Michel Loetscher, L’Ami hebdo, le 11 novembre 2018 :
? Acheter une maison à la campagne, ne serait-ce pas aussi et surtout acheter un rêve ? C’est ce rêve sans doute qui a aimanté Philippe Lutz vers Saint-Pierre-Bois – “celui d’une vie proche de la nature, où l’on pose sur la table le fruit de ses efforts, celui d’une existence conviviale, au sein d’une communauté villageoise solidaire, ancrée dans des siècles de traditions”? Dans ce village de moyenne montagne, la cérémonie des vœux du maire, “grande liturgie civile”, réinitialise chaque année en janvier le cycle rassurant des travaux et des jours – et le potager est la grande affaire de ces ruraux, heureux accédants à la vie simple, à l’évidence tranquille et à la beauté comme un retour au premier matin du monde. Mais il y a aussi ce sentiment d’abandon que ressentent ces ruraux, face à la raréfaction ou la disparition des commodités et des services publics, qui se traduit souvent par un vote protestataire? Malgré tout, le village, “souvent imité, jamais égalé” fait toujours vendre – et son concept suscite, avec l’expansion des lotissements pavillonnaires, une rurbanisation qui impacte paysages et territoires. Si le village est un monde fermé aux nouveaux arrivants, d’autres en transition comme Ungersheim créent du lien social en optant pour des circuits solidaires et des jardins partagés. Comme le rappelle Philippe Lutz, le village traditionnel n’en finit pas de se réinventer au sein du “village global”, ne serait-ce que parce qu’il rend la ville moins indispensable – quand il ne la recrée pas en pleine campagne? Veaux, vaches, clochers, couvées, potagers et vergers font rêver plus que jamais dans le grand sommeil qui saisit un monde au cœur de pierre. »