Milena Aellig, productrice et réalisatrice à France Culture, le 13 juillet 2018 :
? Je prépare actuellement un documentaire radiophonique sur Vladimir Vyssotski, dans le cadre de l’émission “Une vie, une œuvre”. Au cours de mes recherches, j’ai pu lire avec une très grande attention votre livre Vladimir Vyssotski, Un cri dans le ciel russe. J’ai été très intéressée, entre autres, par la diversité des thèmes abordés, des sources utilisées, votre analyse des textes en fonction du contexte dans lequel ils ont été écrits et l’évocation de vos propres souvenirs en lien avec Vladimir Vyssotski. »
Jean-Louis Gouraud, La Revue n° 53-54, juillet-août 2015 :
? Vladimir Vyssotski ne peut être comparé à aucun de ses collègues occidentaux. S’il fallait à tout prix trouver un équivalent dans la chanson française, il faudrait additionner Jacques Brel, Georges Brassens, Jean Ferrat et Léo Ferré. Avec quelque chose de plus : une fragilité, une mise en danger, une prise de risque permanente.
Lorsqu’il s’est éteint à Moscou, où il était né en 1938, frappé à l’âge de 42 ans par un infarctus, après une vie de tourments amoureux, de créativité effervescente, de succès et de déboires, sa mort stupéfia des millions de Soviétiques, qui le pleurèrent comme un héros national. De nos jours encore, sa tombe est régulièrement fleurie par d’innombrables adorateurs inconsolables.
Dans l’intelligente biographie qu’il lui consacre, Yves Gauthier, familier de la Russie, nous le rend proche. C’est la grande réussite de ce livre écrit avec beaucoup de sensibilité et de poésie. Pour rendre compte de la complexité de son personnage, Gauthier a eu la bonne idée de l’aborder non pas par une simple chronologie, mais par ses voyages, ses films, ses rencontres, ses idoles, ses amours – et même ses voitures. “J’aime beaucoup bouger”, avouait Vyssotski. Yves Gauthier a su fixer un beau portrait de cet éternel agité. »
Veneranda Paladino, Dernières nouvelles d’Alsace n° 528, les 4-10 avril 2105 :
? Quand il voit Vladimir Vyssotski sur scène à Paris en 1977, il comprend mal le russe. Mais presque quarante ans plus tard, Yves Gauthier écrit “l’enjeu dramatique de son chant déchirait l’air”. 1977, c’est l’année française de l’immense poète musicien, acteur russe. L’époux de l’actrice Marina Vlady y publie plusieurs 33 tours, enchaîne les concerts, de la Fête de l’Humanité, au Pavillon de Paris, à l’Élysée-Montmartre ; sa troupe de théâtre, La Taganka, se produit dans la Ville lumière mais sans Vyssotski-Hamlet. Tel un fanal, l’immense poète s’accompagnant à la guitare a illuminé la vie de celui qui deviendra traducteur, apprendra la langue de Pouchkine et passera vingt-cinq années en Russie. Plus qu’un livre-portrait, Yves Gauthier recompose les éclats d’une vie survoltée et tourmentée qui marqua l’imaginaire des Russes des années 1960 à nos jours. En se faisant l’écho de ces cris dans le ciel russe, l’auteur suit à tombeau ouvert la trajectoire de l’auteur météorite de 700 chansons, l’acteur aux 45 films? Au cours de ce voyage musical aux images saisissantes, Yves Gauthier “répare aussi, dit-il, une injustice car ce grand francophile qu’a été Vyssotski n’avait encore jamais fait l’objet d’un essai biographique en langue française malgré les efforts et le beau témoignage de son épouse Marina Vlady”. C’est donc une fenêtre française qui est ouverte à ce géant russe ressemblant énormément à son héros préféré Hamlet, qu’il a souvent incarné au théâtre. “À la fois ancré dans son époque et dans l’éternité, relève Gauthier, le libre arbitre, le destin, la passion, l’être et le pouvoir, la force du verbe, la vérité érigée en poésie.” Du livre s’ébruite la voix de stentor vyssotskienne qui vocalise les consonnes. Presque un cri de l’âme et de la chair. Qui sculpte les mots avec la râpe de la langue, tel le grondement du loup. Il y a une intimité organique, quasi mystique, entre le chanteur et l’animal. C’est dans cette zone d’intensité extrême qu’écrit Yves Gauthier, en revivifiant un homme de la veine de Villon ou de Rabelais. En tirant l’écheveau d’une vie qui se lit dans l’œuvre et inversement, interrompue brutalement en 1980 dans les effluves d’alcool et de drogue, Yves Gauthier restitue la puissance du poète capable de transformer l’entendu en vécu. Toujours censuré, le poète chantait les voyous, les prisonniers de la Kolyma, les relégués. Le tsar de la consonne, citadin moscovite faisait rentrer dans ses chansons les réalités de la taïga sibérienne, comme toutes celles de son pays entier. Vladimir Vyssotski forme une adéquation entre la démesure de l’espace russe, relève le biographe, et la démesure de l’homme. Aussi faut-il l’écouter encore et encore. »
Dane Cuypers, www.atmotsphere.org, le 11 mars 2015 :
? Connaissez-vous Vladimir Vyssotski ? Avant qu’un hasard professionnel ne me mette entre les mains un livre sur lui, je n’en avais jamais entendu parler. Découvrant la personnalité hors du commun de cet homme né à Moscou en 1938, mort en 1980, chanteur, compositeur, acteur et avant tout – en tout cas, c’est ce qu’il désirait de toute son âme – poète, marié en 1970 à l’adorable Marina Vlady, je ne comprends pas comment j’ai pu passer à côté.
