La Caresse de l’onde, Petites réflexions sur le voyage en canoë et la liberté de naviguer
Patrice de Ravel
Originaire des forêts du nord de l’Amérique, la pratique du canoë, qui seule rendit possible l’odyssée des ? coureurs de bois », est aussi changeante que les cours d’eau, vifs ou nonchalants, qu’il permet de découvrir. Lui seul peut se jouer des chutes et des rochers, descendre ou remonter les rivières, les relier entre elles grâce à son portage. Son ingéniosité n’en finit pas de nous étonner. Les horizons qu’il ouvre sont proportionnels à la richesse de sa technique. Silencieux et discret, ce mode de déplacement offre une approche originale des paysages. Du milieu d’un lac ou d’une rivière, du fond d’une vallée ou au cœur d’une ville, une fois la pagaie en main, la perception des lieux qui semblaient connus est bouleversée. Les repères cèdent ou se mêlent. Le chant de l’eau qui berce les riverains a, pour le pagayeur, une signification particulière. Bien que la terre soit toujours frôlée, l’univers aquatique impose ses règles. Les chaussées des moulins, les ponts, les rochers qui affleurent, les arbres même, changent de fonction. La rivière abandonne à ses rives son rôle de frontière pour devenir un intervalle indécis sur lequel nous embarquons tous nos désirs d’évasion. Le canoë est un espace flottant entre terre et eau mais, finalement, qui, de la pagaie à la surface ou de l’onde sous le bateau, caresse l’autre ?