Le prince Gautama :
« Aux incertitudes spirituelles de l’époque s’ajoutèrent pour lui les doutes quant à son propre sort. Né dans le nord de l’Inde (dans l’actuel Népal), ce fils de roi était appelé à succéder à son père mais le petit royaume des Shâkya semblait si fragile, au regard des appétits des royaumes voisins, que son avenir même paraissait teinté de sombres nuages. Pourtant, dans son palais, Shâkyamuni, tel qu’on le nomma par la suite, c’est-à-dire le “sage de la tribu des Shâkya”, reçut le meilleur enseignement, goûta les plats les plus savoureux. Il portait des vêtements de soie et vivait entouré de servantes et de musiciens chargés de le distraire. Pourquoi fallut-il alors qu’il s’échappât, à quatre reprises, par les quatre portes, nord, sud, est et ouest de son palais, pour se confronter aux quatre formes de souffrance inhérentes à la vie, maladie, vieillesse, mort, et la naissance, qui engendrait les trois autres ? Il se maria pourtant avec l’une de ses cousines, Yashodharâ, dont il eut un fils, Râhula, et son père, rassuré, crut alors que le prince marcherait indubitablement sur ses pas. Certes, il avait bien conscience que ce jeune homme svelte, dont la naissance avait provoqué la mort de sa mère, la reine Mâyâ, était singulièrement taciturne ; mais les années passant, dans la gloire de son règne, il saurait sans doute faire surgir la volonté et l’énergie qu’on attend d’un monarque.
Le malheureux père en était encore là de ses rêves que le fils avait déjà quitté la ville, en compagnie d’un serviteur, sur son meilleur cheval. Il entendait régner, non point sur un royaume, mais sur les forces du mal qu’il sentait s’agiter en lui, sur ses tourments et ses douleurs, liés aux quatre souffrances : naissance, maladie, vieillesse, mort? des épreuves majeures auxquelles nul ne peut se soustraire. Une fois sorti de son royaume, le futur Bouddha se coupa les cheveux et renvoya son serviteur auprès de son père avec ce message : il partait en quête de l’éveil et ne reviendrait qu’après avoir atteint ce but.
Très vite, les maîtres qui le prirent sous sa coupe dans le royaume voisin du Magadha découvrirent en lui une volonté, une exigence hors du commun. Il alla jusqu’aux extrêmes limites de l’ascèse, jeûnant à l’infini, brûlant sa peau au soleil, expérimentant toutes les peines terrestres, et il nous faut dresser ici un autre portrait : un homme squelettique, au visage émacié, à peine porté par ses jambes, au-dessus duquel les vautours rôdent déjà. La barbe est longue, le corps sale. Peut-être ressemblait-il un peu à ce Mahâvîra, son contemporain, maître dans l’art des austérités et figure centrale du jaïnisme, qui allait partout nu convertir des adeptes à sa misère rayonnante. Mais le Bouddha comprit à temps que cette mortification de la chair ne le conduirait qu’à la mort. Il s’en va alors prendre un bain purificateur dans la proche rivière Nairanjanâ. Touchée par son extrême maigreur, une jeune fille qui passait par là lui offre un gruau de riz. Premier repas depuis bien longtemps. Shâkyamuni remercie et, ragaillardi, s’enfonce dans la forêt sombre aux arbres puissants. Il s’assied au pied de l’un d’eux, un immense figuier aux multiples ramifications. Nouvelle pose, nouveau portrait qui, celui-là, va traverser les siècles : le buste est droit, les jambes croisées, les mains posées l’une sur l’autre, paumes dirigées vers le haut. C’est la pose de l’Éveil, la posture de l’Illumination. La naissance d’une nouvelle religion. Ce jour-là, à l’aube, le prince devient enfin bouddha. »
Une longue fascination (p. 29-32)
Ma pratique (p. 61-65)
Extrait court
« Aux incertitudes spirituelles de l’époque s’ajoutèrent pour lui les doutes quant à son propre sort. Né dans le nord de l’Inde (dans l’actuel Népal), ce fils de roi était appelé à succéder à son père mais le petit royaume des Shâkya semblait si fragile, au regard des appétits des royaumes voisins, que son avenir même paraissait teinté de sombres nuages. Pourtant, dans son palais, Shâkyamuni, tel qu’on le nomma par la suite, c’est-à-dire le “sage de la tribu des Shâkya”, reçut le meilleur enseignement, goûta les plats les plus savoureux. Il portait des vêtements de soie et vivait entouré de servantes et de musiciens chargés de le distraire. Pourquoi fallut-il alors qu’il s’échappât, à quatre reprises, par les quatre portes, nord, sud, est et ouest de son palais, pour se confronter aux quatre formes de souffrance inhérentes à la vie, maladie, vieillesse, mort, et la naissance, qui engendrait les trois autres ? Il se maria pourtant avec l’une de ses cousines, Yashodharâ, dont il eut un fils, Râhula, et son père, rassuré, crut alors que le prince marcherait indubitablement sur ses pas. Certes, il avait bien conscience que ce jeune homme svelte, dont la naissance avait provoqué la mort de sa mère, la reine Mâyâ, était singulièrement taciturne ; mais les années passant, dans la gloire de son règne, il saurait sans doute faire surgir la volonté et l’énergie qu’on attend d’un monarque.
Le malheureux père en était encore là de ses rêves que le fils avait déjà quitté la ville, en compagnie d’un serviteur, sur son meilleur cheval. Il entendait régner, non point sur un royaume, mais sur les forces du mal qu’il sentait s’agiter en lui, sur ses tourments et ses douleurs, liés aux quatre souffrances : naissance, maladie, vieillesse, mort? des épreuves majeures auxquelles nul ne peut se soustraire. Une fois sorti de son royaume, le futur Bouddha se coupa les cheveux et renvoya son serviteur auprès de son père avec ce message : il partait en quête de l’éveil et ne reviendrait qu’après avoir atteint ce but.
Très vite, les maîtres qui le prirent sous sa coupe dans le royaume voisin du Magadha découvrirent en lui une volonté, une exigence hors du commun. Il alla jusqu’aux extrêmes limites de l’ascèse, jeûnant à l’infini, brûlant sa peau au soleil, expérimentant toutes les peines terrestres, et il nous faut dresser ici un autre portrait : un homme squelettique, au visage émacié, à peine porté par ses jambes, au-dessus duquel les vautours rôdent déjà. La barbe est longue, le corps sale. Peut-être ressemblait-il un peu à ce Mahâvîra, son contemporain, maître dans l’art des austérités et figure centrale du jaïnisme, qui allait partout nu convertir des adeptes à sa misère rayonnante. Mais le Bouddha comprit à temps que cette mortification de la chair ne le conduirait qu’à la mort. Il s’en va alors prendre un bain purificateur dans la proche rivière Nairanjanâ. Touchée par son extrême maigreur, une jeune fille qui passait par là lui offre un gruau de riz. Premier repas depuis bien longtemps. Shâkyamuni remercie et, ragaillardi, s’enfonce dans la forêt sombre aux arbres puissants. Il s’assied au pied de l’un d’eux, un immense figuier aux multiples ramifications. Nouvelle pose, nouveau portrait qui, celui-là, va traverser les siècles : le buste est droit, les jambes croisées, les mains posées l’une sur l’autre, paumes dirigées vers le haut. C’est la pose de l’Éveil, la posture de l’Illumination. La naissance d’une nouvelle religion. Ce jour-là, à l’aube, le prince devient enfin bouddha. »
(p. 17-20)
Une longue fascination (p. 29-32)
Ma pratique (p. 61-65)
Extrait court