petits groupes en Asie, à travers la Mongolie bien sûr mais aussi sur le plateau tibétain et au sein des jungles himalayennes. J’ai organisé d’autres stages de survie aux quatre coins du monde, du Jura au Mustang en passant par les îles désertes de la mer de Sulu et du golfe de Panamá. J’ai vécu avec les Khasi du Meghalaya et les Mishmi de l’Arunachal Pradesh, en Inde, les Hadzabe de Tanzanie et les Gurung du Népal? Au fil des années, j’ai formé des centaines de “naufragés volontaires” à un nouveau rapport à la nature. Ils y tracent désormais leur chemin comme s’il s’agissait d’un jardin ; ils en récoltent les fleurs, les fruits et changent ainsi leur nature humaine.
Partout, l’immersion dans la nature m’a comblé et a récompensé mes efforts. Il y a de la joie à suivre la trace éphémère d’un lynx dans la neige, à observer le plastron saphir et émeraude d’un barbu géant sous les frondaisons ou la technique des chauves-souris pour uriner dans leur sommeil sans se souiller, à croiser le regard d’un loup qui vous suit puis se fond dans la taïga, à se ravir du rituel de chevaux sauvages au bord d’un lac – l’étalon s’assure qu’il n’y a aucun danger, appelle chaque femelle et son poulain puis vérifie que les jeunes mâles ne sont pas laissés pour compte?
Mais il faut n’avoir jamais pris les chemins de traverse pour penser que l’aventure est uniquement constituée de moments privilégiés vécus dans un jardin d’Éden où tout flatte le regard et communie avec l’âme. La réalité est évidemment différente. »
(p. 15-17)
Construire un feu (p. 62-64)
Naître une seconde fois (p. 75-77)
Extrait court