L’escalade, pour elle-même :
« En haut de la paroi, la corde est avalée sans effort, en un clin d’œil. Pourtant, beaucoup plus bas, suspendu dans l’abîme, il devrait y avoir un grimpeur à son extrémité. La corde s’amoncelle sur la lèvre de la falaise, au bord de l’à-pic. Bientôt, elle est tout entière tirée. À son bout? personne ! Juste un débardeur et un baudrier. On pourrait croire à la ruse d’un illusionniste ; c’est pourtant un tour réalisé sans trucage. On aperçoit enfin le grimpeur, petit point qui évolue sans le moindre équipement de sécurité au milieu d’un océan vertical de calcaire lisse comme le ciel bleu.
Zoom. Des milliers de dessins incrustés apparaissent sur la paroi. Elle n’est pas polie comme une surface artificielle. Elle a des trous et des bosses, elle est striée par des fissures rectilignes ou en arc de cercle et semble avoir été vivante, peau fossilisée d’un gigantesque animal préhistorique. Le grimpeur est torse nu : son corps d’éphèbe est bronzé. Ses longs cheveux blonds sont maintenus par un bandeau rouge noué autour de la tête ; il ne porte qu’un short noir et, à la taille, un sac à pof où régulièrement il va chercher la magnésie pour l’appliquer sur ses mains et ses pieds. Car, ultime facétie de l’homme en train de passer à la postérité, il a aussi accroché ses chaussons d’escalade à la corde dont il s’est libéré. Nullement handicapé, il évolue sur la paroi verticale avec la grâce d’un danseur de ballet. On n’entend pas le souffle de sa respiration, mais un air d’opéra. Captivé par son élégance, on en oublie qu’il se tuerait à coup sûr s’il lâchait prise. Son objectif n’est pas le sommet, encombré de touristes venus en voiture. Sa quête est celle de la beauté du geste et de l’osmose avec la nature. Son nom est Patrick Edlinger. Il est filmé dans les gorges du Verdon.
Opéra vertical et La Vie au bout des doigts, les deux films de Jean-Paul Janssen sortis au début des années 1980, résument bien la nouvelle dimension que vient alors de gagner l’escalade. Elle n’est plus un entraînement pour l’alpinisme, mais une fin en soi. Edlinger et quelques autres en ont fait le centre de leur vie, sans forcément fréquenter les montagnes. Ils vivent au milieu de la nature, loin des villes où ils étouffent. Nomades, ils voyagent au gré de leurs envies et des saisons, à la recherche d’une nouvelle ligne à ouvrir. Ils vivent de peu, jouissent de la liberté totale de ceux dont le plaisir est l’unique gouvernail. Quelques années plus tard, les compétitions et les murs artificiels ont fait leur apparition et révolutionné l’escalade. Aujourd’hui pourtant, les grimpeurs passionnés sont toujours aussi attachés au contact avec le rocher et la nature. »
L’infinie variété des roches (p. 30-33)
Le meilleur grimpeur du monde (p. 87-89)
Extrait court
« En haut de la paroi, la corde est avalée sans effort, en un clin d’œil. Pourtant, beaucoup plus bas, suspendu dans l’abîme, il devrait y avoir un grimpeur à son extrémité. La corde s’amoncelle sur la lèvre de la falaise, au bord de l’à-pic. Bientôt, elle est tout entière tirée. À son bout? personne ! Juste un débardeur et un baudrier. On pourrait croire à la ruse d’un illusionniste ; c’est pourtant un tour réalisé sans trucage. On aperçoit enfin le grimpeur, petit point qui évolue sans le moindre équipement de sécurité au milieu d’un océan vertical de calcaire lisse comme le ciel bleu.
Zoom. Des milliers de dessins incrustés apparaissent sur la paroi. Elle n’est pas polie comme une surface artificielle. Elle a des trous et des bosses, elle est striée par des fissures rectilignes ou en arc de cercle et semble avoir été vivante, peau fossilisée d’un gigantesque animal préhistorique. Le grimpeur est torse nu : son corps d’éphèbe est bronzé. Ses longs cheveux blonds sont maintenus par un bandeau rouge noué autour de la tête ; il ne porte qu’un short noir et, à la taille, un sac à pof où régulièrement il va chercher la magnésie pour l’appliquer sur ses mains et ses pieds. Car, ultime facétie de l’homme en train de passer à la postérité, il a aussi accroché ses chaussons d’escalade à la corde dont il s’est libéré. Nullement handicapé, il évolue sur la paroi verticale avec la grâce d’un danseur de ballet. On n’entend pas le souffle de sa respiration, mais un air d’opéra. Captivé par son élégance, on en oublie qu’il se tuerait à coup sûr s’il lâchait prise. Son objectif n’est pas le sommet, encombré de touristes venus en voiture. Sa quête est celle de la beauté du geste et de l’osmose avec la nature. Son nom est Patrick Edlinger. Il est filmé dans les gorges du Verdon.
Opéra vertical et La Vie au bout des doigts, les deux films de Jean-Paul Janssen sortis au début des années 1980, résument bien la nouvelle dimension que vient alors de gagner l’escalade. Elle n’est plus un entraînement pour l’alpinisme, mais une fin en soi. Edlinger et quelques autres en ont fait le centre de leur vie, sans forcément fréquenter les montagnes. Ils vivent au milieu de la nature, loin des villes où ils étouffent. Nomades, ils voyagent au gré de leurs envies et des saisons, à la recherche d’une nouvelle ligne à ouvrir. Ils vivent de peu, jouissent de la liberté totale de ceux dont le plaisir est l’unique gouvernail. Quelques années plus tard, les compétitions et les murs artificiels ont fait leur apparition et révolutionné l’escalade. Aujourd’hui pourtant, les grimpeurs passionnés sont toujours aussi attachés au contact avec le rocher et la nature. »
(p. 11-13)
L’infinie variété des roches (p. 30-33)
Le meilleur grimpeur du monde (p. 87-89)
Extrait court