La Vie à la campagne, Petite défense des clochers, des vaches et des potagers
Philippe Lutz
La campagne occupe une place complexe dans l’imaginaire et l’histoire de notre pays. Elle n’est pas très tendance, mais on la célèbre comme l’incarnation de la France éternelle. Elle voit disparaître les paysans, mais attire les citadins qui rêvent d’un retour à la terre. Les villages ont été délaissés, mais leurs habitants en sont fiers comme les coqs qui surmontent les clochers de leurs églises.
Qu’en est-il alors, vu de l’intérieur ? La mutation de nos campagnes est-elle aussi importante qu’on le prétend ? Quelle est la vie de ceux qui ont choisi de rester au village ou de venir y habiter ? Qu’apporte de spécifique la vie rurale ? Avant tout, du calme et de l’espace, la compagnie des vaches et le plaisir de faire son potager. Elle offre aussi un lien privilégié avec les saisons, une relation plus forte aux fêtes et aux coutumes. Et, même si l’on peut craindre d’y perdre l’anonymat de la ville, elle est un champ protecteur.
Le village pourrait-il alors constituer un idéal de communauté humaine ? Est-il un modèle éternel, avec sa trilogie clocher (église), mairie/monument aux morts (nation) et champs (travail), au fondement de la société indo-européenne chère à Dumézil, ou est-il condamné à disparaître ? Face au déclin de la vie communautaire et à la toute-puissance de la ville, que seront demain nos 30 000 villages ? Les initiatives locales – incitations financières à l’installation, projets participatifs, nouveaux modes de gouvernance –, les technologies et les aspirations contemporaines – Internet, évolution de la place dévolue au travail dans nos vies – et la facilité des déplacements augurent-elles d’un retour du lien social et d’un avenir plus riant pour l’Aveyronnais qui devenait bistrotier à la capitale ou pour le Vosgien qui, depuis ses crêtes, lorgnait la riche plaine d’Alsace ?
Si le bonheur n’est plus nécessairement dans le pré, il est peut-être malgré tout au plus près du pré?