Je viens donc de finir Vladimir Vyssotski, Un cri dans le ciel russe (éditions Transboréal), magnifique essai d’Yves Gauthier qui connaît (et a vraiment connu) son sujet à fond et qui a écrit un livre à l’image dudit sujet : survolté, lyrique, enflammé. On est embarqué dans une vie qui brûle tous ses vaisseaux avec des moments de grande douleur et d’autres d’une absolue beauté. Le très joli incipit du livre “Il entre en poésie par la porte de la chanson canaille” donne envie de suivre ce “titi moscovite” aux talents multiples : chansons, radio, cinéma (il sera associé à quelque trente-cinq films du cinéma soviétique, films de propagande mais aussi formidable art populaire) et surtout théâtre. Sa rencontre avec la Taganka, le théâtre du génial Lioubimov, est sa grande chance. Il y chantera ses compositions, y interprétera de grands auteurs : Brecht avec La Vie de Galilée, Tchekhov avec La Cerisaie, Shakespeare avec Hamlet? Chanteur ou acteur sa voix transporte, remue : “la râpe de sa voix singulière, ce rugissement, ce grondement de loup”. Le loup est l’animal fétiche du chanteur – il écoutera en boucle Les loups sont entrés dans Paris de Reggiani ! Extrait de La chasse aux loups : “Course éperdue, j’ai les tendons qui craquent/Aujourd’hui encore comme hier déjà,/Ils m’ont pris à la traque, pris à la traque/Et rabattu sur des tireurs en joie”.
Cette biographie nous fait entrer “dans le cratère d’une œuvre-volcan”, mais aussi au cœur d’un pays et d’un peuple dont on sait le sens de la démesure : de la bohème des années 1970 – “des nuits à refaire le monde dans les cuisines de Moscou, chez des amis d’un jour ou de longue date, à la russe, entre le sifflet de la bouilloire et les arpèges de la guitare”, jusqu’au fin fond de la Sibérie – “Tout petits, nos mères nous faisaient peur : Qui désobéit va en Sibérie,/Et malgré la force de leur fureur/Elles redoutaient telle barbarie”. Vyssotski rêvait de faire un film avec Depardieu d’après l’histoire vraie d’un pilote de chasse russe prisonnier, évadé puis récompensé par dix ans de goulag?
Son image est inséparable de sa guitare : “Je possède une guitare, écartez-vous les murs/Adieu ô ma liberté, quel destin affligeant?/Tranchez-moi la carotide, brisez-moi le fémur?/Mais surtout ne coupez pas mes sept cordes d’argent”. Elle ne le quitte jamais quand il parcourt le monde : l’Extrême-Orient, Arkhangelsk, l’Asie centrale, New York, le Canada, Tahiti? et la France bien sûr. Marina Vlady a écrit Vladimir ou le vol arrêté (Fayard, 1987), dont je pressens que c’est un très beau livre, celui d’une femme qui forma avec cet écorché vif un couple qu’on aurait aimé croiser dans les rues de Paris. Il y enregistra aux éditions Le Chant du Monde des 33 tours dont un en voix croisées avec la comédienne. Celle-ci fera tout pour l’aider à lutter contre l’alcool. En vain. Son ultime poème fut pour elle. À ses obsèques, au théâtre de la Taganka, dans le décor d’Hamlet “afflue la foule océanique et grave”. Le mythe est né. »
Joël Bastenaire, auteur de Back in the USSR : une brève histoire du rock et de la contre-culture en Russie, le 10 février 2015 :
? Lu votre livre avec grand plaisir, presque d’une traite. C’est bien sûr un univers familier dans la mesure où nous sommes de la même génération mais, nos chemins ayant été très éloignés à un moment donné, je ne peux me prévaloir d’avoir rencontré ou fréquenté les personnalités que vous présentez si bien (si ce n’est Lioubimov).
