La Tentation du jardin, Petit florilège sur l’art de cultiver les plaisirs verts
Xavier Mouginet
Le jardin, territoire de l’enfance où nous découvrons dès le plus jeune âge la verte nature du monde, parle encore bien souvent aux adultes. Privé ou public, il est le lieu où l’enfant conquiert la pleine liberté de ses mouvements, où il perçoit la diversité des formes et des couleurs du règne végétal, où il sent, touche et exacerbe ses sens. Cet espace concourt plus tard à parfaire son expérience de la vie. Condensé de nature mais aussi écosystème artificiel qui réunit les espèces les plus variées, il est d’ailleurs une réduction du cosmos, un univers à lui seul.
Le jardin parle du jardinier et également de sa société. Par ses dimensions, il propose d’entrer dans un cadre : de la Perse médiévale à l’Angleterre du XVIIIe siècle, le jardin a des frontières que le paysage n’a pas. De fait, jardiner consiste à mettre le paysage en boîte. Sa fonction, bien sûr, a évolué : de la démonstration de puissance que symbolise la nature dominée des jardins suspendus de Babylone à l’esthétisme de la Renaissance, il est devenu havre propice à la méditation. S’y épanouissent même parfois, dans un but conservatoire, certaines plantes menacées. Mais toujours il renvoie à un imaginaire où se croisent l’oasis et le paradis.
À l’heure où la grisaille minérale des villes chasse la verdure et la vie, nous redécouvrons l’enjeu de ces lieux féeriques que sont les jardins. Ils donnent accès à un temps spécifique, à contre-courant de la frénésie urbaine, et à des dispositions morales singulières. Ils nous raccordent au rythme des saisons et nous rappellent, comme un hymne à la diversité du vivant, l’impérieuse nécessité de réinventer notre rapport à la nature.