Première rencontre :
« Une forêt sans âge nous accueillit le soir suivant, nuit de pleine lune. Au couchant, les chouettes de l’Oural, d’un délicat beige pâle et aux grands yeux noirs qui vous fixent, se montrèrent enfin, nous débusquâmes des chamois à 10 mètres, tandis qu’une hulotte lançait son chant sous les hêtres vénérables. Des loirs crièrent et s’approchèrent sans que nous en vissions un seul. Nous nous étions couchés sur une crête si bien que, dans notre dos, la lune éclairait la forêt d’où pouvait surgir une petite ou une? grande bête. Le bruit sec et proche d’une branche brisée par un mammifère nous surprit en plein sommeil. Un même réflexe, animal, nous projeta en avant dans le froissement de nos sursacs. Nous n’entendîmes plus rien et allumâmes nos lampes frontales une bonne minute après. La bête avait disparu. Nous pensâmes immédiatement à l’ours car, s’il n’est pas le seul à faire craquer le bois mort au sol, nous savions qu’il peut s’évanouir sans émettre un son, à la différence des sangliers ou des cerfs et biches, bruyants dans leur fuite. La nuit prit un sens et un parfum tout différents. Il était minuit et demi, la lune brillait sur la sylve enchantée.
Nos journées et nuits dans la forêt nous procuraient une étonnante énergie. Douchan le constatait et ne cessait de nous parler de cette force captée au contact des arbres. Il fallait convenir avec Philippe, médecin épidémiologiste, que la vie sylvestre était bienfaisante pour nos corps et nos esprits. Couchés avec le soleil, nous ne prenions qu’un repas chaud dans l’après-midi, nous nous lavions, retirions les tiques fixées à nos membres, puis reprenions le chemin de la forêt avec une nourriture frugale. Au crépuscule, nous étions couchés et bercés par les chouettes et les loirs. Une fin de journée au bord d’un lac, calfeutrés dans nos sursacs, nous attendîmes sous des noisetiers ruisselants la fin d’un violent orage. Et si une femelle accompagnée d’oursons sortait, là, dans ce paysage d’aquarelle, ce serait magnifique? L’espoir grandit en nous, une nouvelle fois déçu, compensé par des sangliers, des biches et des faons. L’avant-veille de son départ, Philippe me décida à passer une ultime soirée dans un mirador plus agréable que les caches précédentes. Nous dominions une belle prairie de fauche encore gorgée de l’eau apportée par l’orage qui avait mis fin aux températures excessives. Un chevreuil, quelques geais et pigeons animèrent les premières heures d’affût au cours desquelles je pris des notes et dormis un peu. À mon réveil, je n’espérais plus rien.
Curieusement, c’est souvent en ces instants de déconcentration que l’animal apparaît. Du haut de notre affût nous parvenaient maintenant des bruits répétés de branches cassées. Nous n’osions y croire, d’autant que plusieurs animaux évoluaient sous le couvert. Une bande de sangliers ? Des ours ! L’un sortit à gauche, le deuxième à droite, allant grappiller du maïs et manger des herbes fraîches riches de fraises des bois à une cinquantaine de mètres de nous. La nuit tombait doucement, et une troisième bête se signala par un grognement sourd qui mit en alerte les deux premières. L’animal longea la clairière sur la gauche et sortit au fond. Il était plus fort, se dressa et se mit à manger sur une position dominante (au matin nous vérifiâmes qu’il disposait d’une plus grande quantité de maïs). Nous avions désormais trois ours devant nous, et des lucioles jetaient leurs petits feux entre leurs formes sombres et massives. L’angélus avait sonné, l’atmosphère virait au fantastique. »
Légende dorée de l’ours (p. 18-22)
Cliché ursin (p. 41-44)
Extrait court
« Une forêt sans âge nous accueillit le soir suivant, nuit de pleine lune. Au couchant, les chouettes de l’Oural, d’un délicat beige pâle et aux grands yeux noirs qui vous fixent, se montrèrent enfin, nous débusquâmes des chamois à 10 mètres, tandis qu’une hulotte lançait son chant sous les hêtres vénérables. Des loirs crièrent et s’approchèrent sans que nous en vissions un seul. Nous nous étions couchés sur une crête si bien que, dans notre dos, la lune éclairait la forêt d’où pouvait surgir une petite ou une? grande bête. Le bruit sec et proche d’une branche brisée par un mammifère nous surprit en plein sommeil. Un même réflexe, animal, nous projeta en avant dans le froissement de nos sursacs. Nous n’entendîmes plus rien et allumâmes nos lampes frontales une bonne minute après. La bête avait disparu. Nous pensâmes immédiatement à l’ours car, s’il n’est pas le seul à faire craquer le bois mort au sol, nous savions qu’il peut s’évanouir sans émettre un son, à la différence des sangliers ou des cerfs et biches, bruyants dans leur fuite. La nuit prit un sens et un parfum tout différents. Il était minuit et demi, la lune brillait sur la sylve enchantée.
Nos journées et nuits dans la forêt nous procuraient une étonnante énergie. Douchan le constatait et ne cessait de nous parler de cette force captée au contact des arbres. Il fallait convenir avec Philippe, médecin épidémiologiste, que la vie sylvestre était bienfaisante pour nos corps et nos esprits. Couchés avec le soleil, nous ne prenions qu’un repas chaud dans l’après-midi, nous nous lavions, retirions les tiques fixées à nos membres, puis reprenions le chemin de la forêt avec une nourriture frugale. Au crépuscule, nous étions couchés et bercés par les chouettes et les loirs. Une fin de journée au bord d’un lac, calfeutrés dans nos sursacs, nous attendîmes sous des noisetiers ruisselants la fin d’un violent orage. Et si une femelle accompagnée d’oursons sortait, là, dans ce paysage d’aquarelle, ce serait magnifique? L’espoir grandit en nous, une nouvelle fois déçu, compensé par des sangliers, des biches et des faons. L’avant-veille de son départ, Philippe me décida à passer une ultime soirée dans un mirador plus agréable que les caches précédentes. Nous dominions une belle prairie de fauche encore gorgée de l’eau apportée par l’orage qui avait mis fin aux températures excessives. Un chevreuil, quelques geais et pigeons animèrent les premières heures d’affût au cours desquelles je pris des notes et dormis un peu. À mon réveil, je n’espérais plus rien.
Curieusement, c’est souvent en ces instants de déconcentration que l’animal apparaît. Du haut de notre affût nous parvenaient maintenant des bruits répétés de branches cassées. Nous n’osions y croire, d’autant que plusieurs animaux évoluaient sous le couvert. Une bande de sangliers ? Des ours ! L’un sortit à gauche, le deuxième à droite, allant grappiller du maïs et manger des herbes fraîches riches de fraises des bois à une cinquantaine de mètres de nous. La nuit tombait doucement, et une troisième bête se signala par un grognement sourd qui mit en alerte les deux premières. L’animal longea la clairière sur la gauche et sortit au fond. Il était plus fort, se dressa et se mit à manger sur une position dominante (au matin nous vérifiâmes qu’il disposait d’une plus grande quantité de maïs). Nous avions désormais trois ours devant nous, et des lucioles jetaient leurs petits feux entre leurs formes sombres et massives. L’angélus avait sonné, l’atmosphère virait au fantastique. »
(p. 61-64)
Légende dorée de l’ours (p. 18-22)
Cliché ursin (p. 41-44)
Extrait court