Protéger la biodiversité :
« Nous vivons une crise de la biodiversité sans précédent dans l’histoire de la vie sur Terre. Et après ? Quelles conséquences ? Qui se soucie de la disparition du perce-oreille géant de l’île Sainte-Hélène, ou de celle du bandicoot du désert d’Australie ? Ces deux disparitions n’empêcheront pas que les hommes continuent à vivre. Dans la grande majorité des cas, l’extinction d’une espèce passe totalement inaperçue, et les milieux ont une telle résilience, surtout lorsqu’ils abritent de nombreuses espèces, qu’ils supportent maintes perturbations avant de ne plus fonctionner. Mais c’est la modification des équilibres, le remplacement d’une multitude d’espèces spécialisées par quelques autres plus adaptables et généralistes, et finalement la multiplication des extinctions, qui à terme altèrent les écosystèmes. Les raisons pour lesquelles il est crucial de lutter contre la crise de la biodiversité en essayant de réparer ce qui peut l’être, et surtout en limitant autant que possible les perturbations, ont été souvent exposées par des scientifiques, comme le spécialiste des fourmis et grand conservationniste Edward Wilson, dans son livre La Diversité de la vie, ou l’économiste Robert Costanza, dans un article fondateur sur l’évaluation monétaire des services rendus par les écosystèmes. Ces auteurs et bien d’autres développent longuement le risque de perdre des substances encore inconnues, telles que molécules à usage pharmaceutique, substituts du pétrole ou aliments ; ils exposent les nombreux services que les écosystèmes rendent à l’humanité en fournissant des matières premières, en purifiant l’eau et l’air, en assurant la pollinisation des plantes cultivées et en régénérant les sols ; ils insistent sur le réservoir de diversité génétique que constituent les espèces sauvages, gage de robustesse pour les espèces domestiquées ; ils parlent enfin du rôle de régulateur du climat des grandes forêts ou de celui d’attraction touristique de beaucoup de sites naturels. Tous ces points justifient en eux-mêmes l’importance de tout mettre en œuvre pour préserver la biodiversité.
Les arguments utilitaristes permettent de convaincre de façon rationnelle, chiffrée, en mettant par exemple en regard le coût d’un service rendu par un écosystème et celui du même service rendu par l’industrie. L’argument est parfois percutant, comme cela a été le cas pour la ville de New York dans les années 1990. L’eau de cette ville provient en effet de la chaîne des Catskill Mountains, mais l’intensification de l’agriculture dans la région avait pollué les nappes. Afin de rendre l’eau potable, la mise en place d’un réseau de stations d’épuration au pied des Catskill a été envisagée. Des études ont montré que la restauration du site coûterait six fois moins cher. La solution la moins onéreuse et la plus respectueuse du territoire a été choisie, au bénéfice des New-Yorkais, des habitants des Catskill et des espèces qui y vivent. Mais le maintien de la biodiversité ne se mesure pas nécessairement en termes monétaires : comment chiffrer l’impact d’une mesure qui permettrait de conserver la diversité génétique dans un écosystème, diversité pourtant cruciale pour l’adaptation aux changements tels que le réchauffement climatique ? En Inde, les vautours ont quasiment disparu, intoxiqués par un antiparasitaire administré aux vaches dont ils mangeaient les carcasses. Celles-ci, non nettoyées par les vautours, ont provoqué une augmentation des populations de rats et de chiens errants. Comment évaluer l’impact de cette prolifération pour la société indienne ?
