Ma pratique :
« Sur les chemins du bouddhisme, j’ai, en ce qui me concerne, opté pour une voie japonaise. Grâce aux avions, à la vitesse sous toutes ses formes, aux moyens de communication modernes, ce bouddhisme est parvenu jusqu’à moi, dans ma ville de Paris. Mais le parcours historique fut en réalité bien long et émaillé d’épreuves, depuis Shâkyamuni, le fondateur de cette religion, jusqu’à Nichiren, le réformateur japonais du XIIIe siècle, inspirateur de l’école à laquelle j’appartiens. Au temps de Nichiren, le Japon subissait une série de cataclysmes sans précédent – tremblements de terre, typhons, sécheresse, troubles politiques au sein du clan au pouvoir, menace des invasions mongoles – et les écoles bouddhiques traditionnelles ne semblaient pas pouvoir apporter aux populations l’énergie spirituelle et la foi dont elles avaient besoin. C’est alors que, franchissant les siècles et les frontières, Nichiren voulut revenir à l’esprit originel du bouddhisme tel qu’il avait été défini par Shâkyamuni, tout en l’adaptant aux nécessités de son temps. Sa compassion sans bornes l’amena à créer un enseignement populaire et accessible à tous sur lequel chacun puisse s’appuyer en cette ère de catastrophes. Il eut aussi le courage de critiquer ouvertement les autorités en place pour leur arrogance et leur indifférence à la souffrance des gens ordinaires, ce qui lui valut les pires persécutions sa vie durant. Après avoir été conservée pendant des siècles par des moines et un nombre restreint de laïcs, sa doctrine ne connut un essor véritablement significatif qu’à la suite d’une nouvelle tragédie : la défaite et l’occupation par les troupes américaines au terme de la Seconde Guerre mondiale. Le pays entier parut émerger d’un mirage et beaucoup trouvèrent dans ce courant bouddhique, né lui aussi dans une période de chaos, la source d’un nouvel élan. Longtemps marqué par la féodalité, le Japon s’éveilla également au monde extérieur, acceptant dès lors d’ouvrir sa boîte à secrets et d’offrir au reste de la planète le récit de ses croyances. C’est ainsi que des Occidentaux vont découvrir, derrière la complexité d’un enseignement marqué par une longue tradition, la sève même du bouddhisme, tolérance et pacifisme, compassion, sérénité de l’éveil au cœur du réel, tout ce que Nichiren entendait déjà régénérer en son temps. Des phrases de ce grand sage vont émerger dans notre langue et s’ancrer dans nos consciences. Certaines relèvent d’un humanisme universel : “La vie est le plus précieux de tous les trésors.” D’autres s’inscrivent plus nettement dans la tradition bouddhique : “Si vous souhaitez vous libérer des souffrances de la naissance et de la mort endurées de toute éternité, vous devez vous éveiller au principe mystique inhérent à toute vie.” Ou : “Le but de la venue du bouddha Shâkyamuni en ce monde fut d’offrir un modèle de comportement humain.”