Par conséquent j’ai beaucoup appris au travers de ce que révèlent les fascinants personnages secondaires qui mettent si bien Volodia en valeur. Votre manière de donner à sentir le petit monde des cuisines soviétiques, vos traductions des vers du poète, certaines ellipses sont autant de gourmandises. Je n’ai lu aucun des autres témoignages qui vous inspirent, aussi je ne peux pas me prononcer sur le fonds comme le ferait un spécialiste de votre personnage. Mais j’ai l’impression que votre livre fera date car il est bref, net, bien tourné et donnant au lecteur l’impression d’avoir fait le tour de la question. Un grand bravo donc. »
Christine Mestre, Russia beyond the headlines, le 9 février 2015 :
? La langue russe, c’est par lui, c’est chez eux que je l’ai apprise. Koursk, 1972, j’ai 21 ans. Penchée au-dessus d’un imposant magnétophone à bandes, j’essaie, avec l’aide de trois de mes étudiants qui, bravant les interdits, se sont liés d’amitié avec la seule étrangère à 500 kilomètres à la ronde, de décrypter un enregistrement quasiment inaudible. Sur la bande, une voix éraillée fait naître dans leurs yeux une ferveur qui transforme l’épreuve en rite d’initiation. La voix c’est celle de Vladimir Vyssotski, acteur, chanteur, compositeur, poète, l’idole de tout un peuple. Pardon de cette incursion personnelle, mais ceux qui l’ont connu ont tous en eux quelque chose de Vyssotski. Ainsi Yves Gauthier qui raconte en prologue comment ce dernier lui a indirectement sauvé la vie. Il poursuit dans son ouvrage le dialogue amorcé par le lycéen qu’il fut pour tenter d’appréhender une culture à travers l’une de ses figures emblématiques. Car quel enseignement théorique, aussi brillant fût-il, pourrait remplacer le partage avec un peuple de ce qui fait la trame de sa culture et structure ses individus ?
Ce livre consacré à Vyssotsky est aussi le fruit d’une rencontre naturelle entre l’artiste, qui ne cessa de chanter la conquête de sommets et le dépassement de soi, l’éditeur des voyageurs au long cours et l’amoureux de la langue russe et des grands espaces qu’est Yves Gauthier : “?ces espaces infinis de la Russie? Leur énergie? Ces espaces infinis le nourrissaient?” et plus loin “il y a une forme d’adéquation entre la démesure de l’espace russe et la démesure de l’homme russe incarné par Vyssotski”.
Yves Gauthier se tient loin des anecdotes racoleuses – il ne consacre aux addictions que peu d’attention et aux amours de Vyssotski, notamment avec Marina Vlady, qu’un seul chapitre joliment intitulé : “À la marge de l’œuvre, le chapitre de l’amour” –, loin aussi des poncifs parfois faciles liés à la dissidence dont Vyssotski l’insoumis ne fit pourtant jamais partie. La censure ne laissa pourtant imprimer le moindre des vers ni presser le moindre vinyle du vivant du poète. L’auteur préfère, à travers les témoignages, les routes et l’œuvre brosser le parcours fulgurant d’un mauvais garçon qui aurait bien tourné pour devenir un poète dont la disparition fit dire au prix Nobel Joseph Brodsky qu’elle était “une perte irréparable pour la langue russe”.
Comme tout talent incandescent, Vyssotski est mort jeune, bien sûr – il avait 42 ans – après avoir été l’acteur fétiche du théâtre de la Taganka, tourné dans plus de 35 films et donné des centaines de concerts dans des lieux les plus insolites. Mais il était avant tout ce que les Russes ont de plus cher : un poète. »
Michèle Kahn, amie et traductrice de Vyssotski, le 18 novembre 2014 :
? Cher Yves,
J’ai lu d’une seule traite votre ouvrage et je dois avouer que j’ai eu à plusieurs reprises les larmes aux yeux. Vous avez vraiment su saisir l’essence de l’œuvre de Volodia, vos traductions sont remarquables et vous avez su éviter l’écueil du sensationnalisme. J’attends avec impatience de voir le livre sur papier.
J’espère que nous aurons rapidement l’occasion de nous revoir.
Amicalement »