Par-delà ces justifications utilitaristes, le simple fait que la nature constitue un patrimoine, qu’elle ait une valeur esthétique, mérite qu’on la protège. Si les tigres disparaissent, la vie sur Terre ne sera probablement modifiée qu’à la marge. Pourtant, qui ne serait pas ému d’apprendre qu’ils n’existent plus ? Par-delà ces justifications utilitaristes, le simple fait que la nature constitue un patrimoine, qu’elle ait une valeur esthétique, mérite qu’on la protège. Si les tigres disparaissent, la vie sur Terre ne sera probablement modifiée qu’à la marge. Pourtant, qui ne serait pas ému d’apprendre qu’ils n’existent plus ? Plusieurs espèces disparaissent chaque jour, la Terre continue de tourner et la plupart des humains vivent aujourd’hui comme hier. De même, si, chaque jour, plusieurs tableaux disparaissaient du Louvre, emportés par des voleurs ou des moisissures, l’impact sur la vie quotidienne des hommes serait à peu près nul. Pourtant, au nom de la préservation du patrimoine culturel de l’humanité, de nombreuses voix s’élèveraient pour que ces disparitions cessent. La beauté de la nature, son ingéniosité méritent les mêmes égards : au nom de la protection du patrimoine de l’humanité, la biodiversité doit être préservée. »
Histoire naturelle et voyages d’exploration (p. 17-21)
Toujours à l’affût (p. 39-42)
Extrait court
« Nous vivons une crise de la biodiversité sans précédent dans l’histoire de la vie sur Terre. Et après ? Quelles conséquences ? Qui se soucie de la disparition du perce-oreille géant de l’île Sainte-Hélène, ou de celle du bandicoot du désert d’Australie ? Ces deux disparitions n’empêcheront pas que les hommes continuent à vivre. Dans la grande majorité des cas, l’extinction d’une espèce passe totalement inaperçue, et les milieux ont une telle résilience, surtout lorsqu’ils abritent de nombreuses espèces, qu’ils supportent maintes perturbations avant de ne plus fonctionner. Mais c’est la modification des équilibres, le remplacement d’une multitude d’espèces spécialisées par quelques autres plus adaptables et généralistes, et finalement la multiplication des extinctions, qui à terme altèrent les écosystèmes. Les raisons pour lesquelles il est crucial de lutter contre la crise de la biodiversité en essayant de réparer ce qui peut l’être, et surtout en limitant autant que possible les perturbations, ont été souvent exposées par des scientifiques, comme le spécialiste des fourmis et grand conservationniste Edward Wilson, dans son livre La Diversité de la vie, ou l’économiste Robert Costanza, dans un article fondateur sur l’évaluation monétaire des services rendus par les écosystèmes. Ces auteurs et bien d’autres développent longuement le risque de perdre des substances encore inconnues, telles que molécules à usage pharmaceutique, substituts du pétrole ou aliments ; ils exposent les nombreux services que les écosystèmes rendent à l’humanité en fournissant des matières premières, en purifiant l’eau et l’air, en assurant la pollinisation des plantes cultivées et en régénérant les sols ; ils insistent sur le réservoir de diversité génétique que constituent les espèces sauvages, gage de robustesse pour les espèces domestiquées ; ils parlent enfin du rôle de régulateur du climat des grandes forêts ou de celui d’attraction touristique de beaucoup de sites naturels. Tous ces points justifient en eux-mêmes l’importance de tout mettre en œuvre pour préserver la biodiversité.
Les arguments utilitaristes permettent de convaincre de façon rationnelle, chiffrée, en mettant par exemple en regard le coût d’un service rendu par un écosystème et celui du même service rendu par l’industrie. L’argument est parfois percutant, comme cela a été le cas pour la ville de New York dans les années 1990. L’eau de cette ville provient en effet de la chaîne des Catskill Mountains, mais l’intensification de l’agriculture dans la région avait pollué les nappes. Afin de rendre l’eau potable, la mise en place d’un réseau de stations d’épuration au pied des Catskill a été envisagée. Des études ont montré que la restauration du site coûterait six fois moins cher. La solution la moins onéreuse et la plus respectueuse du territoire a été choisie, au bénéfice des New-Yorkais, des habitants des Catskill et des espèces qui y vivent. Mais le maintien de la biodiversité ne se mesure pas nécessairement en termes monétaires : comment chiffrer l’impact d’une mesure qui permettrait de conserver la diversité génétique dans un écosystème, diversité pourtant cruciale pour l’adaptation aux changements tels que le réchauffement climatique ? En Inde, les vautours ont quasiment disparu, intoxiqués par un antiparasitaire administré aux vaches dont ils mangeaient les carcasses. Celles-ci, non nettoyées par les vautours, ont provoqué une augmentation des populations de rats et de chiens errants. Comment évaluer l’impact de cette prolifération pour la société indienne ?
Par-delà ces justifications utilitaristes, le simple fait que la nature constitue un patrimoine, qu’elle ait une valeur esthétique, mérite qu’on la protège. Si les tigres disparaissent, la vie sur Terre ne sera probablement modifiée qu’à la marge. Pourtant, qui ne serait pas ému d’apprendre qu’ils n’existent plus ? Par-delà ces justifications utilitaristes, le simple fait que la nature constitue un patrimoine, qu’elle ait une valeur esthétique, mérite qu’on la protège. Si les tigres disparaissent, la vie sur Terre ne sera probablement modifiée qu’à la marge. Pourtant, qui ne serait pas ému d’apprendre qu’ils n’existent plus ? Plusieurs espèces disparaissent chaque jour, la Terre continue de tourner et la plupart des humains vivent aujourd’hui comme hier. De même, si, chaque jour, plusieurs tableaux disparaissaient du Louvre, emportés par des voleurs ou des moisissures, l’impact sur la vie quotidienne des hommes serait à peu près nul. Pourtant, au nom de la préservation du patrimoine culturel de l’humanité, de nombreuses voix s’élèveraient pour que ces disparitions cessent. La beauté de la nature, son ingéniosité méritent les mêmes égards : au nom de la protection du patrimoine de l’humanité, la biodiversité doit être préservée. »
(p. 77-81)
Histoire naturelle et voyages d’exploration (p. 17-21)
Toujours à l’affût (p. 39-42)
Extrait court