Telle est donc l’histoire dans laquelle je me suis inscrit. J’eus l’occasion de rencontrer les premiers pratiquants de ce courant bouddhique en France, Français en quête de valeurs nouvelles, parfois en lutte contre la désespérance, ou Japonais lumineux, conscients des horreurs passées du militarisme et du nationalisme qui avaient ruiné leur pays, et devenus porteurs d’un message de paix destiné à tous. Dépassant nos différences de culture et d’origine, nous nous réunissions dans des centres bouddhiques, le temps d’une pratique, d’un séminaire, d’une séance d’étude. Nous participions également, dans nos quartiers respectifs, à des réunions d’échange. Chacun possédait chez soi l’autel et l’objet de culte appelé Gohonzon au cœur duquel Nichiren avait inscrit son propre état de bouddha, comme un écho à celui qui réside en nous-mêmes. Ici, le “portrait” du Bouddha apparaît sous forme calligraphiée et la danse des idéogrammes offre une image riche où les mots écrits perpétuent “la voix pure et portant loin” de l’Éveillé, une autre de ses trente-deux caractéristiques. »
Le prince Gautama (p. 17-20)
Une longue fascination (p. 29-32)
Extrait court
« Sur les chemins du bouddhisme, j’ai, en ce qui me concerne, opté pour une voie japonaise. Grâce aux avions, à la vitesse sous toutes ses formes, aux moyens de communication modernes, ce bouddhisme est parvenu jusqu’à moi, dans ma ville de Paris. Mais le parcours historique fut en réalité bien long et émaillé d’épreuves, depuis Shâkyamuni, le fondateur de cette religion, jusqu’à Nichiren, le réformateur japonais du XIIIe siècle, inspirateur de l’école à laquelle j’appartiens. Au temps de Nichiren, le Japon subissait une série de cataclysmes sans précédent – tremblements de terre, typhons, sécheresse, troubles politiques au sein du clan au pouvoir, menace des invasions mongoles – et les écoles bouddhiques traditionnelles ne semblaient pas pouvoir apporter aux populations l’énergie spirituelle et la foi dont elles avaient besoin. C’est alors que, franchissant les siècles et les frontières, Nichiren voulut revenir à l’esprit originel du bouddhisme tel qu’il avait été défini par Shâkyamuni, tout en l’adaptant aux nécessités de son temps. Sa compassion sans bornes l’amena à créer un enseignement populaire et accessible à tous sur lequel chacun puisse s’appuyer en cette ère de catastrophes. Il eut aussi le courage de critiquer ouvertement les autorités en place pour leur arrogance et leur indifférence à la souffrance des gens ordinaires, ce qui lui valut les pires persécutions sa vie durant. Après avoir été conservée pendant des siècles par des moines et un nombre restreint de laïcs, sa doctrine ne connut un essor véritablement significatif qu’à la suite d’une nouvelle tragédie : la défaite et l’occupation par les troupes américaines au terme de la Seconde Guerre mondiale. Le pays entier parut émerger d’un mirage et beaucoup trouvèrent dans ce courant bouddhique, né lui aussi dans une période de chaos, la source d’un nouvel élan. Longtemps marqué par la féodalité, le Japon s’éveilla également au monde extérieur, acceptant dès lors d’ouvrir sa boîte à secrets et d’offrir au reste de la planète le récit de ses croyances. C’est ainsi que des Occidentaux vont découvrir, derrière la complexité d’un enseignement marqué par une longue tradition, la sève même du bouddhisme, tolérance et pacifisme, compassion, sérénité de l’éveil au cœur du réel, tout ce que Nichiren entendait déjà régénérer en son temps. Des phrases de ce grand sage vont émerger dans notre langue et s’ancrer dans nos consciences. Certaines relèvent d’un humanisme universel : “La vie est le plus précieux de tous les trésors.” D’autres s’inscrivent plus nettement dans la tradition bouddhique : “Si vous souhaitez vous libérer des souffrances de la naissance et de la mort endurées de toute éternité, vous devez vous éveiller au principe mystique inhérent à toute vie.” Ou : “Le but de la venue du bouddha Shâkyamuni en ce monde fut d’offrir un modèle de comportement humain.”
Telle est donc l’histoire dans laquelle je me suis inscrit. J’eus l’occasion de rencontrer les premiers pratiquants de ce courant bouddhique en France, Français en quête de valeurs nouvelles, parfois en lutte contre la désespérance, ou Japonais lumineux, conscients des horreurs passées du militarisme et du nationalisme qui avaient ruiné leur pays, et devenus porteurs d’un message de paix destiné à tous. Dépassant nos différences de culture et d’origine, nous nous réunissions dans des centres bouddhiques, le temps d’une pratique, d’un séminaire, d’une séance d’étude. Nous participions également, dans nos quartiers respectifs, à des réunions d’échange. Chacun possédait chez soi l’autel et l’objet de culte appelé Gohonzon au cœur duquel Nichiren avait inscrit son propre état de bouddha, comme un écho à celui qui réside en nous-mêmes. Ici, le “portrait” du Bouddha apparaît sous forme calligraphiée et la danse des idéogrammes offre une image riche où les mots écrits perpétuent “la voix pure et portant loin” de l’Éveillé, une autre de ses trente-deux caractéristiques. »
(p. 61-65)
Le prince Gautama (p. 17-20)
Une longue fascination (p. 29-32)
Extrait court